Saṃsāra

b-lewan

Il suffit d'une seconde pour passer de vie à trépas. Mais pour Siddarth cette seule seconde est un long voyage qui le conduira d'une vie à une autre au sein d'un monde où le fort fait sa loi.

Je ne me souviens plus du visage de ma mère et encore moins de celui de mon père. Je sais juste qu'un jour ils ont cessés d'être là. J'étais encore bien jeune le jour où la main qui tenait la mienne si fort m'a soudainement lâchée. J'avais cinq ans et je me suis retrouvé seul, seul dans une ruelle bondée. J'ai pleuré, mais personne ne m'a accordé un seul regard. Noyé dans la foule, effrayé de ne trouver aucun repère autour de moi. C'était il y a onze ans, depuis j'ai survécu tant bien que mal. Je suis un des mendiants de la ville de R'yleh. Le visage émacié par la faim, le regard acéré par la détermination de vivre. Ma vie aurait pu continuer ainsi encore longtemps mais le destin en a voulu autrement. 


Ce soir là j'avançais silencieusement dans la ruelle qui menait à ma demeure de fortune lorsque soudainement je perdis la vie. Je sais, c'est étonnant de ne rien avoir vu venir et pourtant, c'est bien le cas. Je n'ai pas vu le visage de mon meurtrier, je n'ai même pas senti la lame glisser sous mon cou. Le coup fut net et indolore. Qui aurait cru que le jeune mendiant que j'étais se retrouverait soudainement au-dessus de son propre cadavre, un poignard ensanglanté à la main. Le choc, l'incompréhension, la peur, le doute. Les émotions ont défilées les unes après les autres jusqu'à ce que finalement je prenne la fuite. Je ne comprenais pas ce qui se passer, tout ce que je savais c'est qu'il y avait un cadavre et que j'étais celui qui tenait l'arme du crime. Je me débarrassais de la lame et m'empressais de rejoindre la cabane en bois dans laquelle j'avais élu domicile deux ans auparavant. Qu'est-ce qui venait de se passer ? Est-ce que tout cela était réel ? Non, c'était impossible. J'avais dû rêver, je ne pouvais pas être mort puisque j'étais encore bel et bien en vie. Mais alors à qui était ce corps qui me ressemblait trait pour trait, ce corps qui portait les même haillons qui me servait de tenue depuis deux ans déjà ? 


Incertain, mon regard se porta sur mes mains d'abord. Ces mains dans lesquels se trouvait encore quelque minutes auparavant une arme tâchée de sang. De longs doigts, il y avait un anneau sur l'annulaire gauche de la main gauche. Sur le poignet droit on pouvait voir un tatouage, d'étrange ailes entourant ce qui semblait être une épée. J'aurai pu continuer à me voiler la face, à ignorer la réalité et pourtant c'était là, devant mes yeux. Je n'avais pas les moyens de porter un tel anneau et encore moins de me faire tatouer. Et mes haillons avait été remplacer par une armure en cuir noir étonnamment confortable. En fouillant ce corps inconnu qui était vraisemblablement désormais le mien je découvrais une multitude de trésors qui rassurèrent mon cœur pourtant bien déboussolé. Une bourse contenant assez d'or pour me faire vivre plusieurs mois, une boussole en argent, un autre poignard et d'autres babioles de valeurs.


Mais ce qui attira toute mon attention fut ce papier, cet étrange bout de papier recouvert d'une écriture que j'arrivais à lire. Je pouvais lire ! C'était impossible ! Et pourtant le fait était là, moi qui n'avait jamais reçu aucune éducation et qui jusque là avait déjà bien du mal à ne serait-ce que parler correctement j'étais désormais capable de lire. Et ce que je lis me surpris davantage encore puisqu'il s'agissait d'un ordre de mission. Un ordre consistant à m'éliminer, moi. Qu'est-ce que j'étais sensé faire ? On voulait me tuer ? Pourquoi moi ? Quel intérêt y avait-il à mettre fin à la vie d'un simple mendiant ? Je tournais et retournais la question dans mon esprit sans trouver aucune réponse à mes interrogations. Je n'avais aucune famille, aucun souvenir de mon passé. Je ne connaissais que mon prénom, sans même être certain que ce soit bien le mien. Au sein des ruelles de R'yleh je connaissais bien quelque personnes mais aucune d'entre elles n'était mon ami ni même une personne en qui je pouvais avoir confiance. Seul, j'étais totalement seul face à l'impossible. Et après avoir ressasser mille et une question mille et une fois je fini par m'endormir en m'accrochant à une seule et unique pensée : j'étais toujours en vie.


Le lendemain matin à l'aube des voix me réveillèrent en sursaut. J'oubliais l'espace d'un instant ce qui m'était arrivé durant la nuit. Encore endormi j'entendais pourtant les voix à l'extérieur sans pour autant y prêter attention. "Fouillez le quartier !" "Ne laissez pas ce voleur s'en sortir !" "Trouvez le !" "Qu'est-ce qui se passe ?" "Il n'y a rien par ici, Capitaine." "Un voleur s'est infiltré chez le duc, il a tué deux gardes et dérobé plusieurs objets !" "Incroyable ! Comment est-ce qu'il a fait ?" "Il n'a pas pu s'enfuir bien loin !" Et cela continua encore longtemps, pourtant il ne me suffit que d'un instant avant de me rendre compte de la présence de ce corps à mes côtés. Un mouvement, je l'observais un peu bête. Il s'agissait d'une jeune femme, elle devait avoir un peu plus de vingt ans. Elle était belle, en tout cas son apparence était plus agréable que celle qu'avait les femmes de R'yleh. Des cheveux noirs entouraient son visage, une peau pâle, deux lèvres rouges et pulpeuses, de longs cils. Inconsciemment je me retrouvais complètement obnubiler par cette expression calme et sereine qu'elle arborait dans son sommeil. J'en oubliais même de me demander qui elle était et ce qu'elle faisait là. Tout ce que je savais c'est que pour la première fois en quinze ans de vie je ressentais une bien étrange chaleur se répandre dans ma poitrine. 

Histoire en cours d'écriture.

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