Silence tyrannique
manou-croze
Son regard se pose sur lui, mais son esprit lui murmure de demeurer muette. La nuit arrive et elle n'osera pas, elle le sait. Elle restera assise, à observer passivement. Le silence des étoiles fera taire ses espoirs, la pénombre dissimulera ses désirs. Elle saura l'oublier, avec le temps, c'est ce qu'elle a toujours fait. Rêver une vie meilleure et chasser toute déception, ne s'accrocher à rien d'autre que le moment présent, et ignorer le lendemain. Une passion fantasmée l'anime encore, mais ne la comble plus. Il ne verra pas le cœur cristallin qui s'offre à lui, réfugié derrière une âme désenchantée. Il poursuivra à l'aveugle une route que l'on a tracée pour lui avant même sa naissance. Les mots refusent de franchir les lèvres, de prendre cette résonance si concrète et effrayante à la fois. Elle attendra, elle acceptera. Quand l'aurore éclairera la terre, elle sera partie. Quand les oiseaux reprendront leurs odes enchanteresses, elle aura à nouveau fui.
Hors d'atteinte, il chasse les rares rêves colorant encore son ciel. Chargé d'amertume, il ferme les volets de sa demeure, s'écartant de toute lumière. S'il est trop tard pour vivre, il se contentera d'observer, passivement. Sous ses pieds, la terre se fige et s'assèche subitement, comme contrainte d'écarter la vie de son passage. Le temps lui échappe, et plus rien ne le retient. Il erre, se perd, se complaît dans sa souffrance irréductible. Cette cruelle douleur qui lui arrache la volonté de poursuivre le combat le séduit désormais. Les autres ignorent, les autres ne le connaissent pas. Et même s'ils savaient, ils ne le comprendraient pas. Il n'est pas comme eux, il les hait autant qu'il se hait lui, infiniment seul. Infiniment malheureux.