SCHLOUNG BOUNG

suemai

Histoire vécue, propos recueillis. Lorsque je suis sortie du centre de détention pour jeunes délinquants, j’ai pleuré… la douleur, l’amour et la mort transperçaient le regard de cet enfant, condamné…

Comme si tout devait s'écrire ainsi, lorsqu'enfant, un mauvais coup se produisait, mon frère et moi nous retrouvions face à mon père, dont le visage n'inspirait pas à la franche camaraderie. Tout naturellement et, à chaque occasion, des larmes, non feintes, inondaient le visage mon cadet, tandis que mes rires, nerveux, dressaient allègrement le gibet de ma potence.

Agrippé par une main en mal de torture, mon père nous cadenassait dans ma chambre, sous les cris désespérés de ma grand-mère. Dès lors, je calculais le temps, celui qui mettrait un terme au carnage. Ceinture de pantalon débouclée, le massacre débutait. Coups par ci, coups par là. Je me cachais tant bien que mal sous le lit, les recoins des meubles, la penderie, la rage de mon père augmentait à chacun des claquements de son fouet de cuir. Mon corps perdait de sa vigueur à chacune des blessures infligées. Je n'avais pas le temps de me poser de questions; il y allait de ma survie. Échapper aux supplices de celui qu'on aime le plus au monde, un drame que je ne vous souhaite pas.

Après épuisement de mon tortionnaire, la porte s'ouvrait et se refermait. Je demeurais allongé, heureux de toujours respirer. Ma grand-mère rappliquait aussitôt. Elle faisait l'inventaire des dégâts et tentait de palier à toutes ces meurtrissures suintant toujours.

Le tableau de chasse remplissait, allègrement, la collection de trophées de papa et tout naturellement, j'y perdais des plumes en conséquence. Des lacérations, du sang qui s'épandait souvent de ma bouche, des ecchymoses me couvrant le corps. Les larmes de grand-maman ne suffisaient pas à faire taire un amour qui ne voulait pas s'éteindre, inconditionnel et au détriment de ma condition.

Sa rage éteinte, plus calme, mon père aidait mammy à tout désinfecter. Je lisais dans son regard de la tristesse. Il ne voulait pas, mais voilà, le mal me labourait le corps et le cœur. «Schloung boung» me répétais-je sans arrêt, tel un mantra d'orphelin. Endolori et marchant avec difficulté, je me sentais le pire des enfants du monde.

J'aimais mon père. Il me manquait toute la journée. Suite à la fessée, je me rapprochais de lui. Je l'aimais. Après tout, c'était lui, le seul, qui pouvait porter ce nom, celui de : «PAPA.»

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