S'est fait la malle...
Jean Claude Blanc
S'est fait la malle
A la faveur de la nuit
Elle s'est cassée quand je dormais
C'est au matin que j'ai senti
Le froid des draps, lit déserté
Déjà longtemps qu'elle pianotait
Sur Facebook et sur Twitter
Connaissant rien à internet
Je me disais, elle se distrait
Je voyais bien qu'elle s'emmerdait
Dans notre ferme isolée
En rentrant tard de ma journée
Seule distraction, souper, télé
On a 2 gosses, mais pas bien grands
Une bicoque rafistolée
Et des crédits, pour des années
Mais coûte cher, jouir du bon temps
On l'a réussie, plus belle la vie
Tous 2 issus de la banlieue
Pas par hasard, qu'on a choisi
Vivre au grand air, sommets frileux
Mais le bonheur, ne dure qu'un temps
On se lasse même du plaisir
Qui se ternit au fil des ans
Naïf espoir surenchérir
On est mariés depuis 20 ans
Ca fait une paye, de soucis
Pressés de prendre la clé des champs
M'imaginais, on est vernis
Depuis des jours, pas de nouvelles
Suis angoissé, où c'est qu'elle est
Sur son portable, je l'appelle
On me répond, ligne occupée
Je tourne en rond, fouille partout
Dénicher un probable marlou
Même pas jaloux, me sens coupable
De se flinguer, elle est capable
Dans ma caboche, me fais un film
je la revois devant l'ordi
Consultant des grivoiseries
Me rassurais, y'a rien d'intime
Pourvu qu'elle fasse plus triste mine
Pourtant un nom revient souvent
Sûrement un déguisement
Ce type tchatte comme un charretier
Un obsédé ou un cinglé
Hélas, j'aurais dû me méfier
Moi qui croyais, connaître ma femme
Reste sur le cul, des termes infâmes
Sage maîtresse, en son foyer
Sur son écran, s'est prostituée
Quelques amis, pour me distraire
Me servent la formule rituelle
«Elle reviendra, faut pas t'en faire»
Mais j'entends rien, c'est si cruel
Deux jours sans elle, que dois-je faire
Prévenir les flics, faire des prières
Bug ma tête, c'est la galère
Pas emmené, la moindre affaire
Même ses drogues, dorures fines
Les a laissés sur le bureau
Petite souris, tellement maligne
A déguerpi, mais sans un mot
Toute la famille, sur le qui vive
Pas averti, même ses enfants
Pourtant pour eux, une mère digne
Ca accentue mon mauvais sang
Mon mâle instinct, dresse son dard
A dû trouver un gigolo
Un plus calé, question plumard
Elle qui adore les jeunots
Pourtant elle n'est pas flambant neuve
45 ans, ridée d'épreuves
paraît, ça plaît aux jeunes hommes
Dans vieux chaudron, la soupe est bonne
Finalement lance SOS
En allant consulter l'AS
Mais son discours, je le connais
Une armada, va déployer
Même au pire, s'y préparer
Chéquiers, papiers, tout séparer
Saisir la loi, un avocat
De cette liste, reste baba
Faut réagir, anticiper
Seulement voilà, ne suis pas près
«Tu l'aimes encore, pauvre cornichon»
Me lancent compagnons d'infortune
Je dois l'avouer, n'ai pas un rond
De clairvoyance ni de rancune
Fait sa valise, la traîtresse
je sens que monte ma colère
Je l'adulais comme une déesse
Jolie nana, dont j'étais fier
Finalement, n'ai rien pu faire
Tellement prostré et accablé
«Tu attends quoi, l'éternité...»
Geste solidaire, d'un ami cher
Les jours passent, moi je trépasse
Le montrant pas, mes mômes s'angoissent
Mais faut que tourne, ma boutique
Suis commerçant, en prix unique
Enfin message, mais un peu tard
«Je suis partie, j'en avais marre
Car tu me saoules tous les soirs
A raconter la même histoire»
Dindon candide, culpabilise
Me suis pris les doigts dans la prise
Tendresse, ivresse, consommées
Elle me jette, trop usagé
Je la rappelle, interloqué
La belle a appris sa leçon
Elle en rajoute, gonflée à fond
C'est de ma faute, s'il elle s'est tirée
C'est à mon tour de voir un psy
N'est pas surpris, c'est son boulot
Il en a plein des abrutis
Unique conseil «pas de cadeau»
Pour lui, les femmes sont compliquées
En vieillissant sont hystériques
Ne cessent de se pomponner
D'amour, frustrées, les poussent aux vices
Jouir de tout, peur de la mort
Elles y trouvent un certain confort
Sont affamées, battre des records
En fait, elles ont le diable au corps
Moi qui attendait, un réconfort
J'en suis réduit, attendre la mort
A m'écraser, tel mon sort
Philosopher, n'est pas mon fort
Elle saisit la balle au bond
Nouveau coup de fil, dernier effort
Mais ce n'est jamais sans raison
Fixe rendez-vous pour discuter
Pour divorcer, comment on fait
Garde alternée, torts partagés
Pris de l'avance, la mijaurée...
Et comme ce n'était pas assez
Va se pointer, déménager
Ses bibelots récupérer
De ses sermons, je suis sonné
Cette fois-ci, je tombe de haut
M'a vraiment pris pour un nigaud
A mijoté son coup tordu
Depuis le début, je suis cocu
Comme prévu, le lendemain
Débarque avec un copain...
Lui, n'ose pas s'aventurer
Fait les cent pas, intimidé
Dure pas des plombes, remue-ménage
Heureusement, suis dégoûté
Lui tend la clé, même du garage
Car son auto, veut l'emporter
Pas un bisou à ses 2 gosses
Juste une parole, ficelle est grosse
«Maman s'en va pour quelques jours
Vous en faites pas, z'êtes mes amours»
Bagnole démarre, je reste en rade
Me laissant seul à mes remords
La vie n'est faite que de brimades
D' honteux mensonges, qu'on ignore
Péripétie de 40 ans
De ce métier, peu reluisant
A la retraite désormais
J'ai tout mon temps pour méditer
Cette chronique, je la dédie
A tous les blessés de la vie
Pour moi l'amour, c'est de l'abstrait
Une alchimie, bien compliquée
Je n'y crois plus, suis pas stupide
Témoin je reste, encore lucide
En écrivant, je fais le vide JC Blanc mai 2020 (témoignage de mon métier d'AS)