Scream

Madness

J'ai besoin d'hurler, putain.

Hurler. J'ai besoin d'hurler, putain. Hurler cette douleur, ce malaise, ce sentiment d'impuissance qui me domine. Merde, j'ai envie de crever. Crever d'ivresse, de drogue, peut-être d'une bonne dose de nicotine. J'ai besoin d'fermer les yeux et n'jamais les rouvrir. C'est trop fort, trop fort pour moi. Trop fort pour eux, pour nous, pour lui et elle. Trop fort pour mon cerveau, mon corps, mon coeur. C'est douloureux, bordel de merde. Ça fait tellement mal que j'en perds la raison. Quelle raison, dites-moi ? Quelle putain de raison me reste-t-il ? Aucune, merde. J'suis plus rien. Tellement rien que ça m'donne envie d'vomir. Vomir mes tripes, mon estomac, mes intestins, mes poumons aussi. J'ai envie d'vomir cet organe qui me tient en vie, j'ai envie de mourir en vomissant. L'odeur de la bouffe régurgitée, quoi de mieux pour partir ? C'est dégueulasse, tellement dégueulasse que ça m'fait sourire. J'suis même plus capable de pleurer. Les gens disent que c'est faible de laisser des larmes couler ; moi j'trouve ça fort et honorable. Pas tout le monde est capable de démontrer ses sentiments. Moi j'sais pas le faire et ça m'a perdu. J'ai jamais su parler, dire c'que j'ressentais, et la seule fois que j'aurais dû le faire, j'ai fermé ma gueule alors que j'devais pas, j'ai détourné la tête et j'suis parti, queue entre les jambes, comme si ça pouvait aider. Ça n'a fait que tout empirer, et me voilà là, la gorge qui déchire tout, l'envie de clamser. Mais c'est qu'une envie parmi tant d'autres. Qu'une envie irréalisable parce que j'suis trop lâche pour ça. Trop lâche pour me faire mal, trop lâche pour rejoindre Saint-Pierre ou quel est son nom déjà. J'suis aussi trop faible pour fermer les yeux, pour oublier. Mais comment ? Pourquoi ? Je n'y arriverais pas. J'le sais bien, je vaux rien. Personne ne vaut réellement quelque chose, dans ce monde et cette vie. Personne ne mérite réellement quoique ce soit. On croit mériter, on croit valoir, mais au fond… Au fond, on vit tous la même merde, on vit tous pour finir pareil. On s'croit supérieur quand on a du fric. On s'croit inférieur quand on n'en a pas. Mais les deux sont aussi bas, car il n'y a aucune hauteur dans cette histoire. Aucune fin heureuse à la vie. Comment peut-on vivre innocemment, vivre parfaitement, le sourire aux lèvres, la tête bien haute, alors qu'on sait qu'on fait tout ça pour en crever ? Qu'on sait qu'on pourrait pas échapper à la fin ? Les gens sont trop hypocrites. Tout le monde l'est. Et moi aussi. On retire les couteaux aux suicidaires, on retire les seringues aux drogués, on donne des flingues aux flics, on donne le pouvoir aux cinglés : et après on parle égalité, on prône respect et on prône liberté. Et la liberté, qu'est-ce que c'est ? Ce n'est rien, qu'un putain de mot inventé par les humains pour expliquer à d'autres humains le pourquoi de notre connerie quotidienne. On fait genre on se soucie des gens qui « se font mal » mais derrière leurs dos, on rigole, on critique et on ne cherche même pas à comprendre. On leur en veut de crever, on leur en veut de nous laisser comme ça, en plan. Mais au fond, a-t-on pensé aux raisons de leurs actes ? A-t-on pensé à la connerie qu'on a fait, nous, en les poussant à commettre ce crime tant puni par Dieu ? On leur reproche tellement, on leur en veut tellement, et au final ils en crèvent, et nous, on est là, à leur reprocher leur mort, comme si c'était normal. Comme si ça changeait quelque chose. Les gens meurent, tôt ou tard. Certains sont plus intelligents que d'autres et choisissent leur fin et pourtant, alors qu'on devrait être contents, à la limite, on se plaint, encore et encore. Parce que leur mort n'a servi à rien, parce que leur mort nous a rien appris. Et j'suis comme ça, moi aussi. Roulé en boule, à hurler ma douleur, à cracher ma haine contre la terre, parce que j'ai pas pu retenir la seule personne qui comptait. Parce que j'ai pas pu lui dire, parce que j'ai jamais eu les couilles, parce que j'ai compris trop tard. Et j'm'en veux tellement. J'regrette tellement ma connerie, mes actes, mon manque d'initiative. J'regrette tellement mes yeux aveuglés, mon coeur renfermé, mon corps trop fort pour un être aussi frêle. J'regrette son départ, j'regrette sa mort. J'ai envie d'hurler, de crier, de gueuler. J'ai envie de boire, de fumer, jusqu'à m'en casser la gorge, jusqu'à m'en tuer le foie et les poumons. J'ai envie d'mourir, moi aussi, à p'tit feu. J'ai envie d'souffrir, d'pleurer, d'avoir mal. J'ai envie que sa mort serve à quelque chose. J'ai envie d'apprendre. D'aimer. J'ai envie d'rattraper le temps perdu. Mon temps perdu. J'ai envie d'servir à quelque chose, tandis que mon âme morte erre quelque part, tandis que ma conscience se tue peu à peu.

  • J'aime beaucoup ! Ça claque, c'est dur et violent et c'est beau. Je ne sais pas si tu connais Fauve (c'est un groupe de musique), ton texte m'a un peu fait penser à certaines de leurs chansons. Tu devrais écouter, ça te plaira peut-être !

    · Il y a presque 9 ans ·
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    rimheh

  • J'adore... Je ne sais quoi dire, tellement ce texte semble être un cri du coeur ! D'une profondeur, d'une vérité inouïe... Je suis bufflée, car ces mots correspondent à mon état actuel (et parfois plus que passager). C'est réellement très bien écrit. Des termes poignants, un rythme qui vous prend à la gorge et dont vous ne sortez pas indemne. Bravo !

    · Il y a presque 10 ans ·
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    mamzelle-plume

    • Oh je. C'est un de mes textes favoris. Il est écrit il y a longtemps (comme la plupart des textes postés, à vrai dire, Natacha est le plus récent d'entre eux et j'ai l'impression de régresser avec le temps) et je suis contente de constater que je ne suis pas la seule à ressentir cette haine envers le monde. Merci à vous !

      · Il y a presque 10 ans ·
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      Madness

    • Vraiment, j'ai adoré. Non, de mon point de vue vous ne régressez pas et l'on régresse rarement dans l'écriture mais l'on test plutôt des genres, des styles différents. Oui, vous n'êtes point seule ! Je partage ces moments ( comme beaucoup ) de coup de gueule avec vous, cette souffrance aiguë et parfois si soudaine ! J'écris souvent avec hargne, les blessures ouvertes sont parfois les plus prometteuses... Autant en retirer du bon.

      · Il y a presque 10 ans ·
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      mamzelle-plume

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