Six millions de Grandparisens, et moi, et moi...

Yves Schwarzbach

Première publication dans Centralités #4, juin2014. DR

Par Yves Schwarzbach, Directeur d'ITeM info

Nom : Paris

Prénom : Grand

Date de naissance : officiellement, 7 juillet 2010 pour la société éponyme. Tout aussi officiellement, 27 janvier 2014 pour la métropole. Officieusement : 4800 avant JC selon le Carbone 14 et les pirogues de Bercy.

Taille : 6 695 236 habitants, 762,4 km2, 124 communes

Nationalité : française, voire universelle

Qu'est-ce qui fait une « Ville monde » ? « Les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres » affluent à et repartent de la superville, écrivait Braudel. D'où le concept de ville-portail, animatrice d'un universel réseau que parcourent des flux de personnes, d'argent et d'information. Oui, selon les démographes, le XXIe siècle sera urbain et dense. Plus de quatre-cents cités de plus d'un million d'habitants. Une quarantaine dépassant dix millions. Le taux d'urbanisation mondial est de 30 % en 1950. Il dépasse 45 % en 1995. Et flirterait avec 60 % en 2025. La métropolisation, qui compose les sublimes constallations urbaines qu'on voit la nuit en avion, n'est pas prête de cesser. En France, les aires urbaines ont augmenté de 20% entre 1999 et 2010. Etalement urbain ou pas, Paris doit encore grandir pour étendre son influence. N'en déplaise aux insulaires, Los Angeles est plus vaste que la Corse. Mais notre agglomération capitale atteint-elle la masse critique sur une planète où le maire de Shanghai gère plus de citoyens que le Premier ministre néerlandais ? « Le jardin de mon oncle est plus grand que le mouchoir de ma tante », traduisaient nos aînés. Plus petit que Greater London, Kuala Lumpur ou Alger, Grandparis sera plus gros que Paris. En 1860, la capitale était passée de douze à vingt arrondissements en absorbant des communes à qui l'Empire ne demandait pas leur avis. Qui s'en plaint aujourd'hui ? La Flèche d'Or et l'hôtel Mama Shelter voisinent l'église du village de Charonne ; Montmartre, c'est Paris pour tout le monde. Pourtant l'espace, la taille et la densité ne font pas tout. Il faudrait parler de taille pertinente, d'intensité et de polycentrisme. D'une gouvernance démocratique qui intègre des échelles stratégiques, qui dépassent les périmètres territoriaux, des échelles de décision qui articulent différents niveaux d'intérêt général, et des échelles humaines, celles de l'action quotidienne, ce que n'envisage pas vraiment une métropole qui avalera les départements de Première couronne.

Comme si la diversité lui faisait peur. Les multinationales gèrent une multitude de droits nationaux et de langues ou de cultures locales en plus de la segmentation des marchés. Si elles profitent du millefeuille, pourquoi la République ne le pourrait pas ? Car la pâtisserie est moins institutionnelle que conceptuelle. Spécialité nationale, faite « d'au moins six abaisses de pâte feuilletée séparées par de la crème pâtissière », il paraît que le millefeuille date de Louis XIV. Longtemps favori des Français, il est détrôné par l'éclair au chocolat en 2012. Que s'est-il donc passé en cette année-là ? Toujours est-il que les empilements n'ont plus la cote. Moins de ministres, moins de collectivités, moins de frais. Croit-on sérieusement qu'on est plus malin en étant moins nombreux, alors qu'il suffit de savoir travailler ensemble ? Faire simple se traduit donc par penser sommaire. Peu importent au fond la fin des départements et la fusion des régions en entités semblables aux Provinces de l'ancien régime. Ce qui compte, c'est la vitalité locale. En 2012, la moitié des maires franciliens pensait que Grandparis méritait sa propre gouvernance mais ils n'étaient que 41 % à le souhaiter en grande couronne. Rats des villes contre rats des champs ? Mis en évidence lors du vote de la loi « Affirmation des métropoles », l'enjeu est la cohésion de l'Ile-de-France. Au delà des clochers et des prés carrés, la quasi totalité de ses élus redoutaient une région à deux vitesses. Grandparis et le désert francilien ? Le problème n'est ni de droite ni de gauche. La rupture entre métropole et franges reporterait en grande couronne le traumatisme de la banlieue. Si la gentryfication guette feu la Ceinture Rouge, l'éloignement reste pour beaucoup la seule alternative soutenable, même si elle est écologiquement incorrecte. Conséquence d'une réforme dont la moitié des maires estimait qu'elle freinerait la décentralisation, l'enjeu est démocratique. En 2012, un maire sur deux s'interrogeait sur sa candidature en 2014. On a vu la suite en mars.

