sensitif crashing

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SENSITIF CRASHING

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Le jour se lève doucement, et c’est à peine si j’ai pu dormir quelques heures. Je pense à elle, à son visage rieur, sa jeunesse qui commençait, son premier amour aussi. J’étais heureux de la savoir heureuse, et ce soir là, pourquoi celui-ci justement, et pas un autre, je ne le saurais jamais. Une fois vingt ans, une seule fois dans la vie d’un homme ou d’une femme, de la joie et des mots d’amour sur les lèvres. Oui, j’écris cette saloperie de texte parce que j’ai trop mal dans le ventre, trop mal dans la tête, je voudrais mourir mais à quoi bon puisque je suis trop lâche pour en finir. Depuis, c’est vrai, je bois et je fume, je vais dans les recoins de la capitale pour me taper des putes moi, un flic ! Lorsque je dis que je suis un flic, à vrai dire je ne le suis plus depuis sa mort, j’ai abandonné le pouvoir de sentir dans sa main le flingue pour tuer le Décideur. Je ne veux plus croire en Dieu sauf si c’est pour le haïr car il n’avait pas le droit de m’enlever cet unique amour, ma fille.

-        Patron, voici ma carte, mon flingue et tout le reste. Ce que vous trouverez dans mon bureau jetez le dans la poubelle à ordures ménagères, je ne suis plus rien désormais.

-        Tu te fous de ma gueule Pierre, tu es mon meilleur élément, tu es le seul capable de reconnaître ces putains de cyberpunks qui veulent désorganiser le monde à leur profit ?

-        Je me fiche du monde désormais, et qu’il aille au Diable, qu’il crève, je n’en ai plus rien à foutre du monde, je veux ne plus exister, un point c’est tout.

Il n’a rien dit, m’a regardé sans aucun sourire, puis il a prit ma carte de flic, mon flingue et mes dernières balles pour tuer. Je sais que maintenant Pierre DEMAXENS est mort, effacé de ce présent qui vient de chahuter mon bonheur. Et à quoi bon la vengeance puisque l’autre type est mort lui aussi ? Un banal accident, elle en moto, lui dans un cabriolet mauve. Un carrefour, pas de signalisation, le choc terrible, et ma vie se termine là. Ce soir, la nuit est sensitive, pourtant je la dégueule par tous les pores de ma peau. J’ai trop bu, j’ai fumé trois paquets de clopes, et çà ne me sert à rien, j’ai trop mal dans le cœur. J’ai vomis sur le carrelage, je me suis traîné jusqu’à mon lit, et le sommeil est venu. Facile, gluant, épisode glauque. Je puais de la gueule, je me sentais sale. La douche ne me tentait plus. Et son visage revient, son sourire, j’en ai marre de vivre dans une telle agonie. Ma fille. Trop loin !

