Scribe

elixir

Le texte est d'un ami ; s'il vous plaît, je vous invite à visiter son site, où il en publie d'autres : www.nacas.net

La plume enfin s'agitât, de haut en bas et de bas en haut, inexorablement. Les runes dorées imprimées dans le cartilage paraissaient lui insuffler une volonté propre tandis qu'elles luisaient faiblement à la lueur d'une bougie presqu'éteinte. Une main fébrile tenait cette plume, la maintenait pour qu'elle ne tombe ; en effet si la plume se mouvait frénétiquement, la main semblait inerte, vide, seulement entraînée par ce mouvement.

Cette main appartenait à un homme assis, son effrayante minceur le rendait extrêmement frêle et sa posture accentuait cette impression : son corps s'affaissait sur ses os, n'ayant plus assez de muscles pour le soutenir, ces derniers s'éveillant seulement soudain de temps à autres pour le parcourir de furtifs soubresauts.

Son visage blafard exprimait à la fois et en même temps une volonté farouche, un léger émerveillement et une indicible angoisse. Ses yeux étaient presque exorbités, figé par des cernes profondément creusées. Pourtant on y discernait l'éclat ténu de la joie, la joie de voir enfin une si longue attente récompensée. Des gouttes de sueurs perlaient par dizaines sur son front, puis ruisselaient doucement vers une barbe hirsute, commençant aux côtés des pommettes et s'évanouissant au bas de son menton subitement. Son nez fin coupait sa figure livide en deux sous l'effet des jeux d'éclairage, voilant à moitié une partie de son visage.

Sa bouche avait l'air coupée elle de toute logique temporelle, évoluant au centuple d'une vitesse commune. Des dizaines d'expressions passaient en quelques fractions de seconde, formant ainsi un véritable folioscope d'humeurs, de paroles et de sentiments mêlés. Sur l'intégralité de son visage, seule sa bouche s'animait, pourtant la lueur vacillante de la bougie posée près de lui tourmentait ses traits, de sorte que chaque muscle de sa tête semblait crépiter ; si une quelconque personne avait vu cette face, nul ne doute qu'elle aurait été pour le moins bouleversée, pour le plus évanouie.

                La scène immobile se déroulait dans une pièce petite et spartiate, peu de meuble n'étaient présents pour l'orner, et les quelques qui s'y trouvaient étaient en bois foncé et dénués de toute extravagance. L'homme se tenait sur une haute chaise au dossier court, attablé sur un grand et vieux bureau sur lequel gisaient deux paquets de feuilles, un encrier et une photo encadrée. Un tas de feuilles vierges attendait sagement d'être enfin couvertes d'encre par la petite plume, qui ne cessait ses va-et-vient éclaboussant avec l'encrier, y plongeant et y replongeant sans cesse chaque fois en un infime instant, avide qu'elle était d'écrire.

 

                La machine était lancée, ne restait plus alors qu'attendre d'en voir ce qui résulterait de son fonctionnement.

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