Soir d'encre

Les étoiles luisaient dans le ciel sombre tels des diamants sur du velours noir.

La lune les surplombait, belle, immortelle, perçant l'obscurité de son regard diaphane tel celui d'une déesse dont les larmes de nacres seraient restées par un merveilleux prodige suspendues dans les cieux infinis pour former la voute céleste.

Au loin les ombres confuses et emmêlées des arbres de la foret formaient une tâche d'encre sur un lac clair de verdure auréolé d'une douceâtre lueur opaline.

Seules les plus hautes branches des végétaux pouvaient s'élever assez haut pour atteindre les obliques rayons de Dame Lune.

Elles scintillaient comme si leur écorce noire, humble, discrète, s'était soudainement parée de cristaux flamboyants par cette nuit unique et mémorable.

Telles de jeunes demoiselles frivoles, jeunes fleurs mouillées de rosé en ce monde, qui se parent de tous leurs atours pour être reines l'espace d'un moment, un soir de fête, et devenir étoile du matin parmi les hommes.

Les troncs centenaires des vieux arbres gémissaient, maltraités par le vent et le froid, faisant résonner une lente psalmodie macabre semblable à celle murmurée par ceux qui ne sont plus.

La surface de la rivière, aux allures d'être vivant, miroitait de milles et uns reflets fantomatiques a la lueur blafarde de l'astre nocturne.

Les oliviers qui longeaient le murée, tels de fidèles et silencieux gardiens de l'ombre, laissaient le vent caresser leur feuillage et le transformer en mer mouvante argentée.

Seul le souffle millénaire du vent, le délicat frou-frou des feuilles, le battement régulier des branches recouvertes d'un duvet cristallin et laiteux s'entrechoquant entre elles faisant résonner dans la vallée endormie leur hymne à la vie.

Il sonnait comme sonnent les pulsations, les pulsions d'un cœur qui bat perdu dans le secret de l'obscurité, s'oubliant à l'orage et aux ombres. Dessinant de sa déchue et triste plume, symbole arabesque d'encre noir sur un ciel taché de blanc à l'arrivé de l'aube douloureuse.