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La puanteur des mégots froids dans le cendrier, des bouteilles d’alcool sur le sol, une chaussette au pied, l’autre quelque part, je me réveille et le dos me brûle. Je suis en enfer parce que j’habite l’enfer, et je déteste tout ce qui me rapproche de lui, surtout la présence de l’absence de ma fille dans un tel monde qui me débecte. Je me demande pourquoi je suis devenu cet être aussi négatif alors que j’aimais rire et la voir si belle et heureuse le jour de ses vingt ans ! Une moto, une saloperie de moto hurlante capable de déchirer du bitume, un engin capable de frôler les deux cent quarante kilomètres heure, un cadeau stupide que j’ai osée lui offrir. Avec la mort en guise de cerise sur le gâteau ! Elle aimait les grosses motos, les grosses cylindrées que l’on pouvait remarquer sur les routes américaines d’autrefois, la célèbre Route 66, celle qui traversait ce continent effroyablement oublié aujourd’hui. Ne resteront que des images lues sur de vieilles machines incapables de nous offrir des perspectives réalistes de ces époques. Mais qui font rêver encore et toujours cette jeunesse débordante de vie et d’engouement pour tout ce qui concerne la folie mécanique et informatique. Un crash ! Tu perds ta môme, ton unique fortune, et te voilà glandeur, gros con dans l’atmosphère de tes souvenirs pleurnichards. J’étais un flic, je tuais volontiers ces espèces de clones qui cherchaient le pouvoir absolu, et voilà que tout s’écroule sur une route sans importance. Ta fille mon pote, ton seul et unique amour, ta gonzesse sans inceste, tu la perds et tu as envie de crever. Tu balance ton insigne de flic pourrit, tu t’en vas de la vie, l’alcool, le tabac deviennent tes amis de mornes saisons. Bref, depuis cinq ans je suis resté un connard, une zone de non vie, un looser dans un espace confiné de bières et de cigares. Puis j’ai décidé de sortir ce soir, de retrouver les putes et les pochtrons qui hantent les rues pour une quête sans espoir. Bien sûr, on va me reprocher ma déchéance, le refus d’obtempérer aux ordres de mes supérieurs qui me tenaient pour un bon flic, mais à quoi bon vivre lorsque le destin vous juge inapte au futur ? Cà y est, voici le carrefour où chahutent les passants, de vieilles bagnoles et des trolleybus datant de la dernière décennie ! On se croise, on se rencontre, on se tire de sales gueules, on s’ignore le plus souvent. Tiens, sur un morceau de trottoir, deux hommes qui s’embrassent, qui s’aiment à les voir ainsi ? Je passe mon chemin, croisant une belle silhouette qui me rappelle ma fille. Je me mets à trembler, vite, une goutte d’alcool ou alors, je vais me jeter sous un tramway quittant son aire d’arrêt obligatoire ? Non, je me ressaisis, je retourne à cette marche forcée qui me mène dans le cloître où sont les âmes perdues. Je croise des visages, des formes, des gueulantes dont je suis incapable de traduire tout sens. Et voilà que la lumière du soleil se ternie, nous sommes en fin de journée, les candélabres allument leurs photons mis en éveil. Et la ville redevient cet enfer dont je t’ai parlé tout à l’heure toi qui me lit. Tu sais, je voudrais foutre le camp d’ici, de réapparaître ailleurs, mais je ne puis en effectuer la simple démarche, je suis né comme toi, ici, au présent de ma locution. Je vois une terrasse de bar au sein duquel boivent et s’engueulent les soiffards du coin. J’y vais, je m’assieds, j’attends que le serveur se pointe. Près de moi un grand type mince et sale tronche me regarde et sourit. Je me refuse à lui prêter attention, il suffit d’une arme et je me retrouve dans les mains de toubibs peu scrupuleux à me faire perdre mon sang. C’est une serveuse qui vient et me demande ce que je désire. Toi beauté j’ai envie de lui dire, toi et ta belle gueule et ton joli cul, mais je lui dis simplement « une bière » sans mousse. Elle me quitte pour prendre la commande de ce type qui commence à me faire chier avec son regard inquisiteur. Je suppose qu’il s’agit là d’un clone qui me reconnaît sans mon attirail de policier. Tu sais connard, je ne suis plus à ta recherche ni à celles de tes compatriotes, si vous désirez foutre le feu à ce monde humain, ne vous gênez pas, je vous procurerais même un briquet pour allumer la mèche ! La fille le quitte et rentre dans le bar sous les sifflets de ces cons qui la reluquent à tout va. Elle s’en moque, elle à bien raison, l’essentiel étant de vendre ses produits qui vous gravent la destinée sous le grand chapiteau d’un cimetière. Ce type en question qui ne cesse de me regarder, se lève et prend place devant moi. Il pose son haut de forme sur une autre chaise, et me dit d’une voix grave ceci :

-        Pierre DEMAXENS, je sais où se trouve votre fille, elle n’est pas morte, mais prisonnière dans une autre dimension temporelle que la vôtre. Et je peux vous aider afin que vous puissiez converser l’un avec l’autre, mais à une seule condition. J’attends votre réponse.

Je le regarde droit dans les yeux et mes poings se fixent sur sa gueule. Il va avoir droit à une belle défonce faciale, le regard embué de sang si jamais il continu ce discours qui me gèle foie et eau. Sourcils froncés, je lui demande qui il est et pourquoi ses dires à mon égard.

-        Mon nom est Monsieur DIMITRI, et je ne vous dirais de moi que ce nom. Par contre, je me dois de vous faire connaître la vérité sur cet univers où maintenant, votre présence l’est. Vous les humains, vous n’avez nullement conçu la nature, c’est la nature qui vous a conçu, la différence est importante. Vous fûtes à l’origine de ces merveilleuses machines devenues des cyberpunks dès que leur importance pour vous ait cessé. Des centrales nucléaires, véritables bombes dans les idées saugrenues de vos dictateurs et terroristes, mais la vérité des lois de la nature, vous n’en puisez aucune pour accentuez vos connaissances. Cette démesure d’inconscience qui est la vôtre aujourd’hui, semble vous lier avec la déchéance universelle du Vivant !

