Smile
David Charlier
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Julie pleurait à chaudes larmes. Elle ne pouvait pas encore se résoudre à éteindre la télévision et cherchait d’autres images en parcourant les chaînes disponibles. Mais l’hommage était bel et bien terminé. Tout était parfait… Le cercueil doré à l’or fin et tapissé de roses rouges, les discours des proches, les chansons en son honneur, l’intervention bouleversante d’amour de sa fille. Elle regroupait les mouchoirs usagés en tas pour les jeter. Arnaud ne se trouvait pas dans un meilleur état qu’elle. Allongé dans le canapé, silencieux et sombre, ses yeux étaient rougis. Il faut dire que Michael Jackson représentait tout pour leur couple. Ils s’étaient connus à l’un de ses concerts, s’étaient embrassés pour la première fois sur une de ses chansons. Avec sa mort si soudaine, c’est une partie d’eux qui disparaissait. Avec difficultés, Arnaud se redressa dans le canapé et se leva pour prendre Julie dans ses bras. Il était temps d’éteindre la lumière et d’aller se coucher. Ils étaient en vacances, en prévision justement de ses concerts prévus à Londres. Ils avaient réussi à trouver deux places et s’impatientaient du rendez-vous avec leur idole, qui n’aurait jamais lieu. Le retour sur terre à été difficile pour eux, comme pour plusieurs dizaines de milliers d’autres et la soirée de ce soir leur avait ouvert les yeux pour de bon. Leur idole était bel et bien partie, en route pour rejoindre d’autres grandes figures, d’Elvis à Sinatra.
La mort dans l’âme, ils se couchèrent sans un mot, les pensées encore occupées par les images en direct de Los Angeles. La nuit allait être longue pour beaucoup de fans à travers la planète. Aucun des deux ne soupçonnait que la journée du lendemain allait leur apporter encore plus de surprises…
Arnaud
Il se sentait anéanti et vidé de toute énergie. La soirée d’hommage était magnifique et d’une sobriété plus grande qu’il ne l’aurait cru. En calant la tête sur l’oreiller, les yeux clos sur les prémices du sommeil, il repensait à leur parcours avec Julie, qui venait plus d’une fois croiser celui de Michael. Très vite, ses pensées dérivèrent vers les clips du chanteur. De Thriller à Black or White, il se laissait bercer par sa voix si particulière qui lui donnait la chair de poule à chaque fois. Légèrement sur les nerfs, il se résolut à ne pas s’endormir de suite. Il prit Julie dans ses bras qui respirait doucement, déjà partie dans les bras de Morphée.
Et là, il lui caressait la tête, en laissant couler quelques larmes de tristesse et de compassion. Il se demandait ce que deviendrait ses enfants, et si les adultes autour d’eux allaient les préserver d’une guerre impitoyable autour de l’héritage. La bataille s’annonçait d’ores et déjà serrée et âpre. Il ne voulait pour rien au monde être au cœur de ces querelles intestines, sur fond de cupidité et de malhonnêteté. Les coups bas allaient pleuvoir. Sa dernière pensée consciente était pour la fille de Michael, si fragile et si bouleversante.
Julie
Au matin, les premiers rayons de soleil vinrent la frapper. Elle écarta d’une main lourde les mèches blondes de ses cheveux qui recouvraient une partie de son visage et s’étira en silence. Elle se tourna pour observer Arnaud qui dormait paisiblement. Elle caressait de l’index les contours de son visage, passant plus lentement sur sa barbe naissante qui la chatouillait.
— Je t’aime, murmura-t-elle.
Pour ne pas le réveiller, elle se décida à quitter le lit sans bruit et fila directement à la cuisine pour préparer un café. Elle alluma la radio pour avoir les dernières infos en provenance des USA. Une polémique était née dans la nuit sur l’hommage rendu à la star. Enfin, plusieurs même… Au sujet du choix du cercueil, de la prise de micro de la petite Paris, du marché noir autour des billets d’accès. Ca l’écœurait que des gens puissent profiter d’un drame pour déblatérer sur un être humain tout juste décédé. Parce que critiquable ou pas, aimé ou pas, Michael n’était qu’un homme, avec ses forces et ses faiblesses. Le moment qui l’a le plus touchée la veille était celui où la famille Jackson était rassemblée sur scène pour prendre la parole tour à tour. C’est là qu’elle a prit conscience qu’ils formaient une famille, une famille unie dans la douleur, comme n’importe quelle autre sur la planète. Où qu’il soit ce matin-là, elle souhaitait à Michael d’être heureux. Elle ne désirait rien de plus pour lui après les épreuves de ces dernières années, entre procès, traversée du désert et critiques ardentes. La fille du chanteur l’avait bouleversée au-delà de ce qu’elle aurait cru. Ses mots si simple et si marqués d’amour lui avaient déchiré le cœur. A ce moment, elle ne voyait plus de star mondiale adulée par millions de fans à travers la planète, elle ne voyait plus qu’une enfant meurtrie par la disparition de son père. Julie se sentait en communion avec sa peine pendant que des larmes coulaient sur le visage de Paris.
Pendant qu’elle beurrait deux tartines grillées, elle entendit Arnaud bouger dans la chambre. Parfait, se dit-elle. Le petit déjeuner est juste prêt. Elle attendit quelques instants, peaufinant la mise en place de la table, avant de quitter la cuisine pour rejoindre son compagnon.
Arnaud
Qu’est-ce qu’il avait mal à la tête… La nuit lui a paru durer une éternité. Il se sentait lourd et apathique, comme après une gueule de bois mémorable. Mentalement, il fit déjà la liste des médicaments qu’il allait devoir prendre pour faire passer la migraine. Ses yeux étaient collés comme s’il avait pleuré en dormant et que l’excédent de larmes, en séchant, lui avait soudé les paupières. Il paniqua un peu quand il ne réussit pas de suite à les ouvrir. En les frottant vigoureusement avec ses mains, il parvint à les entrouvrir, pour sa plus grande stupeur. Il ne reconnaissait pas la chambre, ni le lit où il se trouvait. Une jeune femme se tenait sur le seuil en le regardant, un sourire attendri aux lèvres. Un mouvement de recul le fit se cogner contre la tête de lit, et il poussa un cri. La femme perdit son sourire pour gagner une mine inquiète. Elle baragouina quelque chose dans une langue qu’il ne comprenait pas.
Julie
Elle adorait le regarder s’éveiller, et cette étincelle qui allumait son regard lorsqu’il posait les yeux sur elle pour la première fois de la journée. Mais ce matin, Arnaud était bizarre, et sa réaction n’était pas habituelle. Il semblait réellement terrifié. Un peu surprise, elle s’approcha pour poser une main rassurante sur son épaule, mais il se rebiffa, la repoussant d’une ruade.
— Mais ?... Arnaud, que se passe-t-il ? Tu as fait un cauchemar ?
— What?! Who are you? And where am I?
— Depuis quand parles-tu anglais pour m’accueillir ? Et c’est quoi cette voix de fausset ? Ca ne va pas ou quoi ?
Elle fit une nouvelle tentative pour l’approcher.
— Do not approach me! What I make in this place? You kidnapped me!
