SCORPION MON FRERE

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Un homme ordinaire face à la tragédie



Des filles j'en eu, des rondes, des maigres, des folles et des fées mais entre Noémie et moi prospérait une communion parfaite. Son ventre replet était entaillé d'une fleure grenadine, je passais des heures à la regarder, comme je prenais plaisir à épier tout ce qu'elle faisait même la plus insignifiante tâche ménagère. Ce n'était pas la casserole ni la poêle à frire qui retenait mon attention mais sa cambrure, ses cheveux tombant sur ses reins, et lorsqu'elle était nue et qu'elle ne faisait rien pour se soustraire à mon regard, usant d'un art appliqué de la provocation, sa vulve grassouillette. Et puis j'aimais par dessus tout la chanson qu'elle laissait échapper de sa cage à rossignol après ou pendant l'amour. Noémie était la femme de ma vie, elle m'avait sauvé du naufrage après de longs mois de solitude qui avait marqué la fin d'une relation chaotique. Noémie descend du lit mezzanine, elle s' accommode de son petit studio de la rue du Cherche Midi depuis qu'elle l'a aménager comme un refuge dans un arbre. De toutes manières elle n'est pas de ces filles qui font des chichi, elle vit dans un bazar organisé. En sautant sur le parquet brut et craquant elle donne un coup de pied dans ses sous-vêtements qui traînent, elle passe une main dans sa tignasse brune, c'est fou les cheveux qu'elle a. Tu as bien dormi me demande t-elle, je n'ose pas lui dire que notre chevauché nocturne m'a épuisé. Noémie a pris son plaisir sans s'occuper du mien. Les quinquagénaires sont difficiles à combler et elle n'a pas toute l'expérience pour cela en dépit de sa quarantaine bien assumée. Je lui dis simplement que c'était formidable. Tant mieux ! enchaîne t-elle et ce soir on remet ça OK chérie ? Oui oui pas de soucis... J'aimais son corps mais son attachement au plaisir charnel ne laissait que peu de repos à mes sens. Prendre le temps d'aimer à nouveau dans la plénitude de l'âge, prendre plaisir au petit déjeuner en commun, à la douche matinale, prendre le temps encore de la contempler sans pour autant qu'elle me tripote ou que ma main s'immisce dans son intimité, voilà quel était mon souhait le plus vif. Noémie prépare son café et beurre ses tartines, ébouriffée elle me regarde et précise qu'il y a tout dans le frigo, que je fasse comme chez moi mais qu'ensuite ce serait bien que je nettoie la table parce qu'elle devait encore prendre une douche, se maquiller, s'habiller et sauter dans le premier métro. OK pas de problème ! Pas de problème ? Tu parles ! Sans en avoir l'air elle me donne des ordres. J'étais capable de tout faire sans qu'elle me le demande j'en aurais éprouvé une plus grande satisfaction, je l'aurais fais sans même penser que je faisais quelque chose de bien, que j'étais un homme moderne et respectueux de la liberté des femmes, non je l'aurais fais tout simplement parce que moi même je ne supportais ni la saleté ni le désordre. Mais il fallait qu'elle me sorte cette remarque juste avant de m'embrasser goulûment sur la bouche comme pour faire passer le poison, technique de femme. En cela certaines d'entre elles n'étaient pas différentes des autres femelles de la création, là où les chattes relevaient l'arrière train pour signifier au mâle leur désir d'accouplement, la femme dispersait des baisers, des compliments, des cadeaux à la proie qu'elle désirait séduire ou conserver. Évidement je ne m'entretenais jamais de cela avec Noémie, l'aurait elle compris qu'elle m'aurait traité à juste de titre de pauvre connard ou plus mièvrement de quelqu'un qui se posait trop de questions. Et bien oui des questions je m'en posais car, pendant le petit déjeuner, sous la douche, aux toilettes, même aussi lorsque j'étais occupé entre ses jambes, mon cerveau ne s'arrêtait jamais et m'envoyait des mises en gardes ou des injonctions diverses et variées. « Tu devrais faire attention, concentre toi sinon elle va trouver le rapport trop long et ne pourra plus se retenir, tu es certain qu'elle est faite pour toi, est-ce que tu ne t'emballe pas trop vite, quelle heure est-il, je boirais bien un bon café, attention elle va jouir »... Des questions, des blablas, toute une ribambelle de mots qui ne cessait de m'envahir. Elle est partit, m'a embrassé comme je m'y attendais avec gourmandise une main posée sur mon épaule. je lui appartiens. Je ne sais pas quoi faire de cette mâtinée, tout m'emmerde soudainement, le travail à la Poste, les courses que je dois faire, cette foutue pendule qui ne sait qu'égrainer des secondes quoi qui puisse advenir .


