Sombre Elu

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Sombre Élu

Les Episodes

Nathan emmène Lydia, sa femme, et Chloé, leur fille de deux ans, en vacances. Ils se disputent et Lydia demande le divorce. Dévasté, Nathan s’arrête au premier relais routier qu’il voit et va prendre l’air seul. Une envie irrésistible de disparaître le prend et il s’engage dans la forêt qui entoure le relais routier en entendant des murmures insistants.

Nathan se réveille dans un endroit qui lui semble féérique. Un peuple doué de magie l’accueille comme l’Elu et se prosterne à ses pieds. Pendant ce temps, Lydia est excédée par son attitude. Attendant son retour, sa colère ne s’estompe pas. Elle finit par prendre la voiture, partir sans lui.

On fait visiter la ville des merveilles à Nathan en lui expliquant qu’il est l’Elu avec le pouvoir de les libérer d’un maléfice. Quant à Lydia, qui est revenue au relais routier, elle dépose Chloé à la gérante et part à la recherche de Nathan. Elle le suit dans l’autre monde mais se retrouve seule face aux dangers.

Nathan parle à Silban, le Veilleur, un homme très à l’écoute. Il est lunatique mais comble tous ses désirs matériels. Lydia finit par trouver le village où se trouve Nathan. Elle l’aperçoit mais il paraît si heureux qu’elle décide de faire demi-tour, excédée. Quand elle parvient à l’endroit où elle est arrivée, impossible de regagner le relais routier…

Nathan poursuit ses amitiés avec ce peuple magique. Il décide de rentrer chez lui pour faire de vrais adieux à sa femme et sa fille. Il est aussitôt fait prisonnier. Lydia finit par retourner près du village. Là, elle suit quelques personnes vers un puits et apprends ce qui attend son mari : la mort.

Lydia attend la nuit et se faufile dans le village, cherchant Nathan pour le sauver. Elle finit par le découvrir, enfermé dans une prison. Elle parvient à le libérer et ils fuient vers la clairière où ils sont apparus. Silban les y attend et leur révèle que leur fille, Chloé, a été prise en otage au puits : toutes les personnes du relais routier font partie de ce monde.

Silban les conduit au puits. A l’aube, des hommes apparaissent et l’un d’eux tient Chloé en s’approchant du puits : Nathan a jusqu’au coucher du soleil pour se rendre ou la petite mourra. Nathan et Lydia s’invectivent et Silban les sépare : s’ils ne travaillent pas ensemble, ils ne parviendront pas à sauver Chloé. Ils mettent en place leur stratégie et tentent de reprendre Chloé…

Et se font attraper ! Ils se retrouvent tous deux en prison sans Chloé. Lydia panique et Nathan finit par la consoler. Ils commencent enfin à se réconcilier. Ils attendent Silban mais Nathan parvient à les sortir de prison et ils retrouvent Chloé dans les bras de Silban qui leur fait signe de le suivre alors qu’on s’aperçoit de leur évasion.

Ils courent à travers la forêt et parviennent à la clairière entre les deux mondes. Silban arrête son peuple et explique son rôle de Veilleur : il choisit ceux qui seront sacrifiés. Lydia, Nathan et Chloé repartent sur la route en jurant de s’aimer… pour éviter l’A666 et ses habitants.

Episode 1 :

Nathan leva les yeux sur son rétroviseur et fusilla sa fille du regard. Il en avait assez ! Il avait fait de son calme une légende mais Chloé avait le don de le mettre à l’épreuve en toute occasion.

– Chloé, ma chérie, calme-toi, tenta une nouvelle fois Lydia en tournant un visage fatigué vers elle.

      La petite fille de deux ans répondit en redoublant ses hurlements.

– Chloé, on va s’arrêter dans deux minutes, alors…

      Nathan vit sa femme se pincer les lèvres en plissant les yeux. Si elle s’y mettait aussi…

– Chloé, tais-toi, maintenant ! hurla en réponse la femme. Tu te calmes tout de suite ou je te mets la fessée !

      Les cris furent remplacés par des gémissements puis par des reniflements. Nathan jeta un regard à sa fille qu’il vit se frotter les yeux avec son doudou préféré : un lapin aux longues oreilles dont la droite commençait à accuser ses deux longues années de fidèle compagnon.