— Arnaud, ça suffit, maintenant ! J’aime bien les plaisanteries, mais les plus courtes sont les meilleures. Tu te lèves, et tu arrêtes de déconner. En plus, je ne parle pas un mot d’anglais et tu le sais bien. Ca commence à m’agacer sérieux, là…
— I do not understand what you say. Where did you take me and what you intend to make of me? I will pay all that you want, but let me leave.
Exaspéré, elle soupira, les sourcils froncés. Arnaud pouvait être lourd quand il s’y mettait. Elle comprenait que ce matin, il était décidé à la faire tourner chèvre. Ce qui l’inquiétait, c’était qu’il n’avait pas l’air de simuler quand il posait des yeux effrayés sur elle. En désespoir de cause, il lui restait une solution. Elle tendit la main dans sa direction pour l’inviter à ne pas bouger. Ce qu’elle exprima avec difficulté par la parole.
— Don’t bouge ! Tu veux jouer au plus malin, pas de problème. Je vais chercher ma carte secrète.
Elle quitta la chambre en catastrophe et se rua vers la porte d’entrée de l’appartement qu’elle arracha presque de ses gonds quand elle l’ouvrit. Pourvu qu’elle soit là, pensait-elle.
Arnaud
Il était paniqué et commençait à avoir des difficultés pour respirer. Loin de le rassurer, la jeune femme lui avait mis les nerfs en pelote. Elle était partie comme une hystérique faire Dieu sait quoi et l’avait laissé en plan. S’il avait été kidnappé, pensait-il, elle ne l’aurait pas laissé seul ici et sans surveillance. Mais alors qu’est-ce que je fais ici et qu’attend-elle de moi ? Malgré la consigne qu’il avait cru comprendre, il se leva avec difficultés et explora les lieux méthodiquement. La chambre était décorée très simplement, avec des meubles bon marché, dans un style faussement asiatique. D’un pas trainant, il se glissa dans un couloir de distribution. D’une cuisine flanquée dans le fond, une odeur de café frais et de toasts venait lui chatouiller les narines. Il effleurait du doigt les cadres fixés au mur et les meubles en bois clair qui occupaient le passage. Une porte sur la droite lui permit de découvrir une salle de bains plongée dans le noir. Il actionna l’interrupteur et s’y engagea. Une baignoire classique, un lavabo sur console, un meuble de rangement. Rien de bien extraordinaire. Il allait sortir lorsqu’il aperçut le miroir…
Julie
Elle tambourinait à la porte de l’appartement voisin, qui finit par s’ouvrir sur Monique, une femme entre deux âges, récemment divorcée. Julie ne perdit pas de temps en amabilités.
— Salut Monique. Sophie est là ?
— Oui, mais que…
— Pas le temps, je t’expliquerai. Dis-lui de venir, vite !
— Ok… SOPHIE ?? Viens !
— Merci. Je te la ramène tout à l’heure.
L’adolescente sur laquelle elle comptait arriva, les yeux embrumés. Elle venait probablement de se lever. Julie savait qu’elle était plus que douée en cours d’anglais, et ce matin-là, ses compétences lui seraient utiles. La mère repartie, elle commençait sur le palier à lui expliquer dans quel délire était entré Arnaud quand elles entendirent un hurlement à leur glacer le sang. Elles se ruaient dans l’appartement à la recherche de l’origine de la plainte. Au seuil de la salle de bains, elles virent Arnaud qui s’observait dans le miroir, la mine décomposée. Il tentait de s’arracher les cheveux et se griffait le visage en poussant des cris.
— What did you make with my face? What happens to me? You are monsters! Why to torture me so?
Julie ne comprenait pas ce qui se passait. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais Sophie l’en dissuada d’un geste et avança dans la pièce. Des larmes coulaient à présent sur les joues d’Arnaud. La jeune femme se demandait si son compagnon n’avait pas perdu la tête pour de bon. Elle ne décelait aucune trace de comédie ou de blague douteuse dans les expressions de son visage.
Arnaud ?
Il devenait fou. Ce ne pouvait être que la seule explication. Quand il avait vu ce visage inconnu dans le miroir son cœur avait failli s’arrêter tant il s’était emballé. La femme était revenue avec une adolescente qui s’avançait vers lui. Lorsqu’elle prit la parole, il fut saisi de soulagement de constater qu’elle maitrisait la même langue que lui, malgré un accent français à tirer au couteau. Sa voix était douce et suave.
— Arnaud ? Que t’arrive-t-il ? Julie m’a dit que tu refusais de parler français, et j’ignorais que tu maitrisais si bien l’anglais.
— Qui est Arnaud ? Pourquoi m’appelle-t-elle comme ça depuis tout à l’heure et pourquoi me retient-elle ici après m’avoir fait ça ?
Il avait appuyé son dernier mot en lui désignant son masque facial à travers le miroir. L’adolescente avait l’air soudainement sceptique et vaguement inquiète. Elle toussota et reprit doucement.
— C’est toi Arnaud. Tu me reconnais ? Je suis Sophie, la voisine de palier. Et que t’a fait Julie au juste ?
— Arrêtez de vous moquer de moi ! Je ne connais aucun Arnaud, aucune Julie, et vous encore moins !
— Mais qui es-tu, alors, dans ce cas ?, répondit-elle, un rien mutine.
— Comme si tu vous ne le saviez pas… Comme si vous ne m’aviez jamais vu à la télévision ou ailleurs…
— Arnaud à la télé ? Vous vous foutez de moi, n’est-ce pas ?...
— Non, pas Arnaud, mon Dieu ! Je suis Michael Jackson…
— Hein ?...
Julie
Elle n’en pouvait plus. Cela faisait quelques minutes qu’ils discutaient, sans qu’elle comprenne un traitre mot. A voir l’expression éberluée de Sophie, elle se décida à intervenir. Elle lui agrippa le bras, plus fort qu’elle ne l’aurait voulu, et l’obligea avec difficulté à la regarder. L’adolescente semblait hypnotisée par Arnaud, comme s’il s’agissait d’un dieu.
— Alors ? Que dit-t-il ?
— Qu’il est Michael Jackson…
— QUOI ?! Mais c’est quoi son délire ?
— Je ne sais pas, mais il a l’air convaincu…
Après l’incrédulité, Julie se sentait gagnée par la colère. Elle considérait depuis quelques secondes l’air hagard d’Arnaud, avant de le prendre fermement par la main et de le tirer sans ménagement dans l’appartement, Sophie sur leurs talons. Le passage de la jeune femme dans les pièces avait l’effet d’une tornade. Elle attrapait ici et là les objets de leur quotidien pour les brandir sous le nez de l’homme qu’elle aimait avant de les reposer pêle-mêle en un tas désordonné. Son ton avait pris la couleur de l’hystérie.
— AH OUAIS ! Tu ne me reconnais pas ! Et la photo de notre rencontre, tu t’en rappelle ? Et notre premier anniversaire où tu m’avais juré un amour eternel tu t’en souviens ? Et sur cette photo, là, nos vacances en amoureux à Malaga ! Me dis pas que ça t’est sorti du crâne. J’en ai marre que tu joues au con, tu m’entends... MARRE !!!
A son grand désespoir, Arnaud restait plongé dans un mutisme idiot. Il se laissait entrainer par le tourbillon de fureur sans avoir l’air de comprendre ce qui lui arrivait. A un moment, il se tourna vers Sophie pour l’interroger.
— What does she say?