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J'allume la radio, un attentat dans Paris, on parle d'intégristes musulmans mais la piste n'est pas encore sure. Le monde est fou et certains hommes plus que d'autres. Il y a plusieurs morts, les journalistes vont s'en donner à cœur joie, c'est odieux car justement il n'y a pas une heure, les faits se sont déroulés dans les locaux d'un journal satirique qui a eu l'audace de publier des dessins ouvertement blasphématoires sur le prophète. Bien fais pour eux ! La première idée qui me vient en tête c'est que lorsqu'on lance un boomerang il faut s'attendre à le recevoir dans la gueule un moment ou un autre surtout lorsqu'on ne maîtrise pas la trajectoire ou que l'on est pas assez attentif... Et puis merde ! ils n'avaient rien d'autre à faire ces types que de blasphémer pour attirer l'attention ? Nous sommes peut être un pays libre qui vénère le droit d'expression, ce n'est tout de même pas une raison. Je me prends à imaginer une organisation importante qui déciderait de se moquer ouvertement de leur profession de gratte papier, qui les traiterait de j'en foutre, de bon à rien, d'enculés et surtout de distributeurs de malheurs en tout genre. Un journal serait édité quotidiennement et diffusé à des milliers d'exemplaires... il ne s'agirait pas à proprement parler de blasphème mais tout de même se faire insulter à tout va...dites moi, dites moi...ne seraient ils pas indignés pas tout ces journaleux ? peut être même qu'il s'en trouveraient quelques uns plus excités que d'autres pour lancer une bombe dans les locaux dudit journal satirique... J'en ai mal à la tête comme si cette idée n'était qu'un sale cailloux venant gripper les rouages encore embrumés de ma réflexion matinale sans véritablement trouver sa place parmi mes convictions. Après mon deuxième café, je me rends bien compte de ma connerie. Je me suis laissé aller comme ces éjaculateurs précoces qui ont tirés sans réfléchir emportés par leur excitation. Finalement je ne vaut peut être pas mieux qu'eux. Lorsque je sors dans la rue du Cherche Midi une heure plus tard, il y a des sirènes de flic partout, des ambulances aussi, ils doivent se précipiter vers le lieux de l'attentat qui se trouve à quatre ou cinq stations de métro, cela dépend par où l'on passe. Je n'en sais pas plus car j'ai éteins la radio sitôt que j'ai entendu la nouvelle. Il y a mieux à faire, je grille quelques cigarettes, le nez en l'air il fait beau et un peu partout les jeunes filles sont en fleurs. Je sais que le monde est con, et j' ai fais mon deuil d'une société idéale et non violente. D'ailleurs je fais partie moi aussi de la masse uniforme des cons et rien ne dit qu'un jour je ne ferais pas une connerie de ce genre. Après tout, ce n'est pas impossible. Car, si je tombais moi aussi dans les griffes d'une organisation mafieuse ou dans les pattes d'un méchant barbu que ferais je. Je n'excuse pas ces types loin de la, ils me font vomir. Tuer au nom d'une religion est une hérésie pure et simple.

« Les intégristes tous dehors et la peine de mort non de dieu, la bonne vieille guillotine et on en parlera plus ! Si il y a des amateurs de têtes coupées ils n'ont qu'a venir se la faire sauter en France, ici bientôt j'espère qu'on décapitera tout ces salopards en place public après leur avoir coupé la langue pour qu'ils ne lancent pas leur satané.......

Qu'est-ce que je raconte !

Je me dirige vers le marchand de presse du coin de la rue pour acheter le journal télé, là au moins pas de mauvaises nouvelles parce que vous voyez moi je suis un français moyen et ce qui compte pour moi avant tout c'est de pouvoir continuer à vivre dans un pays où je peux gueuler que les politiques sont des incapables, de menacer de voter pour les extrêmes...les extrêmes ? Tiens ! On y revient, tout en continuant de profiter des prestations sociales. Ça et aussi aimer Noémie sans rien ne devoir à personne. Ce qui m'intéresse moi ce n'est pas tant la liberté de mon peuple mais la mienne ce qui j'en conviens est nettement moins glorieux. « Vous savez que cela s'est produit au journal Charlot hebdo » !!!! Ce soir la Noémie n'est pas rentrée de son travail. Sur son chemin elle passait devant les locaux du journal comme tout les matins. Ils me l'ont prise. J'ai pleuré pendant des heures en me rappelant tout nos beaux moments, les plus intenses comme les plus simples puis j'ai vieilli de dix ans en quelques jours. J'ai rendu les clés du studio du Cherche Midi un peu plus tard et je suis partis loin, très loin, chercher le soleil dans une ville du sud. Je ne sais pas si j'aurais encore la force de comprendre ce monde complètement fou, si j'aurais encore l'audace de penser que nous sommes tous frères...quelque part ! Scorpion mon frère, tu es comme le scorpion...


AMISDESMOTS

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