      Nathan se concentra sur la route et respira longuement, regagnant son calme. Lydia s’était rassied bien droite sur son siège, raide et crispée. Il lui caressa la jambe pour la détendre et lui sourit subrepticement. Elle l’ignora et fixa intensément la route. Gêné, Nathan retira sa main comme s’il s’était approché trop près d’une flamme, sentant sa paume brûler.

Inspirant profondément, l’homme enchaîna les virages en épingle. La route s’était rétrécit. Ils n’avaient peut-être pas pris la meilleure décision en choisissant d’éviter les grands axes pour visiter les beautés françaises…

      Il conduisait depuis assez longtemps pour que, l’habitude aidant, ses muscles s’activent sans qu’il ait à y penser. Son esprit dériva librement vers des préoccupations qui l’occupaient depuis déjà quelques temps, à savoir : Lydia et son comportement froid et distant. Cela faisait bien un mois qu’elle semblait éviter son contact et parfois sa présence. Elle avait toujours eu un comportement lunatique et son calme avait contribué à équilibrer leur relation. Ils s’aimaient, depuis cinq ans ! Il avait eu le temps de travailler sur son tempérament pour donner cette impression sereine que lui enviait son entourage ! Mais ça n’était pas plus que cela : une image. Le silence de Lydia était en soi inexplicable. Il savait d'où Chloé tenait ses sautes d'humeur et ça n'était certainement pas de lui ! Le silence était loin d'être le moyen de communication préféré de sa femme.

Nathan prit son temps pour se remémorer tous ces inexplicables moments où il avait senti que quelque chose n'allait pas. Cela lui prit tellement de temps que sa concentration supplanta sa colère et, quand il leva les yeux sur le rétroviseur, la petite diablesse s'était endormie.

– Ça ne va pas ? souffla-t-il doucement pour éviter de réveiller Chloé.

– Qu'est-ce qui te fait dire ça ? rétorqua Lydia qu'il sentit aussitôt sur la défensive.

– J'ai l'impression que tu m'évites depuis quelques temps...

– Qu'est-ce que tu vas imaginer, Nath´, souffla la femme à ses côtés en secouant ses boucles brunes. Il n'y a rien, ne t'inquiète pas.

Elle lui sourit mais, pour Nathan, tout cela sonnait faux.

– Ça a l'air encore pire que ce que je pensais, murmura-t-il le plus également possible.

– Comment ça ?

Cette fois-ci, son ton était nettement plus appréhensif et, en lui jetant un regard en coin, il remarqua qu'elle s'était raidie sur son siège.

– Lydia, je ne suis pas aveugle, lui fit-il remarquer en resserrant sa prise sur le volant pour garder un air impassible au visage. Si tout avait été normal, tu m'aurais déjà fait une scène pour ma dernière remarque.

Il y eut un silence pendant quelques secondes et Nathan pensa qu'elle n'allait plus lui répondre lorsque sa femme ouvrit enfin la bouche :

– Que je travaille sur mon caractère te pose un problème ?

C'était la réplique la plus naturelle qu'il ait entendu depuis plusieurs semaines. Il relâcha la pression sur son volant et s'autorisa un coup d'œil à la vallée qui s'approchait sous eux : les couleurs éblouissantes de l'été, chaudes, finirent de le détendre.

– Tu t'en sors presque comme une chef, s'amusa-t-il.

– Presque ? Qui t'a permis de me juger ?

Il ne s'attendait pas à une répartie aussi acerbe. Bien sûr, il avait l'habitude de ses ripostes ; Lydia s'était tellement complexée sur tout et n'importe quoi que sa seule défense était devenue l'attaque.

– Ce n'était pas une critique, Lydia, se défendit-il.

– De toute façon, rien de ce que je fais n'est assez bien pour toi ! attaqua la brune, acide.

La voiture accéléra brusquement sous la stupeur de son conducteur avant que Nathan ne reprenne les commandes en douceur. Lydia n'avait jamais été aussi vindicative ! Cela l'effraya et il resserra sa prise sur le volant, les dents serrées. Il dut faire un effort pour détendre sa bouche et lui répondre :

– Comment peux-tu dire une chose pareille ? Lydia, ce n'était pas une remarque désobligeante ni... Ni rien de blessant !