En l’entendant, Julie partit dans une crise de larmes en se réfugiant dans la cuisine, laissant Arnaud et Sophie seuls dans le séjour. Alors qu’elle claquait la porte, elle surprit quelques bribes de conversations en anglais. L’adolescente tentait probablement de le raisonner. Elle se planta devant la fenêtre qui donnait sur les toits pentus du centre-ville et regardait la vue pensivement. Elle ne retenait même pas les ruisseaux salés qui parcouraient ses joues.
Arnaud / Michael
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— C’est plutôt à toi qu’il faut demander ça. Qu’est-ce qui te prend ce matin ? Tu te crois la réincarnation de Michael Jackson, tu ne réagis pas quand elle te montre vos souvenirs communs. Tu t’attends à quoi ? Tu veux pas parler français, la plaisanterie a assez duré, tu ne crois pas ? J’ai failli marcher, mais là je ne rigole plus.
Il était pensif. Les photos qu’elle lui avait montré, les divers objets qui meublent la vie d’un couple, la sincérité dont elle semblait faire preuve et qui l’avait convaincu… Tout ceci serait un plan bien compliqué à mettre en œuvre s’il s’agissait d’un enlèvement. Il aurait été si simple de le retenir enfermé quelque part, au secret sans imaginer une telle mascarade dans un but qui lui aurait échappé. Mais comment s’était-il retrouvé dans la peau de cet inconnu alors ? Le plus il cherchait une explication, le plus il s’y perdait. Et son mal de tête avait empiré entre temps. Il faudrait qu’il prenne rapidement un antalgique ou un autre truc pour la faire passer. Mais le plus urgent était de les convaincre rapidement qu’il n’inventait rien. Il eut soudain un éclair de génie. De ce qu’il avait pu en constater, sa voix n’avait pas subi de transformation majeure, et il était persuadé de pouvoir maitriser ce corps en partie avachi comme s’il s’agissait du sien propre. Il prit Sophie par les épaules et planta son regard dans le sien.
— Attends. Tu vas voir que je ne plaisante pas. Ecoute.
En proie au trac le plus intense depuis le début de sa carrière, il ferma les yeux et inspirait lentement. Il jouait tout à fait autre chose que la satisfaction des fans après tout. Il s’agissait de sa crédibilité à présent. Quand il ouvrit les paupières, il était prêt, et il s’élança.
Julie
Elle se demandait si tout allait s’arranger. Elle n’aurait jamais imaginé que la soudaine disparition du chanteur aurait affecté le mental d’Arnaud. Il l’adorait tout autant qu’elle, bien sûr, mais de là à devenir cinglé. Elle se promettait déjà de contacter le Docteur Valentin le soir même s’il n’y avait pas d’amélioration dans la journée quand elle entendit chanter dans le couloir. Elle s’approcha de la porte en silence et l’entrouvrit avec lenteur. Le spectacle la laissa bouche bée. Arnaud se déhanchait avec grâce en entonnant parfaitement l’un des titres phares de Michael. Sophie était elle aussi sous le charme. Elle scrutait le jeune homme sans ciller, sans oser bouger pour ne pas risquer de rompre l’enchantement. Pourtant sans mélodie pour accompagner, Julie aurait pourtant juré qu’un plaisantin avait mis en route l’un de ses CD et qu’Arnaud faisait du play-back. Sa voix était cristalline. Elle se laissait bercer tandis que sa peau avait la chair de poule. Elle se plongea dans le cœur de la chanson.
“…We could really get there
If you cared enough
For the living
Make a little space
To make a better place...
Heal the world
Make it a better place
For you and for me
And the entire human race
There are people dying
If you care enough
For the living
Make a better place
For you and for me…”
Lorsqu’il eût fini, il enchaina avec un Moonwalk qui acheva de la convaincre. Jamais elle n’avait vu Arnaud faire ce genre de choses, ni chanter comme cela. Elle n’aurait même jamais soupçonné que son corps était capable de tels prodiges. Malgré elle, elle se mit à applaudir sans retenue, une larme à l’œil. Sophie était fascinée, muette d’admiration. Bien que cette histoire était bizarre, Julie ne doutait plus d’avoir la réincarnation en quelque sorte de Michael Jackson en face d’elle. Elle ne comprenait pas pourquoi ça lui tombait dessus, à elle. Elle réprima à cette pensée un geste d’effroi. Qu’adviendrait-il d’Arnaud alors ? Allait-elle le retrouver un jour ? Pour le moment, il y avait plus urgent. Visiblement, la star ignorait ce qui s’était passé, elle s’approcha de lui, coupant court à sa satisfaction d’avoir ébahi son public, une nouvelle fois.
— Sophie, dis-lui de venir avec moi, ordonna-t-elle d’un ton impérieux.
Sans attendre la traduction, elle tourna les talons, pour entrer dans le séjour. Lorsqu’ils arrivèrent, elle les invita d’un geste à s’asseoir dans le canapé, pendant qu’elle allumait la télé. Après quelques changements de chaine, elle en trouva une d’information continue en anglais. Peu de chances qu’ils n’abordent pas le sujet, en boucle sur toutes les rédactions du monde entier. Et effectivement, après quelques secondes, le journaliste à l’air sévère reprit sa respiration et revint sur la cérémonie de la veille.
Michael
Il était à la fois horrifié et captivé par ce qu’il voyait sur l’écran. Le cercueil doré à l’or fin, les discours émouvant, le récit des dernières heures de sa vie. Il n’était pas sûr de comprendre, ni d’accepter la réalité, mais il devait se rendre à l’évidence. Il était mort dans sa villa californienne après un abus de médicaments. Il se souvenait vaguement de la visite du Docteur Murray, de la perfusion qu’il lui avait administrée avant qu’il ne s’endorme tranquillement. S’il en croyait les infos, il s’était éteint doucement, après une surdose d’antalgiques. Le médecin, disait le reportage, était à deux doigts d’être enfermé dans un pénitencier. Il en ressentit une vague de culpabilité intense. Après tout, Conrad ne faisait que ce qu’il lui ordonnait. L’un comme l’autre savait que s’il refusait, trois cent autres se presseraient à la porte de chez lui pour le remplacer. Michael se rendait compte douloureusement que son argent pouvait vraiment tout acheter, même sa mort involontaire. Plus pour lui-même que les deux jeunes femmes, il parla d’une voix hachée par le remords et la tristesse.
— C’est horrible. Je suis un monstre. Le docteur n’est pour rien dans cette histoire. Il n’a fait qu’obéir à mes caprices. Je croyais préserver mon corps, mais je me suis tué à petit feu. Je suis un monstre.
Il se prit la tête dans les mains, abattu d’angoisse pour le sort de cet homme. Il sursauta quand la voix douce de Sophie lui parvint aux oreilles. Elle avait posé une main compatissante sur son épaule pour se rapprocher de lui.
— Vous n’y êtes pour rien, dans le fond. Avec la vie que vous avez eue, qui a le droit de vous juger pour vos excentricités ? Je n’aurai pas fait mieux, si j’étais harcelée en permanence par les journalistes, qu’on m’avait accusé des pires saloperies, sali au tribunal. Le pire, c’est que Jordan a attendu votre mort pour reconnaitre qu’il avait menti sur ces histoires d’attouchement. Son père l’avait poussé à dire ça pour se faire du blé. C’est dégueulasse.
