Scènes de vie quasi-ordinaires - Le coiffeur

lodine

Un réalisateur va chez le coiffeur pour se changer les idées

Un homme se rendu chez le coiffeur. Il a besoin de se faire raser la tête. Pour changer d'air, pour changer de look, pour changer de vie. Il s'appelle Mickael. Il a surpris sa petite amie Vanessa en compagnie d'un autre homme. Il aurait pu faire un scandale, faire tuer l'amant puis sa femme.
Mickael marche comme s'il allait sauter sur un champ de mine à chaque pas effectué. Il entre chez le coiffeur d'un air déterminé:
- Bonjour !
- Bonjour ! Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous, Monsieur ?
- J'ai besoin de me faire beau. Ce soir, je présente mon film en compétition, ici à Deauville.
- Eh bien ! Monsieur a de la chance !
- N'est-ce pas, n'est-ce pas ! Bon, en attendant, pourriez-vous me raser la tête ?
- Vous raser la tête, mais bien sûr ! Asseyez-vous, je vous en prie.
Mickael s'assoit dans un fauteuil bleu pâle. Il se regarde dans le miroir. Ses yeux sont cernés, il a des poches bleutées sous les yeux. Il se lèche la paume de main, lisse ses cheveux et regarde autour de lui. Il est un peu étonné de s'apercevoir qu'il est le seul client.
11h35.
« Ca va être l'heure du déjeuner. Tant mieux, je serais coiffé plus vite. » se dit Mickael.
Il attend que le coiffeur revienne en lisant une revue, le Figaro Magazine. Et soudain, il voit le petit coiffeur arriver avec une tondeuse. Pas une tondeuse comme celle qu'utilisent les coiffeurs, mais une vraie tondeuse à gazon, en modèle réduit.
- Voilà, Monsieur, maintenant, je vais pouvoir vous raser la tête. Penchez- vous, là voilà.
- Non, non, je ne veux pas !
- Penchez- vous, vous dis-je !
Le bruit de la machine envahit le salon. Le coiffeur a saisi la tête de Mickael qui se débat comme un forcené.

A ce moment, une sonnerie de téléphone retentit.
« Dring, dring, dring.. »
Mickael tend la main hors du lit et prend le combiné, sur la table de chevet.
Une voix de femme lui parvient, lointaine. Il est mal réveillé.
- Bonjour, Monsieur. Il est 7h15. Je vous appelle comme convenu. Vous pourrez prendre votre petit-déjeuner au restaurant situé au rez-de-chaussée. Je vous souhaite une bonne journée.
La voix de la femme disparaît. Elle a raccroché.

Mickael se retourne en grognant dans son lit. Puis il se relève de son séant, les yeux encore rougis de sommeil. Il se remémore son rêve.
« Eh bé, qu'est-ce qui m'est arrivé ? »
Il regarde autour de lui. Le mobilier ne lui est pas familier.
" C'est quoi ce tapis, ce lustre !? Je suis où là? »

Il se rappelle alors l'objet de sa présence à l'hôtel. Il est venu présenter son film au Festival du Film Américain à Deauville.
Vanessa est à Paris. Mickael se rue sur le téléphone, compose le numéro de la maison.
« Dring, dring… »
- Allo ? C'est la voix de Vanessa, un peu endormie également.
- Allo, chérie ! C'est moi.
- Mickael ? Comment vas-tu, mon biquet ? (Vanessa est blonde, et actrice).
- Bien, ma puce. Et toi ?
- Mais je dormais, mon biquet ! Il est tôt, non ?
- Oui, oui ! Je voulais m'assurer que tout allait bien pour toi. Histoire de savoir si je ne te manque pas trop…
- Mais si, tu me manques, mon biquet…
A l'instant où Vanessa prononce ces mots, Mickael entend la voix d'un homme, mais à cause des grésillements du téléphone, il a du mal à entendre ce qu'il dit. Il a le temps de saisir :
- Vanessa, ma beauté, où as-tu mis…

Vanessa ne parle plus. Mickael entend sa respiration, soudainement précipitée, puis sa voix qui tremble :
- Je… je t'expliquerai, mon biquet.
- Mon biquet ? C'est qui, cet homme que je viens d'entendre? rugit Mickael.
Il est bien réveillé, maintenant.
- Ce n'est rien… je t'expliquerais…
- Ce n'est rien ? Tu viens de prendre du bon temps, ah ce que j'entends, et tu me dis que ce n'est rien ?


Vanessa commence à sangloter au téléphone, ce que Mickael déteste, généralement.
- Arrête de chialer ! Ecoute, tu vas me faire le plaisir de déguerpir de chez moi. Tu vas où tu veux, mais que je ne t'y retrouve pas quand je reviendrai…
- Ecoute-moi !
- Ce n'est plus la peine ! Tu dégages de chez moi !
Mickael raccroche violemment le téléphone. Il se met un oreiller sur la tête.
"Et si ça tombe, elle me trompe avec ce coiffeur ! Ah, je n'en peux plus, de ces actrices à deux balles qui couchent pour le cachet. Basta, je vais me recoucher. Elle a de la chance, la drôlesse, que je ne sois pas à Parisssss. "

Mickael se rendort, la tête dans l'oreiller. Le dernier mot a traîné dans sa bouche.
- « Dring, dring ».
Mickael tend un bras hors du lit. Il a mal à la tête. La sonnerie du téléphone retentit dans la chambre.
- Qui est à l'appareil ?
- Il est 7h45, Monsieur. Votre petit déjeuner est servi. Vous avez jusque 8h30 pour le prendre.
- Oui, oui, j'arrive.


Mickael est énervé. La voix de la femme ressemble étonnamment à celle de Vanessa. Tout se trouble dans sa tête. Il regarde de nouveau autour de lui. Il est toujours dans la chambre d'un hôtel à Deauville. Les lourds tapis et les teintures de velours vert pâle n'ont pas changé. Les rideaux sont toujours fermés, mais la lumière du dehors est si vive qu'on a l'impression qu'il est midi.
Mickael se relève de son lit. Il se rend à la fenêtre, tire les rideaux. Il est obligé de mettre sa main en visière.
« Fichtre, la luminosité est splendide ici. Il faudrait que je songe à revenir faire quelques plans… » se dit-il en se dirigeant vers la salle de bain.
Alors qu'il est en train d'ôter sa robe de chambre pour prendre une douche, il se souvient brutalement de la conversation avec Vanessa. Il s'approche du miroir, se regarde. Sa bouche a des plis amers, ses yeux sont cernés. Les mots de Vanessa résonnent dans sa tête. Il s'assoit sur la cuvette des WC, se prend la tête entre les deux mains.
« J'ai besoin d'aller chez un coiffeur. Ca me calmera.»


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