Que fera la région Ile-de-Fance ? Son Schéma Directeur contraint les communes et les Etablissements publics de Coopération intercommunale (EPCI) à réviser leurs Plans locaux d'urbanisme (PLU). Une réalité qui conditionne les objectifs annuels de construire 70.000 logements, dont 30 % sociaux, et de créer 28.000 emplois. Or l'alternance de 2012 n'a rien résolu. Le SDRIF dépend toujours du milliard d'euros que l'Etat doit débloquer pour le Grand Paris Express. Paiera-t-il pour sa capitale, qui finance d'ailleurs la France ? « Si le SDIRF devait être appliqué sans la réalisation du Grand Paris Express, il deviendrait toxique, asphyxiant pour l'Ile-de-France », pense l'ancienne ministre Valérie Pécresse, qui ajoute : « ne refaisons pas les erreurs du passé de construire en espérant que les transports arriveront ! ». Peut-on lui donner tort ? Quant aux Seine-Amont, Plaine-de-France et autres OIN, pions de l'Etat posés sur l'échiquier local, seront-elles de futures féodalités ou les parties prenantes d'une démarche collaborative au service des territoires ? Métropole ou pas, les institutions et l'argent public ne sont pas la démocratie. Selon la Constitution, le peuple souverain, la Nation, se donnent la République comme régime. L'Etat, dont on nous parle comme allant de soi, est-il constitutionnel ? J'ai relu l'article 72 de la Constitution de 1958, modifié en 2003. Les collectivités territoriales « de plein exercice » s'administrent librement. Sont-elles moins des organes de la République que les ministères ? Alors que le Président de la République garantit la continuité d'un Etat qui n'est défini nulle part ?

On voit bien que la démocratie locale et l'identité sont au cœur du problème. La réussite de Grandparis réside dans la capacité de ses gouvernants à mobiliser les Grandparisiens autour d'un projet de vie. Mais comment exercer une citoyenneté libre, égale et fraternelle quand les institutions parlent aux institutions ? Parler de démocratie dans la métropole, c'est questionner sa place dans la République. Grandparis imitera-t-il Washington DC ? Taillé dans le vif de la Virginie et du Maryland, le District de Columbia est administré par l'Etat fédéral. Ses habitants n'élisent pas de sénateur et ne votent aux présidentielles que depuis 1961. « Taxation without representation », proclâment les plaques d'immatriculation locales. Humour mais frustration. Dites-moi… Combien de temps les Parisiens ont-ils attendu avant d'élire leur maire ? Le débat n'est d'ailleurs pas clos. Pendant la campagne, la candidate Hidalgo qualifiait de « tacticienne, rétrograde, centralisatrice » la proposition de sa rivale d'élire le maire de Paris au suffrage universel direct. Elle aurait peut-être pu dire « populiste » mais pas « centralisatrice ». Un Paris fort signifierait–il une France faible et une Ile-de-France fragile ? L'histoire nationale étant ce qu'elle est, l'identité grandparisienne aura du mal à émerger. Elle ne se manifesterait que difficilement si on s'avisait d'organiser un référendum. Ce que, entre parenthèses, on fit pour l'Europe, pour contredire ensuite le suffrage universel. Autoritaire par tradition, l'Etat français tolére mal la différence. L'identité de Grandparis devra affronter un appareil fondé sur la destruction des identités locales au nom de valeurs universelles et qui entretient depuis toujours des rapports ambigus avec sa capitale.