— On ne peut pas refaire le passé, Sophie. Le tribunal a fini par me relaxer. Ca m’a fait très mal, mais j’ai survécu… Enfin, façon de parler…
Malgré eux, un pauvre sourire se dessina sur leurs lèvres.
Les trois
Sophie avait pris le pli, traduisant de plus en plus vite, et de manière automatique les propos de Julie et de Michael. Elle se sentait un peu dans la peau du témoin, actif tout de même, d’un événement extraordinaire. Les conversations s’enchainaient entre eux, autour du poste de télévision.
— Il y a une chose que je ne comprends pas dans tout ça, dit Julie. Comment se fait-il que vous soyez revenu ? Vous avez le sentiment de ne pas avoir tout dit, de ne pas avoir tout fait ? On ignore encore de quoi est capable l’âme humaine, mais il faut bien une raison pour que votre volonté soit plus forte que ce départ.
— Je ne sais pas, répondit Michael. Il y a bien cette tournée à Londres à laquelle je tenais, pour mes fans. Mais ça ne m’aurait pas fait revenir. Musicalement, j’ai accompli beaucoup de mes rêves. Crois-tu que ce soit les fans qui m’auraient retenu, avec la masse de leurs volontés et de leurs prières ?
— J’en sais rien. Tout ceci est tellement tiré par les cheveux que j’ai encore du mal à y croire.
— Je crois que je sais, les interrompit Sophie. Regardez la télé.
A l’image, repassait l’intervention si poignante de la petite Paris. Tous trois retinrent leur souffle, les poitrines comprimées. La douleur si réelle de l’enfant était communicative, presque portée par tous ceux qui voyaient ces images. Les deux femmes n’osaient pas le regarder, presque gênées de violer ce moment intime, et de voir la peine et la souffrance sur ses traits. Un ange passait lentement, aucun n’osant reprendre la parole. Paris avait désormais quitté l’image, emportée sous les bras protecteurs de ses oncles. Le journaliste enchaina sur la mort de Farrah Fawcett, passée presque inaperçue. L’actrice de la série « Drôles de dames » était morte quasi en même temps que Michael Jackson. Les filles sursautèrent quand ce dernier brisa le silence.
— J’adorais cette série, annonça-t-il d’une voix morne. Elle méritait un peu d’égards que ça.
Il se sentait amer, subitement. Entre ce peu de cas pour l’actrice, le show en son honneur, les violentes critiques à son encontre et sa famille, il sentait poindre une vague d’amertume. Finalement, une des seules à avoir pris la mesure de son statut d’être humain avec autant de sincérité avait été sa fille. Il se tourna vers Julie, lui parlant directement, les traductions de Julie en fond lointain. Elle lui répondait de la même façon.
— Vous avez raison. Je dois voir Paris une dernière fois, pour lui délivrer un message et la protéger. Elle doit aussi prendre soin de son frère, et éviter de se faire manipuler comme je l’ai été par mon père.
— Je suis d’accord, mais comment comptez-vous faire ? Los Angeles, c’est pas la porte à côté, et j’ai pas l’argent nécessaire pour voyager jusque là-bas.
— L’argent n’est pas un problème. Ceux qui croient que je n’ai pas pris mes précautions sont loin du compte. Pour mes déplacements, je laissais toujours des sommes conséquentes sur des comptes numérotés et de telle manière que je n’étais pas obligé de faire les retraits moi-même. Ils n’étaient même pas ouverts sous mon nom. Ca devrait pas poser de problèmes. Par contre, j’ai besoin… Non, j’ai envie, se reprit-il, que vous m’accompagniez. Toutes les deux…
Circonspectes, elles se regardaient sans réagir. Elles vivaient une aventure dont elles ne pourraient jamais parler sans passer pour des folles, et malgré cela, elles hésitaient à aller au bout.
— Votre présence m’apaise, en définitive, poursuivait-il. Et je sens dans vos visages une bonté d’âme que j’ai rarement rencontrée. Et puis, il faudra bien que je quitte l’enveloppe d’Arnaud pour vous le rendre. Et il vaudrait mieux que vous soyez là à ce moment pour lui expliquer. C’est ok ? Vous me suivez ?
Finalement, Julie se rangea au dernier argument. Si Arnaud revenait à lui subitement, comment allait-il comprendre ce qui lui était arrivé si elle n’était pas là pour lui expliquer ? Quelque part, elle savait qu’elle n’avait pas le choix. Sans un mot, elle se leva du canapé pour aller dans la chambre. Michael s’inquiéta.
— Où allez-vous ?
— Eh bien, préparer une valise. Parait qu’il fait chaud, là-bas. Et je sais où sont rangés les affaires d’Arnaud. Restez ici en m’attendant. Sophie… File chez ta mère et préviens-là que je t’emmène en vacances. Le coup de bol, c’est qu’on a tous les trois des passeports valides, c’est toujours ça de gagné !
Un sourire vint barrer le visage de Michael. Il se sentait transporté de joie à l’idée que ces deux jeunes femmes lui donneraient leur aide pour son projet tout neuf. Transporté dans un élan, il prit Sophie dans ses bras, la couvrant de baisers sur le front.
— Merci, merci, merci. Vous n’imaginez pas ce que ça représente pour moi.
— Oui, d’autant que ma mère ne risque pas d’être emballée par l’idée. Mais bon, je saurai la convaincre, elle me cède presque tous mes caprices. Et puis, j’ai toujours rêvé de voir les Etats-Unis, c’est l’occasion.
— Tu vas voir, ça va être magique.
— C’est déjà le cas, avec tout ce bazar. Je vois pas ce qu’il y aura de plus… Allez, je file voir ma mère et faire une valise.
Quelques heures plus tard
Le terminal de l’aéroport Charles de Gaulle était bondé. Ils étaient passés par la banque où Michael avait effectué un gros retrait d’argent avant de demander au taxi de prendre la direction de Roissy. Ils s’étaient offerts le luxe d’une promenade sur les Champs-Elysées. Michael était enthousiasmé par cette balade en anonyme, chose qu’il n’avait presque jamais connu de sa vie. Et là, seul, entouré d’une foule indifférente, sans gardes du corps, il avait profité d’un moment dont il rêvait depuis des lustres. Il avait eu du mal à s’exposer à l’air libre à découvert, mais les filles l’avaient persuadé que cela aurait été une mauvaise idée. Il avait remercié avec effusions ses deux bienfaiteurs pour ce cadeau inespéré. Il leur avait confié que si des millions de gens enviaient la vie des personnalités, il préférait de loin celle des inconnus, même avec leurs difficultés. Emues, les filles lui avaient payé un soda sur la terrasse d’un bistrot pour prolonger l’instant. Les yeux de Michael avaient pétillé d’un bonheur infantile, pendant qu’il sirotait son verre avec avidité.
Il aurait bien profité plus longtemps du plaisir de se promener seul, mais l’heure du départ approchait. L’enregistrement des bagages s’était bien déroulé, et ils patientaient tranquillement dans la salle d’attente avant l’embarquement. Sophie en profita pour aborder l’aspect pratique de leur plan. Ils étaient partis sans trop réfléchir à la manière de parvenir à approcher la petite.
