Sans souvenir

Louisa Slama

Plus d'une semaine de cauchemars éprouvants m'ont amené à réfléchir à ma condition émotionnelle. Je ne pouvais faire l'impasse sur mon état au risque de continuer à m'enfoncer dans les peintures tordues que mon cerveau s'amusait à créer. Dans un premier temps, l'explication logique : trop de stress, trop de travail, trop d'écrans. 
Mais malheureusement, cela n'a jamais été dans ma nature de détourner le regard sur la réalité des choses ou même de mentir dans le seul but de faire preuve de lâcheté. Si la cause ne voulait pas encore s'exposer à moi, je dissèquerais la nature de ses brumes qui me volaient mon sommeil. 
C'est tellement ironique que j'en viendrais à pleurer. 
Je cauchemardais de mon passé. 
Moi.
La personne sans souvenir. 
La forme sans substance. 
Mais je ne rêve pas ce qu'il m'est arrivé, je rêve mes angoisses passées, celles qui n'existent pas vraiment. Mes vrais souvenirs eux, restent cadenassés dans quelque recoin morne de mon esprit, à jamais inaccessible. 
Il n'y a pas de soleil dans ses rêves, ni d'eau ou de fleur de sureau, il n'y a qu'un gruau d'émotions et de peurs, qui prennent leur source dans les ombres des gens disparus de ma vie. Le jugement ferme que j'impose au monde et à ses dispositions devient ma propre condamnation, chaque soir, entre ma sueur et mes larmes. 
Comme témoins à charge, tout ce qui n'existe plus aujourd'hui. Même mes souvenirs ne sont pas venus à mon procès. Mes angoisses jouent l'avocat du diable et bientôt roulera ma tête à mes propres pieds. 
Se faisant, force a été de constater que tout ce beau monde qui rendait mes nuits bien trop bruyantes, n'était plus. Rien ni personne ne me restait maintenant. Les lieux m'étaient devenus trop douloureux pour que je puisse m'y rendre et les gens erraient entre amour et haine bien loin de moi. 
Aujourd'hui, cette nuit, mais en fait depuis bien longtemps, tout n'existe plus. 
Je pense que se niche ici la source de mes perturbations. Dans ce vide plein, il me faudrait faire le ménage, car je ne peut rien créer dans le passé, mais le passé lui, dessine encore les lignes de mon futur. Je sens qu'une partie de moi essaye de forcer l'entrée de ma conscience, alors il serait peut-être temps de se souvenir. 
S'en souvenir. 

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