-         Pourquoi dites vous cela, lui demandai-je avec une certaine inquiétude dans ma réflexion interne.

-        Le temps, oui, ce temps dont vous ignorez tout, est à la base de la conception universelle des éléments. Ce temps est lié avec la vitesse du mouvement de chaque élément, ainsi votre temps humain et solaire n’est pas celui du temps des autres systèmes. Exemple ? Une heure humaine implique trois mille six cent secondes, mais aussi le mouvement circulaire de votre planète autour du soleil. Dans d’autres univers, l’heure est variable, elle change, se transforme, une heure peut devenir six mille deux cent secondes puis soudainement, neuf cent secondes ! Imaginez un être humain dans un univers où l’heure équivaut à neuf cent secondes, que deviendrait-il ? J’attends votre réponse Monsieur DEMAXENS.

Il est vrai que sa question me posait problème. Une heure de soixante minutes de trois mille six cent secondes, définissait une vitesse d’accélération du processus de vieillissement du sujet humain !

-        Je crois que notre individu vieillirait plus vite que sur notre Terre il me semble ?

-        Oui, et dans d’autres univers, ce serait l’inverse, il vivrait deux cent trois ans au lieu d’une centaine d’années sur votre sphère. Seulement je dois vous le dire, votre fille est la prisonnière d’une autre dimension, mais je me dois de vous taire dans quel univers elle vit. Par contre, je peux vous permettre de vous rencontrer, mais surtout, ne traversez pas la frontière qui vous sépare.

-        Mais pourquoi ne devrai-je pas l’entreprendre ?

-        Vous comprendrez car si je vous parle du temps qui diffère, mes paroles ne seront vaines à votre égard. Et vous comprendrez bientôt. Je vous contacte très vite Monsieur DEMAXENS.

 Il se leva en me saluant, replaça sur sa tête de son haut de forme qui datait des siècles anciens. Alors je suis resté seul devant ma bière, le regard perdu dans la fourmilière qui allait et venait sur cet asphalte brun.

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Je suis resté assis sur la terrasse un bon moment. J’ai repensé aux paroles de ce type dont j’imaginais qu’il n’était rien d’autre qu’un cyberpunk voulant s’offrir une vengeance sur un ancien flic. Il m’a parlé de ces espaces qui se chevauchaient, de ce temps qui diffère d’un état à l’autre sans pour autant me donner les preuves de ses dires. Et que ma fille toujours vivante, prisonnière d’une autre dimension… Quel connard je suis d’avoir pu lui foutre mon poing sur la gueule, lui balancer un grand coup de pied en plein mollet ! Trop d’alcool dans le sang, trop de larmes dans le cœur, je suis devenu un légume vivant qui pisse et chie comme tous les autres légumes. Oui, nous n’avons pas créée le monde, c’est lui qui nous a créée, mais à quoi bon vouloir tout connaître puisque la mort nous enlève celles et ceux que nous aimons encore et toujours ? J’ai levé mon cul de la chaise pour marcher dans ces rues qui puaient le fuel et les émanations des centrales nucléaires abolies. Je suis monté dans un trolleybus qui remontait vers la gare d’Austerlitz désaffectée, je me suis assis devant une grande môme qui mâchait du chewing-gum. Un regard de braise, des lèvres pourpres. Un clone de ces filles racolant les types en quête d’émotions fortes. Avant, je l’aurais tué afin d’obtenir un prime de conscience, et là je n’ai cessé de l’abolir du regard. Elle ne me regardait pas, les yeux dans le vague, la tête tournée vers l’extérieur du véhicule. L’alcool fusionnant avec mon hémoglobine, j’eus la vision de ma fille dont j’avais oublié le prénom. Nellya je suppose, ou un autre prénom comme celui-ci…

-        Papa, je suis Nelly, ta fille qui t’aime tant, et je ne suis pas morte, je vis dans un autre monde, vient me chercher…