— Michael, je ne cesse de me demander comment nous ferons pour approcher Paris. Elle doit être entourée d’un service de sécurité sans réelle mesure avec ce que j’ai connu. On n’arrivera pas à lui parler si facilement. Et n’oubliez pas que vous êtes censé être mort et enterré, et que vous avez les traits d’Arnaud.
— J’y pense aussi. Je compte improviser sur place. Après tout, je connais ces systèmes de sécurité, les accès et les procédures par cœur. Ca va être difficile, mais il faut qu’on y arrive.
— Après tout, on verra bien, trancha Julie. Il faut tenter le coup, et on avisera sur place.
Ses deux compagnons se rangèrent à son avis d’un mouvement de tête. Après quelques minutes de plus, une voix féminine annonça l’heure de monter à bord de l’avion, à travers les haut-parleurs disséminés dans toute l’aérogare. Comme un seul homme, ils se levèrent et embarquèrent leurs bagages. Au moment de rejoindre la passerelle, après avoir remis leur carte d’embarquement à l’hôtesse, chacun était perdu dans ses pensées. Sophie était excitée par l’aventure et le voyage. Julie était à mi-chemin entre inquiétude au sujet d’Arnaud, qu’elle désirait plus que tout retrouver, et bonheur de pouvoir enfin approcher son idole, même si elle ne l’aurait jamais imaginé comme ça. Michael, lui, ne pensait qu’à ses enfants, et à l’image si bouleversante de Paris sur la scène du Staples Center. Il avait une chance inouïe de pouvoir la serrer dans ses bras à nouveau, et il voulait la saisir au vol, même si ce serait compliqué sur place.
Los Angeles
Dans le taxi qui les emmenait vers leur destination, les trois voyageurs étaient épuisés par l’émotion suscitée par leur arrivée sur le territoire de la star et les heures nécessaires pour que l’avion atterrisse enfin. Dès le premier pied posé sur le sol américain, Michael était métamorphosé. Julie avait saisi l’étincelle dans les prunelles de ses yeux. Elle y voyait le bonheur de celui qui pose ses valises chez lui après un séjour prolongé, le soulagement d’être à bon port, sain et sauf. Enfin, presque, puisque dans leur cas, ça s’appliquait à l’esprit d’un homme décédé peu de temps auparavant. Elle devinait aussi qu’il n’y avait pas que ça, qu’il était impatient d’approcher de son manoir et de voir ses enfants.
Du coin de l’œil, elle l’observait s’agiter petit à petit, au fur et à mesure de leur approche. Sophie dormait entre eux deux, indifférente à son trouble. Michael posait un regard avide sur le paysage, reconnaissant telle ou telle route, telle ou telle maison. Julie vit les larmes qui se mirent à couler en ruisseaux silencieux sur les joues du chanteur. Peut-être craignait-il comme elle ce qu’elle redoutait par-dessus tout. Dans leur précipitation, ils avaient oublié un point essentiel, ne cessait-elle de se répéter. Même s’ils parvenaient à approcher Paris, rien ne disait qu’elle accepterait de les écouter. Après tout, son père s’était accaparé l’enveloppe corporelle d’un autre. Julie elle-même avait du mal à ne pas voir Arnaud à travers la voix de Michael. Qui sait comment réagirait la petite ?
Elle n’eut pas le temps de pousser plus loin la réflexion. Les grilles du manoir où Michael avait vécu ses dernières heures apparaissaient déjà. D’une bourrade, elle réveilla Sophie qui grommela un peu avant de se rendre compte de l’endroit où ils se trouvaient. A mesure qu’ils approchaient, les camions-relais des chaînes de télévision étaient plus nombreux. Un cordon de police bloquait l’accès aux curieux, et on distinguait au loin des journalistes qui brandissaient un micro pour un monologue avec une caméra. La rue était en pleine effervescence, et il y avait fort à parier que cette dernière qui entourait le décès de la star ne retomberait pas avant plusieurs semaines. Sur le trajet, Julie avait expliqué à Michael que les mouvements de foule, les hommages spontanés dans la rue, l’émotion des fans avaient largement surclassés ceux constatés lors de la mort d’Elvis. Sophie arrêta le taxi derrière un fourgon de CNN pendant que Michael sortit de sa poche quelques billets qu’il abandonna au chauffeur.
A l’extérieur, ils étaient dépassés par le brouhaha des gens massés derrière des barrières anti-émeutes, le va-et-vient des journalistes, des maquilleuses, des techniciens. Des kilomètres de câble couraient dans les caniveaux jusqu’aux grilles du manoir. Comme ils s’y attendaient, l’agent de police posté derrière une barrière en bois peint, et chargé de filtrer les passages, ne les laissa pas passer. Ils avaient beau supplier, crier que l’affaire était urgente et importante, rien n’y fit. Ils abandonnèrent quand ils virent la main du flic s’approcher doucement mais sûrement de son arme. Michael abandonna, au bord des larmes. Il s’adressa aux filles d’une voix où perçait l’amertume.
— Ce n’est pas la peine, venez… Ce n’est pas si grave.
— Mais ?… protesta Julie. On doit le convaincre de nous laisser passer. Nous ne sommes pas d’Al-Qaida que je sache.
En entendant ces mots honnis, l’Agent approcha un peu plus perceptiblement sa main de l’holster. Michael ne répondit pas à Julie. Sophie s’était approchée elle aussi, attendant la suite. Le chanteur réfléchissait, une main sur le menton, le regard dans le vide. Puis soudain, il se redressa sans mot dire, puis retourna voir le flic, les mains levées et bien en évidence. Il lui glissa quelques mots qu’elles ne comprirent pas, puis revint les rejoindre.
— Alors ? demanda Sophie.
— Alors, on attend, répondit-il.
— On attend quoi, bon sang ? renchérit Julie. Que lui avez-vous dit ?
Un sourire malicieux éclaira le visage de Michael. Il prit un ton de conspirateur.
— Je lui ai dit d’aller voir un des garde-corps en place à l’intérieur, et de lui glisser un message particulier…
— Qui est ?…
Il n’eut pas le temps de répondre. Le flic était accompagné par un homme noir de trente-cinq ans environ et bâti comme un charpentier. Il arborait la tenue classique des gardes du corps américains : lunettes de soleil sur un crâne rasé, tee-shirt blanc et moulant, pantalon noir. S’il n’avait pas l’air si excédé qu’on vienne le déranger pour un trio d’inconnus, Sophie aurait laissé s’échapper un éclat de rire. Il avait tout du cow-boy de série télé qui se la donne. Mais elle n’eut même pas envie de sourire tant elle croyait qu’ils allaient se faire embarquer jusqu’au prochain commissariat pour un séjour dans un cellule.
L’homme s’adressa directement à eux, les invitant à s’approcher de la barrière d’un signe de l’index. Il avait une voix grave et tonitruante. Il s’adressait à Michael. Bien que Sophie ne pouvait pas cette fois-ci traduire ses propos, Julie devina que tout allait se jouer d’ici quelques secondes. Sophie, elle, n’en perdait pas une miette.
— Qui êtes-vous ? Je vous préviens que si vous me dérangez pour rien, dans des moments pareils, vous allez le regretter.
— Nous voulons entrer vous parler quelques minutes, répondit Michael.
— D’abord, vous allez me dire comment vous connaissez mon nom et la phrase que vous avez chargée à ce policier de me faire répéter.
