Somnolence ou Les aventures de mon esprit dévergondé
Camille De Vitry
Je dors, tous sens éteints et l'esprit aux aguets
Extrait furtivement du grand corps étalé
Lourd de muscle, d'os, voire de cerveau ; un poids
Chargé sur le matelas, dans les draps, inerte.
Esprit souriant le contemple et se déploie
En caresse, frôle la bouche à peine ouverte,
Y cale un baiser soupirant puis s'étire
En volute, ondule le long des pourpres purs
Où ses entrelacs évoluant se saturent.
Le magenta enlace le chant de ses spires
Et tournoyant, se distortionne, se tend
En violet, roule encore autour de la ronde…
- Esprit trop excité poursuit et vire l'onde
Au bleu. Elle se meut peu à peu, lentement
Se répand dans la chambre. Esprit vibre ailleurs,
Euphorique, s'élève haut et pique, crie,
Rit, ivre d'énergie, voltige. L'Infini
Lui paraît proche, le tutoie, semble railleur,
Obèse et minuscule – disproportion
Ridicule. Ils sont tous deux ravis de se voir,
Se tapent sur le ventre. Dans cette action
Triviale Esprit s'engloutit dans son nombril noir
Où n'ont lieu son ni source, où il étouffe, sourd
Et lourd, sans volonté, soumis à une force
Nulle ; où seule une seconde fond pour
Salvador. Non ! Car se tient tapie en amorce
Dans un des creux des inextricables replis
Du nombril infini, une gargouille vive
Rouge, prête à bondir, guettant le pauvre esprit.
Sa gueule béante, gluante de salive,
Allonge une langue trouble ; un glaviot glaireux
En lave s'y fige ; ses gros yeux globuleux
Le glacent d'un regard glauque coagulant
Dans ses pupilles cloaqueuses de crapaud
- Quand, abruti de terreur, l'esprit, d'un violent
Soubresaut réintègre mon corps au repos.