SINGERIES I

Françoise Grenier Droesch

SINGERIES : Mesdemoiselles les filles avaient eu un délire!

Je regardais la vidéo que ma fille avait laissé sur une carte mémoire, c'était très court mais terrifiant. Jamais je ne m'étais imaginé  à quel point sa vie était devenue infernale depuis ce dimanche après-midi, il y a de cela quelques mois, en janvier.
Ma fille, Nadja, venait de fêter son anniversaire, 14 ans, avec ses meilleures copines.  Elles s'entendaient à merveille comme les cinq doigts de la main, il y avait Myriam, Carol, Violet et Lisa. Je connaissais leurs parents et nous avions décidé de les conduire à la patinoire, puis, il était convenu qu'elles reviendraient pour le goûter jusque chez nous, à pied.

Oui, maman a raison, ça a commencé comme ça. Sur le chemin du retour,  j'ai ramassé une espèce de singe en peluche qui gisait au milieu de la chaussée, beige sale, que j'ai trouvé très moche, aux yeux noirs fixes, un peu genre Kiki. J'avais fait mine de le vouloir, pour délirer.
Les autres ont tout de suite voulu qu'on le garde. C'était toujours à celle qui aurait l'idée la plus farfelue! Moi, je m'en fichais, je n'ai plus l'âge de jouer aux peluches. Elles pouvaient bien le prendre jusqu'à la fin des temps!
Myriam, eut une idée idiote. Elle disait qu'on l'aurait chacune une semaine et elle insista pour que ce soit moi, la première, puisque c'était mon anniversaire, un cadeau tombé du ciel, qu'elle croyait!
- Ben, voyons! je vais avoir l'air fine devant mon frère Grégory, 11 ans, qui ne joue même plus aux voitures ! Dans tes rêves ! lui rétorquai-je.
Lisa ne disait rien, c'était son tempérament, jamais prendre partie. Violet et Carol affirmaient qu'il était trop mignon, qu'elles adoreraient le dorloter. C'est vrai qu'elles en était encore au stade "Hello Kitty". Une catastrophe, ces deux-là! Je les aimais quand même, car on pouvait compter sur elle, pour nous suivre aveuglément.
Myriam revenait à la charge, exigeant que je sois la prem's, c'est son anniversaire, vous voulez bien attendre un peu, Let et Caro ? Pas de problème !
Pour moi, c'était un sacré problème et je lâcha ce singe par terre, en hurlant que non, et non,  il n'était pas question que je me ridiculise. Mes parents se moqueraient de moi. J'avais un an de plus, tout d' même, ce n'était pas pour régresser! J'en faisais un peu de trop comme d'hab.! Lisa riait aux éclats, elle était bon public! Les autres  n'ont pas apprécié et me l'ont collé dans les bras, allez, fais pas ton cinéma, il est à toi jusqu'à dimanche prochain , et ne le maltraite pas ! Caro était outrée, Let aussi, tu lui as fait mal, mauvaise, mais c'était pour rire qu'elle me lançait ça, à voir ses yeux qui se plissait et son sourire illuminant son beau visage. Violet était magnifique! Je la jalousais un peu, ses tenues à la mode, ses cheveux longs et lisses, coiffés au cordeau , son corps parfait sans un gramme de graisse! Caro n'était pas mal non plus, une vraie gazelle, fine et super!
Myriam trouva intelligent d'ajouter:
-Tu diras que c'est un jeu, un gage, je sais pas, fais pas cette tête là, c'est pas le diable!
Y avait pas moyen de les raisonner, donc, j'attrapais le singe par une de ses pattes, assez brutalement et bizarrement, j'ai cru qu'il respirait, enfin, je percevais comme un battement de coeur. La folie commençait à me gagner ou quoi? Je ne fis pas la remarque à mes amies, vu ce qui c'était passé, c'était pas le moment. Pour le coup, elles ne manqueraient pas de me ridiculiser encore plus!  J'avais ma dose avec cette peluche que je ramenais à la maison!
Maman n'avait pas vu Kitty, le singe en peluche, les filles l'avaient baptisée ainsi, vous comprenez pourquoi ! Il était caché sous mon manteau et je montai discrètement dans ma chambre, le déposer sur mon bureau. Puis, je rejoignis mes amies, attablées devant le merveilleux gâteau d'anniversaire, fait maison, une charlotte au chocolat, hummm! Je soufflais les bougies et fit un voeu, celui d’embrasser  Kentin, le gars le plus sexy du collège, mais une image se superposa, celle de ce singe en peluche, non, c’est pas lui que je veux embrasser ! Bah,  Je ne crois pas trop à ces  superstitions, mais la tablée entière me criait «  fais un voeu! » alors, je le fis! Bientôt, je n’eus plus envie de rester autour de la table du salon et il me tardait d’être enfin seule pour remonter dans ma chambre.

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