— Si tu veux, Mike. Ce n’est pas dur, puisque c’est moi qui avais trouvé ça.
— Quoi ? C’est quoi ce délire ? Ecoute-moi, petit rigolo, je ne sais pas comment tu as appris ça, mais crois-moi que tu vas dégager vite fait avant que je ne me mette en colère. Je vous prenais tous les trois pour des journalistes en mal de confidences, mais pas pour les cinglés que vous êtes.
Michael éclata de rire, faisant ainsi se froncer les sourcils de Mike. Il avait le sentiment de reconnaître ce rire si particulier.
— A ce que je vois, tu es toujours aussi bourru. Qui d’autre que moi pouvait savoir que tu suces ton pouce en dormant ? Le jour où je t’ai surpris après ce concert à New York, j’ai bien cru que j’allais mourir tellement le fou rire ne voulait pas me lâcher. Tu te souviens ce que tu m’as dit ce jour là ? Nous étions tous les deux dans ma loge, pratiquement prêts à partir à l’hôtel quand tu t’es approché et que tu regardais tes chaussures. Tu m’as dit : « Excusez-moi Patron, personne ne connaît cette vieille habitude et vous seriez génial… »
— « … de m’éviter de mourir de honte si ça se savait ».
— Ce à quoi j’ai répondu : « Ne t’inquiète pas pour ça. Tu es le meilleur qui ait travaillé pour moi et nous avons chacun nos travers. Et je suis le moins bien placé pour te juger, moi qui vit encore dans l’enfance ». Et j’ai toujours gardé ça secret.
Sophie essayait d’imaginer ce gros balèze en train de sucer son pouce au lit et comprit toute sa gêne lorsque Michael l’avait surpris. Elle ne put retenir un sourire amusé sur ses lèvres. Julie ne comprenait rien du tout, elle lui expliquerait plus tard. Mike marqua un temps d’arrêt, semblant prendre enfin conscience de ce qui se passait. Il écarquilla les yeux après une seconde de réflexion.
— Patron ?… Ce n’est pas possible… Cette voix, ce rire… Mon Dieu, comment est-ce possible ?
Quand il s’aperçut du regard appuyé du flic sur eux, il baissa la voix. Il ne pensait plus à ce que l’Agent dirait de ses manies pour dormir quand il rentrerait chez lui mais déjà à ce qu’il ferait s’il venait à surprendre un mot de trop. Avec cérémonie, il invita le trio à contourner la barrière et le rejoindre.
— Laissez, je m’occupe d’eux, dit-il à l’attention du planton. Vous trois, suivez-moi, nous allons tirer ça au clair.
Julie eut un frisson en passant la grille. Elle entrait dans le Saint des Saints, qu’elle n’aurait même osé imaginer dans ses fantasmes les plus fous. Sur leur parcours, Mike adressait un ou deux signes rassurants de la main à chaque vigile qu’ils croisaient pour leur indiquer qu’il contrôlait la situation. Les filles lisaient la tristesse sur les visages. Personnel de maison, assistants, gardiens, tous semblaient porter le masque de la douleur comme un fardeau. Elles reprirent contact avec la réalité brutalement. Officiellement, l’homme qu’elles escortaient était mort et enterré Dieu sait où. Enfin, au moins l’âme de Michael était-elle officiellement éteinte, parce que le corps d’Arnaud lui était bien vivant. Mike gardait un faciès impénétrable. Il les précéda dans un bureau meublé chichement, au rez-de-chaussée d’une dépendance. Il tira deux chaises pliantes qu’il installa auprès d’une autre en face d’une table en formica, puis s’assit sur un fauteuil en cuir qui leur faisait face.
— Bon, je ne comprends rien, et je ne suis pas encore complètement convaincu que vous ne me jouez pas un tour à la con. On est au calme ici, expliquez-moi tout.
— Il n’y a pas grand chose que je peux te dire, Mike. Je me suis endormi quelques minutes après que le Docteur Murray m’ait fait la perfusion, et je me suis réveillé en France, dans le corps d’Arnaud, le petit ami de Julie, que voici.
Il accompagnait la présentation d’un geste de la main dans sa direction. Sophie traduisait toujours en bruit de fond les échanges.
— Et cette jeune fille est sa voisine, qui lui traduit tout ce que je dis. J’ai cru devenir fou au réveil. J’ai ensuite appris tout le reste à la télé. L’arrêt cardiaque, les hommages, et puis me voilà. Ecoute, Mike. Je sais que c’est fou, que tu te demandes si tu n’es pas en train de faire un cauchemar, mais c’est bien moi… Enfin, c’est bien mon esprit qui te parle, se reprit-il. Je ne sais plus trop, c’est un peu perturbant pour moi aussi.
Mike l’observait de manière dubitative, une main caressant machinalement le menton. Il avait l’air de se demander s’il n’était pas encore dans son lit à rêver toute cette histoire. Il soupira et prit le parti de croire l’incroyable. Aussi bizarre que ça puisse paraître, il était convaincu que l’homme disait vrai, même s’il ignorait ses motivations. Convaincre un familier, presque un intime après toutes ces années, était possible, mais pour les millions de fans, il en irait tout autrement. Il s’en ouvrit à Michael qui repoussa l’idée d’un geste vif.
— Non, je ne suis pas revenu pour un come-back. J’ai déjà assez souffert de cette omniprésence des médias dans ma vie pour recommencer une fois mort. Et puis, ce corps ne m’appartient pas. Et Julie, que tu vois ici doit être impatiente de retrouver son fiancé, même si j’ignore pour le moment comment le faire revenir.
Julie se mit à frémir à ces mots. Elle prenait lentement conscience qu’il existait une chance pour qu’Arnaud ne revienne jamais.
— Mike, il faut que je te dise, continua Michael. Je suis fatigué de vivre. Je ne sais pas ce qui m’attend de l’autre côté, mais Dieu a besoin de moi auprès des siens. J’ai eu une vie bien remplie, j’aurais probablement changé plusieurs choses, mais cette expérience m’a appris à ne plus avoir peur de la mort. J’ai fait mon temps sur cette terre, crois-moi.
— Mais patron… Votre départ a attristé tellement de monde ici que je crois que nous avons une chance inespérée de vous voir vivre à nouveau, même si c’est dans l’enveloppe d’un autre.
— Non, Mike, répondit-il avec douceur, de cette voix si particulière qui enchantait les foules. Je crois que je sais pourquoi je suis ici, que mon âme s’est accrochée à Arnaud. J’ai compris que j‘ai un dernier message à délivrer à quelqu’un.
— A qui ?
— A Paris. J’ai vu son intervention à la télévision. Je crois que c’est pour ça que je suis là.
Il s’enfonça dans son siège, et renversa la tête vers le plafond. Tout le monde était attentif à ce qu’il disait.
— Vois-tu, je pense à tout ça depuis le début. Et je ne vois pas d’autres hypothèses. Paris a manifesté tellement de douleur sincère que les spectateurs de sa tristesse sont entrés en communion avec elle… Et que cela a produit une énergie considérable et suffisante pour retenir mon esprit et lui permettre de se matérialiser à nouveau. Je suis persuadé que si je lui parle une dernière fois, je pourrai enfin prendre mon repos éternel. Où est-elle ? Il me faut la voir.