– Mais de toute façon, rien de tout ce que tu fais ou dit n'est "désobligeant", s'acharna Lydia en appuyant sur le dernier mot. Tu es parfait et je sus une imbécile !

– Lydia ! ne put-il s'empêcher de crier.

Chloé gémit dans son siège bébé et Nathan se mordit les lèvres ; pourvu qu'elle ne se réveille pas !

D'un commun accord ils surveillèrent la petite mais celle-ci sembla se renfoncer plus profondément dans le sommeil.

Nathan reporta son attention sur la route, cherchant ses mots.

– Tu n'as pas le droit de dire une chose pareille ! murmura-t-il, frustré de ne pas trouver quelque chose de plus intelligent à dire.

– Pas le droit ? répondit Lydia dans un murmure presque hystérique, la dernière syllabe dans les aigus. Comment oses-tu ? Ton statut de pompier ne te permet pas de te croire au-dessus de tout !

Nathan flirta avec l'idée attrayante d'écraser la pédale de frein afin de sortir de la voiture pour hurler toute sa colère. Au lieu de ça, il ralentit délicatement son allure et prit la direction d'une route moins pittoresque dès que l'occasion se présenta. Il n'avait plus du tout la concentration et l'alerte nécessaire pour les petits chemins de campagne.

– Mais qu'est-ce qu’il te prend, bon sang !

–  Tu dois toujours avoir raison, voilà ce qu’il me prend ! siffla Lydia en montant le ton au fur et à mesure. Tu dois toujours être le patient, le calme, l'intelligent, le parfait ! Y en a marre que tu sois toujours le modèle et moi l'incapable !

– Non mais, tu t'entends ? Tu dis n'importe quoi ! Lydia, qu'est-ce que tu as ?

Il avait ralenti et lui jetait de fréquents regards. Il vit nettement les changements qui survinrent sur son visage. D'abord se lèvres pincées frémirent, puis son corps raidi fut pris de mouvements convulsifs comme si elle ne parvenait pas à trouver une position convenable, ses joues rougirent et, enfin, ses yeux se dilatèrent en laissant des larmes apparaître au bord de ses cils. Nathan sentit son corps se figer.

– Dis-moi ce qu'il y a, la supplia-t-il dans un murmure. S'il fallait qu'ils se disputent en se hurlant dessus, qu'il sache au moins de quoi il était question.

– Je veux le divorce, assena Lydia, le visage tourné résolument vers sa vitre.

La voiture pila. Nathan ne remarqua son geste que quand son corps tira sèchement sur sa ceinture de sécurité, emporté par le mouvement. Lydia se retint d'une main sur la boite à gant, le fusillant un instant du regard avant de se détourner aussitôt.

– Pardon ?

L'expression était sortie toute seule, son esprit à la dérive. « Divorce, divorce, divorce », le mot tournait dans sa tête à lui en donner le tournis !

– Je veux le divorce, répéta Lydia.

– Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'est-ce qui... Bon Dieu, mais pourquoi ?!

Il avait parlé trop fort, il le savait. Chloé gémit mais Lydia l'ignora.

– Tu ne fais pas attention à moi, Nathan. Tu es toujours absent, jamais à la maison pour t'occuper de Chloé ou de moi. Toujours à la caserne ! Je me sens seule, ignorée, abandonnée... Et ton calme insupportable ! Au lieu d'avoir une bonne dispute qui nous apporterait au moins la satisfaction de vider notre sac une bonne fois pour toute, tu t'entêtes à chercher des compromis pour tout ! Mais si je n'en voulais pas ?! Si j'avais besoin de me disputer un peu ?! De toute façon, il est trop tard...

Elle avait tourné son visage vers lui, les yeux luisants de larmes mais brillants de fureur. Elle se détourna au moment même où Chloé émit ses premiers reniflements.

Nathan secoua la tête et se passa une main fébrile sur le visage. Une fatigue générale envahit son corps et il se sentit s’avachir dans son siège sous les pleurs de sa file.

– Trop tard ? murmura-t-il avant d'élever la voix. Pourquoi trop tard ?

