Simplement...de l attention!

Une petite annonce dans la boucherie principale de la place du village.

Sur le petit carton gris perle s’inscrivaient ces lettres : « Cherche Nounou expérimentée pour s’occuper d’une enfant de 3 ans »

Amélie n’hésite pas une seconde et prend rendez-vous avec Maria, la gouvernante.

D’un ton peu jovial, la maîtresse des lieux lui propose une entrevue pour le lendemain 9h.

Pas question d’être en retard. Levée tôt,  armée de sa grosse écharpe et de son manteau élimé, elle prend son vélo rouillé et pédale sous la pluie vers son nouvel emploi.

L’entrée de la propriété est longue, bordée de grands érables rouge sang ; au bout, un immense parking garni de buis en pots, de haies et de statues mégalos.

Un quart port, des écuries, une piscine presqu’olympique, un pool house… Elle sonne comme un automate. Une grosse femme, absente de sourire, la prie d’entrer, la dirige vers un  salon froid et sobre.

« Madame, arrive, prenez place ! »

Elle relève le col de son manteau et resserre son écharpe.

Une jeune dame d’une froideur extrême, vêtue d’un pantalon beige et d’un chemisier blanc, entre dans la pièce. Ses cheveux d’un blond distingué sont repris en queue de cheval par une pince des plus couteuses. Ses manières sont raffinées, son port de tête est royal .Pourtant, cette silhouette parfaite ne dégage aucune chaleur, pas de charme. Tout est calculé dans la manière de se mouvoir comme si elle était en représentation.

Elle dévisage Amélie pétrie de la tête aux pieds remarquant ainsi les taches de boue sur son manteau et ses bottines à bas prix, elle l’invite à s’assoir  et commence son interrogatoire :

Votre âge ?

Vos expériences ?

Votre formation ?

Pourquoi êtes-vous là ?

Baissant légèrement la tête, impressionnée par cette créature de magazine de mode, elle répond du haut de ses 23 ans qu’elle est obligée de travailler pour continuer sa maîtrise de psycho ;l’annonce lue au village semblait correspondre à ce qu’elle recherchait dans un premier temps.

Elisabeth Lardinnoy propose un essai a la jeune fille.

D’abord l’uniforme bleu marine, puis la chambre au 2eme étage avec une petite salle de bains donnant sur un jardin à la française.

Maintenant les présentations avec sa petite protégée : Julie.

Julie Lardinnoy a 6 ans, seule, une chambre virginale garnie de jeux électroniques, personne avec qui jouer sauf un chaton siamois .Assisse au milieu de la pièce, dans un luxe inouï et non approprié a une fillette de cet âge, elle  scrute Amélie. Dans sa robe en dentelle blanche, apeurée, triste, elle voit sa nouvelle nounou s’approcher d’elle et là …le drame .Elle se roule à terre, hurle, pleure, tape des pieds, déchire sa robe, envoie son chat au bout de la terrasse…un vrai carnage, l’apocalypse !

Elisabeth explique que sa fille n’accepte pas les personnes étrangères a la maison mais que malheureusement il va falloir qu’elle trouve quelqu’ un de disponible : elle et son époux voyagent beaucoup pour leur entreprise et ne peuvent s’occuper d’une gamine caractérielle.

Amélie demande à sa nouvelle patronne de quitter les lieux, elle veut rester seule avec Julie.

La rage emplit la chambre, les cris parviennent sous les hêtres ou les jardiniers laissent tomber leur bêche, arrêtent les tondeuses.

Personne ne bouge…

Le silence envahit le beau jardin et chacun attend ce qu’il va se passer…

Julie veut,  comme chaque fois, avoir le dessus sur la jeune fille qui doit  occuper d’elle ?

Amélie assisse sur un pouf, le visage pâle attend le bon vouloir de Mademoiselle. Elle observe, regarde, essaie de comprendre pour ce petit bout peut faire autant de bruit.

Pourquoi un si grand mal être ?

Pourquoi tant de violence à un si jeune âge ?

La crise ne passe pas, les hurlements sont incessants, un mal de tête commence à frapper les tempes, la nervosité monte, la patience à des limites qu’il ne faut pas franchir.

C’est une belle tripotée qu’il faut à cet enfant-roi, lui faire comprendre qu’elle ne peut tout avoir, qu’il y a des règles à respecter et qu’elle n’a que 6 ans…

Décidée à se faire accepter, la nouvelle fait couler un bain à peine tiède et surprend la petite colérique en la plongeant dans la baignoire.

D’abord surprise, l’enfant jette ses poings serrés dans l’eau, puis renifle, se calme et lance ses petits bras blancs vers Amélie. Cette dernière prend une grande serviette de bain, la déshabille de cette robe idiote, la frictionne et la prend tendrement dans ses bras.

La petite se détend, son rythme cardiaque ralentit, un sourire apparaît sur ses lèvres bleuies. Les tondeuses font à nouveau entendre leur bruit.

Ni une, ni deux, Amélie enfile un T shirt et un jeans a Julie et toutes les deux, enlacées, prennent le chemin de la cuisine.

La nouvelle nounou prépare un chocolat chaud et des toasts grillés. Julie sourit, mange de bon cœur ce repas de fortune.

La maison est comme vide, personne ne se préoccupe de ce qu’il se passe : la gouvernante frotte l’argenterie, les jardiniers ratissent sous les chênes, le chauffeur est parti conduire Madame à Paris et Monsieur est à Cuba….

Personne n’est venu dire au revoir et embrasser cet enfant !

Julie prend la main d’Amélie et la conduit près de l’étang ou 3 canards se disputent une tranche de pain ; non loin de là, une balançoire, un toboggan et un bac à sable !tout est neuf, impeccable, jamais servi.

Amélie courre, se cache,fait des pirouettes: les rires fussent et remplissent, d’une rare gaîté, ce parc aseptisé

 Ensemble, main dans la main, elles font le tour du jardin sous les yeux écarquillés des employés de maison. Tout le monde retient son souffle comme si la tempête allait à nouveau se déclarer.

Il commence à faire froid, Amélie met un gros pull à la petite, des chaussons en laine bouillie et prépare le feu de bois.

La table est dressée pour deux : nappe blanche, couverts  en argent, candélabres porcelaine des plus fines…et le sommet…au menu…des soles à la sauce homardine !

Amélie n’en croit pas ses yeux !

Elles descendent à l’office faire des œufs à la coque avec de petits soldats. Julie rit, joue avec ses bâtonnets au jambon, regarde sa nouvelle complice avec des yeux malicieux.

Elle est heureuse : son petit visage d’enfant s’éclaire comme celui d’un ange.

Toutes les deux vont se coucher.

Elles  font une bataille de polochons.

Amélie lit une histoire, avec des lapins rose et des souris vertes : elles rient très fort.

Doucement la petite s’endort dans les bras tout doux de sa…nouvelle Maman.

Bisous Julie, je suis là pour toi lui souffle Amélie dans le creux de l’oreille.