La fille scrutait mon regard, je lisais dans son âme des mots qu’écrivait autrefois ma fille. Puis elle s’est levée en me souriant, et j’eus l’impression qu’elle me disait un au revoir du bout des lèvres, un simple murmure, un souffle de vie ! A croire que Nelly se trouvait là, devant moi, et qu’elle allait me quitter pour me rejoindre ce soir, devant la télévision, devant un jeu électronique comme autrefois l’enfance. Le goût âcre de l’alcool me déchirait la paroi buccale. Elle est descendue puis le trolleybus a continué sa route sans aucun arrêt avant la gare désaffectée. Je suis descendu à mon tour, et j’ai regardé autour de moi. Il y a très longtemps, ici, une gare vivait de voyages, de voyageurs, de machines et de wagons, de couples se déchirant où qui allaient rompre leurs solitudes. Plus loin, la déchirure du musée de la mode crachait à la vue de cet espace coincé dans le temps. Là bas, il m’attendait, haut de forme, costume noir, sourire aux lèvres. Il savait que j’allais venir bien que je ne croyais pas à ses paroles. J’ai traversé la rue et nous nous sommes retrouvés en face à face. Je tremblais, ma montre à gousset ne tictactait plus. Elle s’était arrêtée. Il enleva son haut de forme pour me saluer.

-        Bonjour Monsieur DEMAXENS, je suis très heureux que vous soyez présent à mes cotés. Nous allons voir votre fille Nelly, mais surtout, restez en dehors de la zone illuminée d’un bleu fluorescent. Vous y perdriez au change…

-        Mais pourquoi, je ne comprends toujours pas ?

-        Je vous ai parlé du temps lors de notre précédente rencontre, et le temps est l’élément fondateur des mondes. Hélas, il n’est pas identique pour chacun, alors surtout, ne cherchez pas à ce que votre fille puisse se blottir dans vos bras.

-        Et si jamais je ne m’exécute pas, que va-t-il m’arriver ?

-        Je vous ai prévenu Monsieur DEMAXENS, je vous ai prévenu, j’ai fait mon travail, un point c’est tout. L’homme est libre de son choix, à lui de savoir lequel est le bon pour lui…

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Je dois vous dire l’aspect général de la gare d’Austerlitz et de son environnement. Après les dégradations successives des centrales nucléaires, après les conflits religieux de tout bord, la vie est devenue infernale. Puis tout s’est écroulé, il a fallu reconstruire mais qui connaissait les plans de la grande mécanique céleste, du fonctionnement des machines créées par les Anciens, seuls quelques ordinateurs en fonction pouvaient relancer la vie dans cet espace devenu sombre. Alors ces ordinateurs commencèrent le reconstruction des humains, hélas, il n’y eut que des transgressions d’ordre mécanistiques. L’époque des Cyberpunks pouvait commencer. Mais à quoi bon vous en parler puisque vous-mêmes vous êtes au courant de ces bévues prévisibles n’est-ce pas ? Près de moi, l’homme marche à pas comptés, visage de marbre, gestes lents, réfléchis. De vieilles locomotives à énergie nucléaire sont là, dans la démesure de la rouille qui les envahie, des wagons de marchandises usés, ceux de voyageurs oubliés par les ténèbres. Et dans un recoin de cette ancienne gare où fût implantée la vie, une grande lumière bleue qui semble vouloir effacer l’univers d’une violence effroyable, m’éblouit. Nous nous en approchons, et je le suis avec un certain retrait vis-à-vis de lui. Tout mes sens sont en alerte. Il se retourne, me regarde et dis d’une voix apaisante :

-        Elle est là, derrière ce muret, et surtout, pas question pour vous de le franchir sinon…

-        Sinon quoi, lui dis-je méchamment.

-        Le temps, Monsieur DEMAXENS, le temps est l’ennemi entre vous et votre fille.

Il va vers cette lueur bleutée qui me brûle les yeux et cri d’une voix forte qui se répercute dans la nuit.

-        Amenez là ici afin qu’elle puisse parler à son père…

Et se retournant vers moi, il me fait signe d’avancer. La lueur se dissipe, et je vois mieux ce qui se passe de l’autre coté du petit muret. Et je la vois, elle est là, Nelly… Elle aussi me voit, et elle sourit et me hurle de ne pas faire un seul pas de trop.

-        Je vais bien Papa, mais surtout, ne vient pas ici, je suis devenue leur prisonnière, ils ne me veulent aucun mal, mais tu ne dois pas franchir cette frontière.

-        Mais pourquoi ma chérie, je hurle à mon tour, pourquoi ne dois-je pas franchir cette stupide frontière ?

-        Je ne suis pas morte Papa, je vis dans un autre univers, et je vais bien. Sans eux, je serais morte sans doute, mais je suis tout de même prisonnière car il m’est impossible de passer de ce monde à celui d’où je viens !

-        Mais pourquoi ma chérie, si ils ne te veulent aucun mal, pourquoi ils ne cherchent pas à nous réunir ?

