Si j'étais
Gilles Agnoux
Si j'étais abeille, je te butinerais tendrement en te bourdonnant des mots précieux au creux des pétales
Si j'étais œil, je changerais la couleur de mes pigments afin de ne pouvoir percevoir que les beautés de ton aura
Si j'étais marmotte, je mettrais mon réveil le 2 février, afin que tu puisses avoir du soleil toute l'année
et
Si j'étais soleil, je t'éveillerais chaque matin par la lueur de mes rayons
Si j'étais nuage, je ne serais là que les jours où tes légumes auraient besoin d'être arrosés
Si j'étais lune, je baignerais chacun de tes voyages nocturnes dans une douce clarté bleutée
Si j'étais libellule, je laisserais même après ma mort ma queue dans sa forme de demi-cœur pour toi
Si j'étais la mort, je ne répondrais pas au téléphone lorsque tu prendras rendez-vous
Si j'étais film d'horreur, je serais écran noir à chaque fois qu'une aiguille perce un épiderme pour que tu n'aies pas à fermer les yeux
Si j'étais cigarette, je ne me consumerais jamais pour que tu puisses m'avoir toujours entre les lèvres
Si j'étais éclairage public, je m'éteindrais à ton arrivée, m'inclinant devant cette jolie façon qu'a le firmament de te colorer la peau
Si j'étais chat, je ne déposerais après la chasse que des edelweiss sur ton paillasson
Si j'étais tympan, je vibrerais de façon à ce que les bruits soient ta paraphilie
Si j'étais autruche, je parviendrais à voler rien qu'en entendant le son de ta voix
Et Si j'étais poète, je demanderais à ta lune d'accompagner mes plaisirs solitaires
Mais je ne suis qu'un homme, et crois bien que j'en suis le premier désolé, car il ne me vient en bouche que ces dix mots là : J'ai une irrépressible envie de te défoncer la chatte.