Heureusement, les identités ont la vie dure, pas seulement en Bretagne en bonnets rouges ou en Nord-Euskal Herria. Même si elles sont souvent dénoncées comme communautaristes. Certains bons esprits se demandaient comment on pouvait être Persan. Pour ma part, je suis Parisien. Immigré. J'ai vécu à Paris plus longtemps que dans ma ville natale, qui survit dans mon numéro de sécurité sociale mais où je ne vote pas. Mes enfants sont Parisiens. Nés à Paris, ils ont habité South Pigale, la Bastille et le Marais. Petits, ils montraient la tour Eiffel et Versaillles à leurs cousins de province. Etudiants, ils font la fête dans les friches du Neuf-Trois. Ils sont chez eux à Grandparis mais marginaux : 31 % des habitants de la capitale y sont nés selon le CNRS. Conclusion : 69 % des Parisiens viennent d'ailleurs. Grandparis restera-t-il terre d'accueil ? Et puis, Parisien, suis-je Francilien ? Que dirait la marguerite, défunt logo régional, si je l'effeuillais ? Un peu ou pas du tout ? Serais-je un jour Grandparisien ? Mes arrières-petits-enfant se diront-ils de Grandparis comme un Nantais de Bretagne, quand un Chinois de Singapour ou une Indienne de Californie leur demanderont d'où ils viennent ?

« Le Grand Paris obtient enfin sa carte d'identité », titrait Metronews quand l'Atelier parisien d'urbanisme publiait le premier atlas de la métropole. On connaît la magie des cartes : le trait qui divise, la couleur qui conote. Pour ses habitants, qu'est-ce que Grandparis ? Doté d'institutions « en état futur d'achèvement », la métropole est inachevée car inachevable. Grandparis ira peut-être jusqu'à la mer s'il ajoute à son nom les deux lettres qui, selon Victor Hugo, en feraient le paradis, mais il faudra du temps pour lui donner corps, cœur et âme. Soi-disant pérennes, les institutions n'existent pas en dehors de ceux qui les incarnent. Sans la légitimité déléguée par les citoyens, elles n'ont ni fonction sociale ni force politique. Pas plus que les territoires n'ont de réalité sans les peuples qui les habitent. Qui sont les Grandparisiens ? Comment vivent-ils ? Que veulent-ils ? Leur a-t-on demandé ? Ce sont d'abord des personnes en chair et en os, qui vivent, bougent et travaillent tous les jours. Ni touristes, ni avatars de réseaux sociaux. Et pas seulement des Parisiens. Les deux tiers des habitants de la métropole sont banlieusards. Vivant au delà du périph', c'est à dire loin, au moins dans la tête. Les habitants de Vigneux-sur-Seine avec qui je travaille ont du mal à réaliser que leur ville n'est pas plus éloignée de Paris, en temps de trajet, que ne le sont les Portes de Vincennes et Maillot.

Ensuite, hommes et femmes, jeunes ou vieux, riches ou pauvres ? Quand l'Ile-de-France vote le SDRIF, Jean-Paul Huchon déclare : « j'aimerais bâtir une région que les gens n'auraient pas envie de quitter au moment de la retraite. » Un enjeu majeur : la métropole est jeune mais, à Paris intra muros, dont les murs n'existent plus depuis des siècles, on compte plus de jeunes au nord qu'au sud. Ils sont plus nombreux Rive droite que Rive gauche. A Nanterre, Sarcelles ou Noisy-le-Grand, appelées à jouer un rôle clé dans la dynamique polycentrique, la part des moins de dix-huit ans dépasse 30 % mais les seniors représentent plus de 20 % de la population de Neuilly ou Sceaux. Villes de vieux, villes de jeunes.

Et villes de riches et villes de pauvres. « Par son PIB, le Grand Paris serait à lui seul la 18e nation du monde, devant les Pays Bas ou la Suisse », explique Pierre Veltz, PDG de Paris Saclay. A qui sert la richesse si la région n'occupe que le huitième rang pour la qualité de vie pour 95 % des interrogés ? Selon l'APEC, Rhône-Alpes, PACA et l'Acquitaine l'emportent en effet pour la qualité de vie. D'autant plus que les disparités de revenus pénalisent les territoires, comme dans les communes de Seine-Saint-Denis qui concentrent une majorité de bas revenus. Ces gens qui, à la fin du mois, touchent leur RSA à la Poste. La République n'est heureusement pas sensitaire. À Paris même, le quart des ménages des 18e, 19e et 20e arrondissements gagne moins de mille euros par mois. On se demande comment ils se logent. Mais plus on s'éloigne de Paris, plus les revenus deviennent homogènes : la mixité sociale n'est pas gagnée. Bref, pour réussir Grandparis en 2016, « il va falloir cravacher », comme dit Jean-Paul Huchon, et pas seulement dans le domaine institutionnel ou pour accélérer des projets en mal de financement. Sans travail, la double boucle ne serait qu'une façon de tourner en rond. Et le peuple de Grandparis, celui dont parlait Michelet et qui n'était rien au matin du 14 juillet 1789, reste à fédérer. Place de la Nation ou au Mont Valérien ; à la Courneuve et à Courcouronnes ; à Issy et à Ivry. Bref, faire de la politique.