-        Parce que dans ce monde tout va trop vite, il n’y a aucune horloge, et pourtant c’est le temps qui nous gouverne. Excuses moi Papa, je dois repartir, je reviendrais bientôt et fais confiance à l’homme qui t’a guidé jusqu’à moi.

Et elle disparaît dans un léger brouillard bleuté. Près de moi, l’homme en haute forme, me fait signe de partir.

-        Venez, il est tard, nous devons rentrer. Je vous ramène chez vous, je reviendrais vous chercher pour que vous puissiez retrouver votre fille.

-        Mais qui me dit que tout cela n’est qu’une mise en scène de ces saloperies de cyberpunks que j’ai chassé lorsque j’étais flic, et vous-même, qui êtes vous vraiment ?

-        Faites moi confiance, votre fille vient de vous le dire.

Alors, impulsif, sans trop vraiment me guider moi-même, j’ai sorti de ma poche mon arme de service que j’ai toujours sur moi.

-        En vérité DIMITRI, je suis toujours un membre de la brigade anti-cybeks comme on vous appelle maintenant. Vous êtes l’un d’eux, et je vais te tuer fumier.

-        Non, Monsieur DEMAXENS, je ne suis pas votre ennemi, seulement un émissaire entre votre monde et celui où se trouve votre fille. Sans nous, elle serait morte au moment de son stupide accident. Surtout ne faites rien qui puisse envisager le pire entre ces deux mondes. Je ne suis pas votre ennemi, je ne suis pas votre…

-        Trop tard, tu vas te retrouver en enfer, sale pourriture !

-        Non, c’est vous qui allez connaître l’enfer, pas m…

J’ai vidé mon chargeur sur cet abruti, et j’ai escaladé ce muret que l’on voulait me faire croire interdit. Et là, soudain, j’eus la vision de l’enfer, oui, vous avez bien lu, l’enfer c’était cela, et non notre vie sans issue. Je me sentais comme habité soudainement par la fatigue, mes yeux m’offraient une vision de plus en plus floue, et mes jambes hurlaient de souffrance. Il y avait des ombres de noir vêtues, d’autres habillées de rouge, et elles poussaient des fauteuils qui flottaient à dix centimètres du sol. Sur ces fauteuils, des vieillards aux regards vides, aux corps décharnés. Puis une voix explosa dans mes tympans.

-        Il est là, il a escaladé le mur interdit, qu’on lui amène sa fille…

Subitement, je me suis retourné. Le sourire de Monsieur DIMITRI m’enveloppa d’une expression satisfaite.

-        Pauvre imbécile que tu es DEMAXENS, tu viens à ton tour de devenir le prisonnier de cet univers où le temps passe plus vite que le tien. Regardes, la voici ta fille, vois ce qu’elle est devenue en cinq années de ton univers. Je t’avais prévenu, mais tu as osé franchir la frontière entre chaque monde. Tant pis pour toi, je te laisse avec…Ta fille !

Elle était là, devant moi, assise sur l’un de ces fauteuils flottants au-dessus du sol.

-        Papa, mais pourquoi es tu venu de ton plein gré, c’est idiot de ta part, je t’avais dis de ne pas franchir ce muret, et vois la réalité maintenant. Ici le temps passe plus vite que sur Terre, et vois qui je suis devenue.

Oui, je l’ai regardé, je n’en croyais pas mes yeux. Elle devait avoir vingt cinq ans, elle en avait quatre vingt… Moi aussi, je ressentais que mon corps se transformait. J’avais fêté mes cinquante deux ans, et ma peau se pigmentait de tâches de vieillesse rapidement. Mon souffle me manquait, mes jambes me paraissaient impossible à me porter. Alors j’eus droit à l’un de ces fauteuils flottants que pousserait l’un des ombres noires ou rouges ?

-        Papa, bienvenue en enfer, tu n’aurais jamais dû venir, je suis en vie, mais dans peu de temps, on me fera une piqûre et l’on brûlera mon corps. J’aurais dû avoir vingt cinq ans, Papa, j’en ai quatre vingt. Toi, on vas te piquer tout de suite, tu as déjà…

Cette histoire se termine là puisque l’auteur de ce récit est mort à l’âge de cent huit ans, non par la grâce des horloges humaines car il n’aurait eu qu’une cinquantaine d’années. Désolé pour vous, lecteurs et lectrices, mais sans son auteur, cette histoire n’a plus lieu d’être. FIN !

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Johnnel BERTEAU-FERRARY est né le dix neuf Janvier mille neuf cent cinquante trois du temps solaire, et à PARIS, la capitale appelée autrefois LUTECE.

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