Silvia, Loraine et Erdem

Möly Mö

-          L'amour, l'amour….tu sais que ce n'est rien que de la chimie ?

-          De l'alchimie, tu veux dire ?

-          Non….tu sais bien que l'amour, ce n'est rien…rien d'autres que nos phéromones et autres hormones qui s'emballent.

Il écrasa sa cigarette, du bout des doigts dans le gros cendrier en métal qui trônait sur son balcon. Il pénétra dans le salon, torse nu, son jeans tombant impeccablement sur ses hanches. Je le dévorai des yeux. Il s'étira, passa sa main dans sa tignasse bouclé et me jeta ce regard à la fois mutin, à la fois désabusé.

-          Ça veut pas dire que j'apprécie pas ces moments, hein….fais pas la geule.

Je ne faisais pas la gueule. Je le connaissais suffisamment pour savoir qu'il ne m'apporterait jamais ce que je cherchais et pourtant c'était dans ses bras que je m'en retournais, tout le temps.

-          Elle en dit quoi ta meuf ? me lança-t-il tout en se faisant un café

Je baissai la tête, tout en me grattant l'avant bras. J'y regardai un instant le tatouage qui le parcourait, ces longues lignes, qui se tordaient et se rejoignaient. Il me demanda si je voulais un café. Je relevai les yeux vers lui. Je le trouvai beau, oui. Mais il avait tellement plus que ça. J'étais en émoi face à son attitude nonchalante, je balbutiais devant son sourire et je fondais en écoutant sa voix. Quand il se tenait de dos, debout, à préparer à manger ou s'affairer à je ne sais quoi d'autre ; je n'avais qu'une envie bondir sur lui et le serrer contre mon corps. Lui faire sentir ma poitrine nue, le coller de ma chair, l'enivrer de mon parfum. Le sentir se glisser hors de mon étreinte pour se retourner face à moi. Le laisser m'attraper, enlacer sa taille de mes jambes et qu'il me mange la bouche avec la même gourmandise qu'il avait pour la vie en général.

-          Elle en dit rien….soupirai-je

Il lâcha une petite cuillère et s'agaça :

-          Silvia….t'es sérieuse…je t'ai dit plusieurs fois que j'aimais pas du tout la position dans laquelle tu me mettais. A chaque fois tu me jures que tu vas lui dire…

Il s'avança, chacun de ses pas était une sensualité de plus s'approchant de moi. Il s'assit sur le fauteuil en face de moi, complètement avachi dedans, les jambes légèrement écartées. J'avais envie de le dévorer. Quoiqu'il fasse.

-          Je sais, je sais…répondis-je, j'y arrive pas….

Il avala une gorgée de café et son regard se perdit dehors, au milieu des immeubles voisins. Il se râcla la gorge et lâcha :

-          C'est la dernière fois qu'on se voit Silvia.

Je me raidis, tout mon corps fut parcouru d'un long frisson d'effroi. Je me couvris le corps d'un plaid et me relevai légèrement. Je restai bouche bée, à ne pas savoir quoi dire.

-          C'est la dernière fois si tu ne dis pas la vérité à Loraine. Je refuse d'être l'amant-salaud. Tu m'avais assuré que c'était un accord entre vous et là…je comprends que non, pas du tout.

-          Mais….lançai-je en essayant de me justifier

Il me fixa alors droit dans les yeux.

-          Silvia. Je ne suis pas amoureux de toi. Et je ne le serais probablement jamais. C'était clair dès le début. Je te trouve très attirante et j'adore passer du temps avec toi. Mais j'ai été clair…

-          Oui, je sais. Coupai-je froidement, la gorge nouée

Il se leva, il était plus nerveux. Il alla chercher son paquet de cigarettes, il en glissa une entre ses lèvres. J'avais envie moi aussi de m'y consumer. J'étais folle amoureuse de ce garçon. Et je savais que ça n'était pas réciproque. Loraine m'aimait et ça me faisait du bien d'avoir son regard aimant et ses gestes tendres quand je me sentais triste et nulle. Impossible de me défaire de ces deux êtres. Il aurait fallu que Loraine me quitte ou que Erdem tombe amoureux de moi. Ou que les deux me quittent. Mais cette idée m'était totalement insupportable.

-          Ok…Je lui dirai. Dis-je d'une voix étouffée, mais une chose…

Il se tourna vers moi, crachant sa fumée de cigarette vers l'extérieur. Il était accoudé à la rambarde en fer forgé qui dessinait des ombres d'arabesques sur le sol. Il plissa les yeux et pencha légèrement la tête sur le côté, comme pour se concentrer.

-          Ne dis plus jamais que tu ne tomberas jamais amoureux de moi.

J'étais mal, j'étais vaine. Je me suis levée, je me suis rhabillée et j'ai ramassé toutes mes affaires. Je lui ai lancé un dernier regard, il écrasait sa cigarette dans le cendrier. Il ne se retourna pas. Je restai quelques minutes, muette, à l'observer et à attendre. Quoi, je ne savais pas trop. Un regard ou un geste qui auraient tout changé.

Je lui lançai un dernier « salut » avant de claquer la porte de son appartement, le cœur humide au bord des yeux.

               

 

 

               

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