Il fixa sa femme, attendant et craignant à la fois sa réponse. Lydia se rongea un ongle et finit par se tourner vers lui :

– J'ai rencontré quelqu'un, admit-elle d'une voix blanche.

Nathan ouvrit la bouche, suffoqué. Comment pouvait-elle lui faire ça ? Il avait tout sacrifié pour elle ! Il avait travaillé dur à la caserne pour leur assurer une vie tranquille ! Il s'était obligé à calmer son caractère presqu'aussi emporté que le sien pour elle et sa fille.

Il pinça ses lèvres, incapable de trouver les mots qui conviendraient. Il ne savait pas non plus s'il voulait la traiter de tous les noms ou bien la supplier de rester...

Les hurlements de Chloé décidèrent pour lui : il ignora ses deux femmes et remit la voiture en route. Il roula sans un mot pendant plus d'une heure, regagnant au fur et à mesure les gros axes routiers. Son esprit sombre était loin de vouloir contempler les miracles de la nature à cet instant.

Il s'engagea sur une autoroute et, pendant un temps, conduire lui permit de s'évader. Il fit défiler nombre de souvenirs dans sa tête, sentant ses lèvres frémirent d'un début de sourire réprimé. Mais, chaque fois, le mot "divorce" s’imposait à son esprit fébrile et il pouvait voir son visage impassible pâlir dans son pare-soleil.

Un nouveau panneau lui indiquant l'autoroute s'effaça et le pompier retint un éclat de rire nerveux. Il avait cru voir "A666" dans un fond noir et rouge. Quelle blague ! Le signe du démon, c'était bien dans le ton !

Il continua de rouler une vingtaine de minutes, ses souvenirs l'envahissant de plus en plus. Quand il sentit ses yeux le picoter, il sortit aussitôt de l'axe principal pour entrer dans l'espace de repos.

Le relais autoroute était entouré de verdure, cachant la ligne de voitures qui continuait de filer à grande vitesse. Si le son avait été aussi bien dissimulé, Nathan se serait cru face à un petit chalet en montagne, perdu dans la vaste étendue végétale.

Le pompier sortit silencieusement de l’automobile et huma l'air frais avant d'ouvrir la portière arrière pour détacher la petite. Chloé reniflait encore un peu mais ses hurlements s'étaient taris face au désintérêt manifeste qu'ils lui avaient opposé. Nathan se sentait coupable. Avec un sourire d'excuse à son petit bébé, il la prit dans ses bras pour la bercer quelques instants. Elle se frotta les yeux et se colla tout contre lui, entourant son cou de ses petits bras. Mais comme tous les enfants, elle ne résista pas à l'appel maternel qui suit un gros chagrin et tendit ses mains vers sa mère. Lydia la prit sans un mot et Nathan se détourna, une pointe de jalousie lui piquant le cœur.

Il inspira profondément et prit la direction du relais.

Il ne semblait pas y avoir grand monde. Deux voitures en plus de la sienne étaient garées devant la porte ainsi que trois camions et Nathan ne voyait pas plus d’une dizaine de personnes à l’intérieur.

Le pompier tira la porte en bois vers lui et celle-ci teinta comme une cloche. Plusieurs personnes se tournèrent à leur entrée et Nathan dut s’obliger à mettre en action ses muscles pour se diriger vers l’une des tables libres : l’atmosphère semblait pesante et l’attention que ces inconnus leur portait était oppressante.

Toutes les tables étaient entourées soit de chaises en bois soit de petits bancs dans le même matériau. Elles étaient vieilles et avaient longuement servi d’après les entailles que Nathan voyait entre les différentes teintes de couleurs, plus ou moins brillantes, ainsi que les copeaux qui dépassaient parfois des bords lisses des sièges. Il s’assied sur une des chaises et craignit de la voir céder quand elle grinça et craqua sous son poids.

– Bonjour ! les salua une femme d’une quarantaine d’années avant de leur tendre deux menus de ses bras légèrement potelés. Faites-moi signe quand vous aurez choisi.

Son sourire ressemblait beaucoup à un rictus et Nathan aurait ri de son maquillage un peu trop vulgaire si la situation n’avait pas été aussi étriquée avec son épouse. Il remercia rapidement la serveuse.

