Si l’écriture nous était « Conté »

Christophe Peroua

Les choses ont une âme et je fais corps avec eux.

Quel plus beau dessein que celui d'un crayon tendre qui consacre toute sa vie à écrire de jolies lettres. Je voudrais vous « Conté » celle de ce petit crayon qui s'appelait Caran d'Ache que ma maman m'avait acheté pour que je crayonne mes premiers mots sur un cahier.

En ce temps là, Monsieur, nous prenions le temps de vivre et il n'était point nécessaire de mettre toute la gomme pour faire quelque chose. Je n'étais pas un gamin effacé et je m'exprimais avec facilité. Grâce à ce crayon,  je pouvais écrire ce qui me plaisait et cela m'apportait beaucoup de bonheur. J'avais la mine éveillée. Caran d'Ache ne me quittait jamais. Je lui donnais la main pour qu'il ne se perde pas en chemin. Ensemble, nous allions à l'école et nous remplissions des pages d'écriture avec application. Mine de rien, nous formions une belle équipe.

Puis, vint le jour où je rentrai à la grande école et où Maman m'offrit mon premier porte-plume. Il se nommait Gilbert Blanzy. Je n'étais pas contre cette nouvelle façon d'écrire, et la maîtresse était « Poure ». Ce jour-là, Caran d'Ache fit grise mine et ses copains, des crayons de couleur lui trouvèrent mauvaise mine. Je lui dis : « Ne te mine pas comme ça, j'aurai toujours besoin de toi ».

- Je te parie que ce sont des idées à la gomme. Elle veut que tu m'effaces de ta vie, que tu passes la main. Depuis quelque temps, elle n'arrêtait pas de me dire : il faut que tu te tailles, crayon. Mais moi je ne l'écoutais pas » me dit-il avec beaucoup de tristesse.

- Il faut que tu gommes ces idées de ta tête, tu seras toujours mon plus fidèle compagnon.

- Tu me dis cela, mais depuis que tu écris à la plume, tu fais de très beaux poèmes et tu écris des vers, les pieds en bouquet de violettes comme l'encre que tu utilises. Et puis, j'ai surpris ton porte-plume qui chantonnait : « J'aimerais quand même te dire, tout ce que j'ai pu écrire, je l'ai puisé à l'encre de tes yeux.

- Tu te fais vraiment des idées pour des idylles.

- J'ai compris qu'on ne vivrait plus jamais tous les deux. Je deviens fou, je me sens seul ».

Les années ont passé et cette histoire, je l'avais enfouie au fond de moi-même. Du porte-plume, j'étais passé au stylo plume, au stylo à bille et pour finir au feutre. Aujourd'hui, sur mon clavier d'ordinateur, je vous écris cette romance tandis que sur radio nostalgie, une chanson de Francis Cabrel, datant des années quatre-vingts me rappelle ces paroles :

 

Tu viendras longtemps marcher dans mes rêves

Tu viendras toujours du côté où le soleil se lève

Et si malgré ça j'arrive à t'oublier,

J'aimerais quand même te dire

Tout ce que j'ai pu écrire

Aura longtemps le parfum des regrets.

 

 

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