Faire entrer Grandparis dans le débat citoyen, c'est admettre que l'identité est la fusion d'une Histoire nationale et d'histoires locales. Ensemble de cultures, de mythes et de symboles, elle témoige du lien entre un peuple et son pays. Quand elle n'est pas usurpée, elle exprime la reconnaissance d'un individu par lui-même ou par les autres. Soeur de l'égalité, c'est un privilège. Un vrai. Rien à voir avec ceux que 1789 avait abolis. « Cives romanus sum », lançait Paul de Thrace pour obtenir un jugement équitable. Imagine-t-on un jeune de banlieue - celui qui, un peu éméché, me disait un soir tard, dans un RER désert du côté d'Argenteuil : « vous savez, Monsieur, je suis un Arabe gentil » - s'écrier : « je suis citoyen grandparisien » face à la BAC… L'Etat-nation n'y est pas prêt. Allons-nous vers une identié grandparisienne réduite au marketing territorial ? J'étais un samedi dans un grand magasin. Au rayon hommes, des dizaines de boxers. Seule différence : la marque, affichée en gros sur la ceinture. Depuis quand le fait d'afficher une marque sur son caleçon, sur son papier à en-tête ou sur internet, fait-il l'identité ? Grandparis, ce sont les gens qui y vivent et y travaillent. Ceux que le Parisien, autrefois Libéré, interroge en micro-trottoir. Comment les élèves du lycée de la rue Vitruve et les habitants de la Cité des 4000, qui en seront, voient-ils Grandparis ? Et les licenciés de PSA Aulnay et ceux de l'Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui n'en seront pas ? Quand les Grandparisiens vivront-ils leur cité comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans distinction d'origine ni de condition ?

Si chacun doit devenir acteur de sa métropole, les gouvernants doivent incarner Grandparis, exprimer une vision et réapprendre à fédérer. Charles Martel protégeant le Dauphin, on voit. Gambettta et son ballon, on comprend. Roll-Tanguy à l'Hôtel-de-Ville en 1944, ça marche. Depuis, c'est « circulez, on administre », Ville de Paris en tête. Grandparis a besoin que l'on porte ses couleurs. Quelle Liberté guidera son peuple, façon FEMEN ? La démocratie est affaire d'incarnation mais nous n'avons pas élu le maire de Grandparis le 30 mars. Alors que la métropole n'existe que sur le papier, on supute, on spécule, on discute. Tel président n'est pas élu municipal, telle conseillère n'est pas maire. Mais quelle tête de liste en aurait fait son cheval de bataille ? Grande absente de la campagne, la métropole sera pro. C'est triste. « Les Français en ont assez du politique », me glissait Bertrand Lemoine, naguère Directeur général de l'Atelier International du Grand Paris. Peut-être. Ils l'ont d'ailleurs dit en s'abstenant mais voter avec ses pieds, c'est encore voter. Que choisir quand on ne connaît pas plus ceux qui décident, plus qu'on ne met de visage sur son fournisseur d'Internet ? A quoi servent des édiles qui ne changent pas la vie ? Quant à ceux qui ont voté, ils ont élu des conseillers municipaux. Qui ont ensuite désigné des maires. Pensaient-ils choisir des conseillers communautaires ? Et savaient-ils que ce mécanisme dissimule le piège de l'élection de conseillers extémistes ? Au delà du coup de canif au contrat démocratique, les citoyens identifient mal les compétences des métropoles et celles des agglomérations et communes. Ni qui gère leurs impôts locaux. C'est grave.