Il fixa le menu sans le voir, dans un premier temps, puis il secoua la tête et se força à la concentration. Il choisit un plat de pâtes bolognaises et un verre de bière brune ; il avait besoin de se laver la bouche de toute cette amertume avec une autre plus douce et à son goût. Il se sentait nauséeux, comme un marin ayant longuement navigué et montrant subitement des signes de mal de mer. Il ne pouvait pas croire que Lydia souhaitait se séparer de lui. Ce devait être un cauchemar.

– Vous avez choisi, mes chéries ?

Lydia lui jeta un regard noir avant de reporter son attention vers le menu ouvert devant elle. Chloé, quant à elle, se montra bien plus loquace et enjouée :

– Je veux des frites et du coca, Papa !

– Chloé, la reprit Lydia sévèrement, on dit s’il-te-plaît ! Et tu dois choisir : ou les frites ou le coca.

La petite fille baissa le regard, contrariée. Nathan s’identifia aussitôt au comportement de sa fille et prit sa défense :

– Elle peut bien avoir les deux. Tu ne vas pas déjà la mettre au régime !

Aussitôt les mots avaient-ils franchis sa bouche qu’il les trouva parfaitement infantile. Quelle idée lui était passée par la tête ? Ca n’était pas la meilleure façon de regagner des points auprès de sa femme !

Le regard presque haineux qu’elle lui porta créa un frissonnement qui traversa tout son corps. Il se sentit fondre sous la pression qu’elle émettait et ses yeux le picotèrent.

– J’ai besoin de prendre l’air.

Il se leva aussitôt et sortit rapidement du restaurant alors que Chloé partait à l’attaque pour conquérir son droit aux frites ET au coca. Elle commençait déjà ses reniflements quotidiens quand la porte se referma et que Nathan se retrouva seul sous le soleil et les bruits autoroutiers.

L’homme inspira profondément. Une boule dans sa gorge se créa et il serra férocement les dents pour éviter de pleurer comme un bébé. A la place, il préféra faire quelques pas et donna de vigoureux coups de pied sur les cailloux qui traînaient de-ci, de-là.

Si Lydia le quittait, à quoi bon continuer à surmonter les épreuves ? Chaque jour apportait son lot de problèmes et d’évènements tragiques. Il n’avait pas choisi un métier facile, il en était conscient. Mais savoir que Lydia et Chloé l’attendaient chez lui le soir avait été sa seule lueur d’espoir dans ses journées les plus sombres. Elles étaient les seules à lui donner la force de surmonter la découverte d’un corps inerte et décomposé ou la mort de personnes brûlées vives dans leurs logements…

Et puis, devait-il se battre pour garder Chloé ? Il ne pourrait pas, il n’en serait pas capable. Son devoir de pompier ne lui permettrait pas assez de liberté pour ça. Il était donc condamné à continuer seul…

Mais continuer pour aller où ? Il n’avait plus aucune motivation, aucun espoir…

Nathan leva les yeux quand son regard tomba sur un petit muret de pierre où le sol plongeait à deux mètres juste derrière. Il plissa les yeux en découvrant la vaste étendue herbeuse et forestière qui s’étendait au-delà. Il n’en voyait même pas la limite. Les bruits des voitures qui filaient à grande vitesse derrière lui semblèrent surgis d’un étrange rêve.

Nathan baissa les yeux sur les deux mètres de vide et une envie irrésistible de sauter, de faire quelque chose de fou, le prit. Il n’avait aucune envie de retourner dans le relais routier sous les regards insistants des clients et celui, haineux, de sa femme.

– Nathan…

Le murmure le sortit de sa torpeur et le pompier chercha aussitôt qui l’appelait.

– Nathan…

A nouveau ce murmure étrange. Il semblait venir de l’étendue verte et sauvage qui s’étendait derrière lui, au-delà du muret de pierre. Et s’il y répondait ?

– Nathan…

Au troisième soupir répétant son nom, Nathan ne réfléchit pas et se laissa tomber en arrière. Il réalisa aussitôt son acte et, impuissant, tenta de se tourner pour regarder le sol. Mais c’était trop tard : une noirceur d’encre avait envahie son monde…

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