Saint Fargeau, Carrefour Market, 18h42

Jules Maisonneuve

Déambuler sans but dans des rayons aménagés pour procurer une faim artificielle, noyer sa mélancolie dans la salubrité commerciale, voilà une expérience unique et belle, à sa façon.

Saint Fargeau, Carrefour Market, 18h42

Tu transpires dehors, comme un cornet Miko
Et tout empire encore, l'homme te dit bonjour,
Alors tu te diriges, vers un froid mis à jour
Les portes, te transportent au pôle Nord, illico.

Les Pastabox bio te disent bienvenue,
La nature en plastique, anime leur message
Et un gnou de métal obstruant ton passage
Avale les genoux, d'un gamin malvenu.

Tu gambades dans un rayon de sucreries :
De beaux raisins pourris touchent le pain rassis,
Le glyphosate sain s'achète en pharmacie
Un lion diabétique et perver te sourit.

Tu descends aux enfers, dans une queue obèse,
Qui par fainéantise, réclame automatisme
Et dans le premier cercle, consomme le traumatisme
De Bultex et Durex, chevaliers de la baise.

Tu entends : « Once again » dégoulinant du ciel,
I miss you you miss me” près du rayon hygiène :
Des filles de Normandie, se voulant Norvégiennes
Chantent des hauts parleurs l'amour artificiel.

« Chers clients, chères clientes » dit une voix saturée
« 25% de moins sur le poisson pané »,
Tu ne vas pas bien loin, pour trouver, sous ton nez,
Le trésor carré et doré de ta virée.

Tu serres la main gelée, d'un capitaine en boite,
Pour prendre ton butin, tu n'éprouves aucune peine,
Cadeau de ces lutins, que la nuit enchaine,
Il est consommation d'une ignorance adroite.

Alors tu te diriges vers ta destination,
La jungle décalée en pleine transhumance,
Au cœur d'une obstruction, lenteur de la finance,
Demeure le point d'ancrage de toute la nation.

« Tut – Tut – Vous avez la carte fidélité ? »
Dit une femme affable sur un tapis volant,
« Non je suis infidèle » dis-tu en rigolant
Tu pleures dans ton crâne, triste réalité.

Tu déjeuneras seul, dans ton lit La Redoute,
Hibernation d'été, dans ta chaude caverne,
Tu toucheras, en vain, l'andouille de tes cernes
Tripotant ton linceul, assiette de tes doutes.

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