S. est marqué
absolu
L’appel du 18 juin. Le mien, c’était pas en 40, c’était en 2005. C’est le jour où je l’ai rencontré. J’étais loin d’imaginer, ce jour-là, qu’en janvier 2006, je dormirais à gauche du lit, gauche quand on le regarde, droite quand on est allongé. Loin d’imaginer que je le verrai les week-end, et entre les week-end aussi. Le jour de l’occupation, officiellement, ce fut le 16 novembre 2005, le jour où j’ai commencé à travailler en banlieue parisienne. Je ne saurais vous dire la relation de cause à effet, si j’ai pris ce boulot pour être plus près, ou si c’est le fait d’avoir un pied-à-terre là-bas qui m’a fait chercher.. Cela a-t-il une quelconque importance ?
Moi les costumes, c’est pas trop mon truc, ça m’fait plutôt penser aux hommages posthumes, aux postures forcées de cérémonies sans fin, ça m’donne l’impression d’être coincée dans un endroit inhospitalier. Pourquoi s’habiller « in » quand on n’va pas plus loin que le pallier ?
Certes, de temps en temps je parade amoureusement devant mon galant en nuisette transparente, célébration de la fête de la nuit, effet garanti. Danse au rythme des « ondes sensuelles », on M, l’oreiller s’étouffe sous le poids des corps, les plumes volent tout autour, on tourbillonne, on virevolte, l’esprit se capitonne dans le coton, les watts de la lumière tamisée glissent sur les paupières refermées, les yeux pleins d’éclairs, les papillons dans le ventre, le battement de leurs ailes ont échauffé la peau, s’espacent et laisse la place à ceux du cœur, liqueur douce-amère qui se répand dans les veines, avènement du plaisir qui s’égrène, au fil du temps, seconde, puis minute, le temps s’effiloche en lambeaux, pas envie de les recoller, les idées dispersées, on se dispense du moindre effort qui viendrait troubler cette accalmie, ce réconfort, avant le retour du matin, du malin train-train quotidien.
Dans le métro c’est toujours les mêmes coutumes, y a juste un peu moins de costumes.
Je crois que le pire c’est le dimanche soir, à l’idée de s’enfiler 5 jours de labeur, de corvées, de ne pas voir passer les journées, privés du rayonnement solaire, à 8h00 dans les transports en commun, à 20h dans les yeux de mon amoureux, pour une paire d’heures, une pour chaque œil (mais quand on a des lunettes ça compte double nan ? bon ok c’est nul, mais c’est dimanche soir, c’est normal).
Ça laisse pas beaucoup de temps pour les conversations passionnées, je crois qu’on se parlait plus avant que je ne vienne emménager, on faisait les bonheur de compagnies de téléphone qui se régalaient de nos échanges longue durée. J’exagère bien sûr, maintenant tous les sens sont concernés, la vue le toucher se joignent à l’ouïe, la communication en trois dimensions c’est quand même mieux qu’en analogique. Quand on le peut on se croise sur la messagerie instantanée, le dialogue en direct permet de ne pas être trop longtemps séparés, quand on a la chance de ne pas être déconnectés. Eh oui, l’informatique, elle aussi a ses limites. Peut-être faudrait-il invoquer une force supérieure, dresser un autel en l’honneur de l’ADSL, composer une homélie en hommage au WIFI, réciter chaque matin une prière, une ode au binaire, un peu dans ce genre-là (ceci est un texte de fiction ; toute ressemblance avec un texte existant serait le fruit d’un hasard numérique malheureux ) :
« L’Ordinateur n’a jamais tort, et ordonne en binaire à ses serviteurs..
Le binaire est source de joie et provoque bien des émois, lorsque alignés en rang d’oignons les 0 et les 1 se font mignons.. Je cajole ces chers et tendres comme s’il s’agissait de ma propre chair, je les dorlote sans commune mesure en gardant le rythme, je me laisse bercer par la mélodie du clavier, je soupire mais ne m’assoupis point, car le Bonheur est encore loin..
O Toi, Capitaine Adoré, éclaire-moi de ta boussole, éblouis-moi de ton auréole, que j’en oublie ces quelques folles appelées sirènes qui tentent de nuire à ton règne en attirant tes serviteurs dans leurs abyssales profondeurs…. Montre-moi le chemin du Bonheur, que je puisse échapper aux horreurs humaines et le goûter, ce Bonheur suprême.. »
Et puis rien n’est moins sûr que de laisser traîner ses données sur le réseau mondial, le numérique divise, fractionne, répertorie, stocke, redistribue, sans cesse, sans considération pour l’intérêt de l’information, tout et n’importe quoi circule, se mélange, s’inocule dans des esprits de temps à autre très limités, esprits qui isolent une phrase un mot, l’éloigne de son contexte, un rien hypertexte l’obsède, jusqu’à le priver de sommeil, les liens se désagrègent, il fait ses propres associations, pauvres connexions insensées sans queue ni tête qui s’établissent sur le net et colportent une rumeur créée de toutes pièces. Puzzle auquel manque trop d’éléments pour être assemblé, mais qui régalera les âmes gourmandes de ragots infondés.