Nous voici donc Grandparisiens à l'insu de notre plein gré. A défaut d'identité, de citoyenneté et de ferveur, Grandparis reste un conglomérat de projets d'aménagement. Ils aboutiront un jour, si la Bombe F, celle des finances publiques, cesse d'iradier. Si les projets urbains aboutissent à temps : du jamais vu dans un pays champion d'Europe pour la lenteur des procédures d'urbanisme. « Avec des si on mettrait Paris en bouteille »... D'ailleurs, l'urbanisme fait-il l'urbanité ? L'aménagement savant est autoritaire et conservateur dans ses formes et ses principes. Et si les rues ou les murs civilisaient la ville, on le saurait. Comme celui d'institutions qui survivraient à leur civilisation, comme les amours de la chanson Gainsbourg, le fantasme de la centralité-civilité n'en finit pas de mourir. Alors que sa machine à aménager uniformise, Grandparis peut-il réussir le polycentrisme ? Que disaient les gens des Francs-Moisins ou de Pleyel, quand je travaillais sur la Charte d'environnement de Saint-Denis : « on voudrait que ce soit comme à Paris ». Vingt ans après, la première couronne s'homogénéise à coup de ZAC, de TCSP et de VLS. Disparu le Carrefour de la Vache Noire, restent les camps de Montreuil, où survivent des citoyens européens. Au profit de quoi ? Peut-être d'un plus gagner pour certains ; voire d'un mieux échanger. Et, on l'espère, d'un mieux vivre entre tous. Si les petits cochons de la mondialisation ne mangent pas nos emplois.

Soyons justes. Le rattrapage de l'aménagement est nécessaire. Il est bon que Villeneuve-la-Garenne place le développement commercial au cœur de son projet urbain, que Saint-Ouen crée le parc qui manque au 18e arrondissement, que Ris-Oangis accueille une Arène, que Pantin s'éveille et qu'Ivry-Confluence pense cluster. Encore faut-il le faire. Pour y parvenir, combien de temps faudra-t-il attendre ? Les codes de l'urbanisme, de l'environnement et de la construction ont du bon. Au moins, on ne construit pas n'importe où et n'importe quoi. Mais le choc de simplification n'a pas encore atteint l'immobilier. Les professionnels savent qui signera leurs permis de construire, si l'Etat ne change pas d'avis. Mais sur la base de quels PLU ? Combien d'appels d'offres, de marchés à procédure adaptée, de diagnostics et d'études, de registres de commissaires-enquêteurs, de délibérations et de contentieux pour modifier, réviser, harmoniser, contrôler la légalité, contester, notifier et stabiliser l'enchevêtrement de ces documents ? Sans compter l'évaluation environnementale. Le décret du 2 mai 2012 identifie quarante-trois types de documents ayant une incidence sur l'environnement. Pas un de moins. L'Etat dispose et les professionnels attendent les décrets.

On mettra dix ans, vingt qui sait, trois générations peut-être. Quand l'Etat français maîtrisera-t-il la machine infernale de sa prolixité ? « France, mère des arts, des armes et des lois », poétisait Joachim du Bellay. Le pauvre : sa douce France pleure son petit village chanté par Nadir Kouidri allias Ridan mais raye des communes de la carte. Et multiplie les institutions quand d'autres contractualisent. Produit des textes quand ailleurs on les applique. Hambourg fonctionne sans institutions propres mais sa métropole regroupe deux Länder dont une Cité-Etat et je ne sais combien de communes. Ne parlons pas de la politique de la Ville, déconnectée de l'urbanisme et qui n'a plus de ministre. Et que dire des propos de François Lamy, ex-maire grandparisien et ex-ministre de la Ville : « demain, le triumvirat de la politique de la ville sera donc constitué par le préfet, le président de l'EPCI et le maire ». Excusez du peu ! A quand un Premier Consul de Grandparis ? Nous avons un besoin urgent de faire grandir Paris, pour vivre pleinement notre avenir de citoyens du monde, et bien au delà des anciennes limites du département de la Seine. Avons-nous vraiment besoin de l'Etat pour y parvenir ? Un ami économiste un peu alternatif me suggérait que, entre l'OMC, l'Union Européenne, les régions et les citoyens, ce sont peut-être les Etats-nations qui devraient disparaître. Peut-être faut-il changer de logiciel ou de références : l'administration n'est pas une science exacte. Changer de point de vue collectif. Voir autrement le peuple, l'espace et la vie. Changer de modèle économique, politique et territorial. Avec plus de modestie et de simplicité, prendre en compte, enfin, les identités locales comme fondemments de notre démocratie. A quand Grandparis de la diversité ? Grandparis bottom-up ? Grandparis autogéré ?


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