— Elle n’est pas là. Tous les enfants sont chez votre mère, où on les cache aux journalistes. Elle est inconsolable depuis que…
Il étouffa un sanglot, ce qui bouleversa les deux jeunes filles. Il reprit, les yeux humides de larmes. Ca leur faisait drôle de voir cette force de la nature pleurer. Elles avaient découvert l’attachement profond de cet homme pour Michael. Elles ne doutaient pas une seconde que les deux hommes étaient très proches, ce que la star n’avait pas démenti par son attitude.
— Bref. Elle refuse de voir qui que ce soit, et ne mange presque plus. On commence à avoir peur pour sa santé.
— Pauvre enfant, marmonna Sophie.
— Mike, fais-la venir de suite. Je dois lui parler.
— Ce n’est pas si simple. Votre mère voudra savoir pourquoi et il faudra bien que je lui parle de ce miracle.
— Hors de question ! Si ça se sait, personne ne me laissera repartir, tempêta-t-il. Débrouille-toi, mais fais-la venir.
— Ok. Laissez-moi passer quelques coups de fils, et ce sera bon.
Quelques minutes plus tard, le garde du corps refit son apparition dans le bureau, un voile de sueur sur le front. Sans mot dire, tous comprirent que l’échange avait dû être âpre et qu’il avait bataillé pour parvenir à ses fins. Néanmoins, leur apprit-il, une voiture discrète amenait en ce moment Paris auprès d’eux. Pour échapper à la vigilance des journalistes, le véhicule était semblable à celui de l’entreprise des jardiniers. A la dernière minute, la grille serait ouverte pour leur laisser le passage, avant de se refermer rapidement sur ses occupants.
L’attente paraissait interminable à Michael. Il se rongeait les ongles nerveusement, et ne cessait de regarder l’heure sur une horloge fixée au mur. Quand Mike les informa de l’arrivée de Paris, les deux femmes se levèrent sans un mot, conscient de devoir laisser une certaine intimité à Michael. Elle croisèrent l’enfant sur l’allée pavée qui menait à la pièce. Julie la trouva telle qu’à l’écran. Elle risqua un sourire timide de compassion qui ne désarma pas le regard vaguement inquiet et interrogatif de Paris. Mike la prit à part avant de la laisser entrer, murmurant quelques mots à son oreille.
Elle sursauta au bout de quelques instants, et ses yeux laissèrent s’écouler un ruisseau de larmes. Elle eut un geste de déni que le garde du corps interrompit en la prenant dans ses bras, la berçant tendrement. Il continuait de lui parler alors que lui-même s’était mis à pleurer.
— Ca me déchire le cœur, commenta Sophie.
— Mmm ?…
— Franchement, Julie. Elle me fait de la peine. Si jeune, et déjà plongée dans le tourbillon infernal de la vie, avec ce qu’elle réserve de plus cruel. Et d’ici peu, elle sera avec les autres enfants l’objet de batailles juridiques autour de leur garde et de leur héritage. Tu crois que Michael a prévu ce qu’il fallait pour les protéger ?
— Je l’espère, Sophie… Je l’espère…
Paris était entrée depuis quelques minutes désormais. Elles s’étaient installées au bord d’un grand bac à fleurs en béton, sur lequel elles exposaient leur visage au soleil californien. Sophie rompit encore le silence.
— Tu crois qu’ils se disent quoi ?
— Je ne sais pas. Et je ne veux pas le savoir, ça n’appartient qu’à eux, pas à l’Histoire.
— Mouais. Tu n’as pas tort dans le fond.
Après quelques minutes, Paris passa la tête par la porte et criait à l’aide. Mike accourut et s’engouffra dans la pièce avant d’appeler les deux jeunes filles. Elles couraient, l’angoisse au ventre. « Qu’a-il pu bien se passer ?» se demandaient-elles. A l’intérieur, Michael était penché sur la table, inerte. Mike interrogeait Paris qui parlait à toute vitesse. Sophie eut même du mal à traduire.
— Apparemment, il avait fini de parler, ou presque. Il lui expliquait qu’il allait devoir la quitter pour de bon, et qu’elle devait rester fière de lui, comme lui-même était fier de ses enfants. Puis, son regard s’est échappé, avant qu’il ne s’écroule comme on le voit maintenant.
Julie lui prit le pouls, qui faiblissait rapidement. Mike avait déjà sauté sur son téléphone portable pendant que Sophie s’occupait de la petite. Les secours arrivèrent quelques minutes plus tard. Très vite, les sauveteurs avaient arraché la chemise de Michael, avaient appliqué des électrodes et l’avaient installé sur une civière. Hébétée, Julie avait insisté pour l’accompagner, pendant que Mike et Sophie suivait l’ambulance en voiture. A peine la jeune femme avait-elle eu le temps de les voir confier Paris à une hispanique en tenue de femme de maison.
Pendant le trajet, elle regrettait de ne pas avoir pris la précaution de faire monter sa jeune voisine avec elle. Elle ne saisissait pas un traître mot de ce qui se disait, et à voir les mines sombres des ambulanciers, elle imaginait déjà le pire. L’arrivée à l’hôpital était brutale. Elle n’eut pas le droit d’aller jusque dans la salle de réanimation, et elle laissa Michael sur son brancard disparaître de sa vue à travers un hublot. Elle ne savait pas ce qui se passait, mais cela lui inspirait de mauvais présages. Et si elle perdait Arnaud pour de bon, pensait-elle. Toute à son désespoir, elle ne réagit pas aux mains de Mike et Sophie tout juste posées sur son épaule. Un médecin vint les voir, l’air sombre.
— Vous êtes de la famille ?
Tous trois acquiescèrent.
— Bon, très bien. Je suis le Docteur Monroe. On ne sait pas encore ce qu’il a. Vous ne pouvez rien faire d’autre qu’attendre. Vous avez une salle dans le couloir, allez-y. On viendra vous tenir au courant.
De fait, moins d’une heure plus tard, le même médecin revint les voir, l’air plus sinistre que jamais. Tous trois se levèrent à son approche. Il toussota et prit la parole.
— Je veux que vous sachiez que l’équipe a fait tout ce qu’elle a pu. Le patient est arrivé ici en état de choc cardiaque. Nous avons tenté de le réanimer pendant plusieurs minutes, mais son cœur a lâché. Je suis désolé…
Julie s’effondra sur le linoléum verdâtre du couloir. Ce qu’elle craignait venait de se produire. Elle ne retrouverait jamais Arnaud. Elle hurlait de douleur, en se prenant la tête dans les mains. Elle maudissait la fatalité, cet hôpital, la ville, les Etats-Unis et le monde entier. Elle maudissait même Michael Jackson qui lui avait pris l’amour de sa vie. La voix du médecin, traduite par Sophie, lui parvenait comme venue de très loin, d’un monde qu’elle avait connu et qui ne serait plus le même désormais.
— Mademoiselle, vous pouvez aller le voir une dernière fois, si vous le souhaitez. Les infirmières sont en train de le préparer, mais je vais leur demander de vous laisser avec lui. Vous le voulez bien ?
