Dérision

François Roche

Une lueur laiteuse entra dans la pièce. Entre les feux rougeoyants des voitures, la palpitation de la rue et la trompette suave de Chet Baker, quelque chose se tissait autour de moi comme un envoûtement fugitif, une poésie noire qui passe devant les yeux, lancinante, dangereuse. Elle est partie il y a quelques heures, en claquant la porte. « Adieu. » Avait-elle dit sans se retourner. J’entendais encore résonner ses talons dans l'escalier qui la séparait de la rue. Cette douleur sourde. Je restai un long moment en laissant errer mes doigts le long de la gâchette, apaiser la fièvre de mon front par le froid de l’acier, jusqu’à ce que le monde autour de moi soit somnolent et ne plus éprouver que l’absurde facilité de la mort. « Ce n’est pas bien, vilain, viens ici, regarde-moi, non, ce n’est pas bien, qu’est-ce tu as fait ? Non, tu n’es pas gentil, tu as fait des saletés. » L’ombre est passée, j’ai souri en posant le revolver puis j’ai fermé la fenêtre.

Signaler ce texte