Ses yeux rougis et noyés de larmes se posèrent sur ceux du Docteur. Elle hocha la tête pour accepter et se releva, aidée de Mike et Sophie. La salle, froide et nue en dehors du matériel médical, empestait les désinfectants. Arnaud était étendu sur une table en inox, le corps presque entièrement recouvert d’un drap bleu. Elle s’approcha et le regarda. Ses traits étaient détendus, comme s’il dormait d’un sommeil paisible. Elle aurait même cru le voir sourire. Elle passait sa main dans ses cheveux bruns, en respirant par spasmes. Dieu qu’elle l’aimait, se disait-elle. Elle gardait en tête la dernière image qu’elle avait de lui, occultant sa période d’occupation par l’esprit de Michael Jackson. Elle était sûre que lui non plus ne pouvait pas imaginer que ça se terminerait comme ça. Auquel cas, il n’aurait jamais voulu se manifester. Elle fixait la ligne horizontale que se dessinait sur l’écran relié à une machine qui prenait son rythme cardiaque. Mais elle restait désespérément plate. Elle sursauta quand la main chaude de Mike se referma sur son bras.
— Il est temps d’y aller, Julie. Vous ne pouvez plus rien faire maintenant.
— Il a raison, renchérit Sophie. Ne te fais pas plus de mal, ça ne sert plus à rien. Viens…
A contrecoeur, elle se décida à les accompagner vers la sortie. Elle posait la main sur la porte battante quand un bruit l’arrêta net. Elle était sûre de ne pas avoir rêvé. Elle avait entendu un bip, bien distinct. Elle criait presque aux deux autres.
— Attendez !
— Quoi ?
— Chut ! Ecoutez !
Tous firent silence, en s’approchant du corps. Sur l’écran qu’elle regardait auparavant, Julie voyait la courbe perdre son allure horizontale. Doucement, quelques pointes se dessinaient. Elle retint son souffle, envahie d’une bouffée soudaine d’espoir. Lorsqu’une cadence plus stable apparut, elle cria à Sophie d’aller chercher les médecins. Mike restait avec elle, conscient lui aussi d’assister à un miracle. La courbe était désormais régulière, et de ce qu’il en savait les pulsations cardiaques reprenaient un rythme normal.
— Vous croyez qu’il va se réveiller, demanda-t-il, avant de se souvenir qu’elle ne comprenait pas un mot de ce qu’il disait.
Elle ne l’écoutait aucunement de toute manière, surexcitée par le phénomène. A peine se rendait-elle compte de l’entrée fracassante qu’avait faite l’équipe de réanimation. Inondée de ses larmes de joie, elle réagissait à peine quand une infirmière la repoussa avec fermeté sur le côté. Les soignants avaient entamé leur ballet de stéthoscopes, d’appareils de mesure et de contrôle, abasourdis par ce qu’ils voyaient.
— Ils ne comprennent pas, expliqua Sophie. Ils disent que c’est impossible, que le cœur s’était arrêté, que le cerveau n’a pas été irrigué pendant plusieurs minutes, qu’il était bien mort.
— Et ils ont raison, dit Julie.
— Comment ça ?
— Oui, il était déjà mort et il est parti cette fois définitivement. Mais c’est de Michael dont je parle. Maintenant, Arnaud a repris sa place, et c’est lui qui fait battre son propre coeur.
— En plus du tien, ajouta Sophie avec malice.
Julie se tourna vers elle sans répondre, un sourire radieux aux lèvres. Ses yeux pétillaient de bonheur. Pas la peine de répondre, toutes deux le savaient déjà. Sophie crut bon d’ajouter une question.
— D’après toi, il était où, tout ce temps ?
— …
Julie ne lui répondit pas, observatrice assidue du spectacle de la vie, à deux mètres d’elle.
— J’ai compris, soupira Sophie. Tu t’en fous, du moment qu’il revient.
— Oui… C’est ça… Tout le reste ne compte pas.
Deux jours plus tard
Arnaud tait allongé sur le lit de la chambre d’hôpital. Sa rémission avait été étonnamment rapide, pour la plus grande perplexité des médecins. Des professeurs prestigieux s’étaient succédés, sans qu’ils parviennent à expliquer le phénomène. De guerre lasse, ils avaient conclu être les témoins d’un mystère de la science en plus, à cataloguer dans la série des improbables. Ils avaient voulu toutefois le garder en observation. Arnaud ne gardait aucune séquelle de son voyage. Il ne se souvenait de rien, si ce n’est de s’être endormi le soir après l’hommage à Michael Jackson, et de s’être réveillé dans une salle d’opération aux Etats-Unis. Julie avait dû lui expliquer ce qui s’était passé, l’occupation de son corps par leur idole et tout le reste. Il était bien entendu loin d’imaginer une histoire pareille, il avait même pensé à une blague, mais le ton et le visage grave de Julie l’avaient persuadé qu’elle ne mentait pas. Vaguement gêné par le récit, il dévia sur un trait d’humour, méthode dont il avait le secret pour éloigner ce genre de sujet.
— Et tu vas me dire que tu n’as même pas pensé à lui demander un autographe ? Enfin, à me le demander à moi ? Donne-moi un stylo, je t’en signe un de suite. Fais gaffe, il vaudra de l’or après ma mort… Enfin, si je meurs un jour… Imagine, tu m’enterres, et je reviens dans le corps de Brad Pitt. J’en connais une qui n’aurait pas fini de me sauter dessus.
D’ici une heure, ils sortiraient pour filer directement à l’aéroport. Sophie attendait dans le couloir, à l’extérieur de la chambre pour préserver leur intimité. Mike avait sympathisé avec elles, acteur lui aussi de cette aventure. A croire que tout ceci avait créé une sorte de lien entre eux. Il avait tenu à rencontrer Arnaud, et ils avaient senti le courant passer entre eux, pour la plus grande joie de Julie. L’ancien garde du corps les avait déjà invités le mois suivant à venir chez lui. Il ferait venir Paris, qui désirait plus que tout leur parler, découvrir avec les filles les réels derniers instants sur Terre de son père.
Mike leur avait raconté ce que Michael lui avait dit. Il tenait à ce qu’elles soient récompensées comme il se devait. Il avait écrit une chanson pour elles, avait-il dit. Mike avait pour consigne de ne pas la laisser en évidence sur la pile des inédits qu’il léguait à ses fans, mais de leur confier directement. Julie avait pleuré en lisant le texte, d’une pureté qui lui avait serré le cœur. Michael avait aussi rédigé un testament antidaté dont l’authenticité n’aurait fait aucun doute, mais il ne vit jamais le jour, malgré ses souhaits. Perdu, détruit, volé ? Nul ne le sut jamais. Mais la lettre à Paris qui l’accompagnait avait bien trouvé sa destinataire. Elle finissait par un extrait de la chanson fétiche du chanteur, Smile : « You'll find that life is still worthwhile, If you just smile ». Tu verras que la vie est toujours valable, simplement si tu souris…
Michael était parti en posant un ultime acte de bonté, pensait Julie. Elle était sure qu’il souriait à la vie désormais, entouré de plusieurs de ses amis. Elle pouffa légèrement en imaginant le duo improbable qu’il devait former avec Elvis, quelque part là-haut. Par la fenêtre, elle laissa son regard se perdre dans les nuages. Elle eut l’impression que l’un d’eux prenait la forme d’un visage souriant qui lui disait : « merci ».
Note de l'auteur: pardonnez-moi pour les éventuelles (et très probables) approximations en anglais. Je ne suis pas bilingue et je maitrise très mal la langue de Shakespeare. En espérant que cela ne gâche pas la lecture. DC