Sonisphère 2012: sourd tu finiras
Gyslain Lancement
La nuit était tombé depuis trop peu de temps, quand, au terme d’un concert gigantesque, Metallica mit fin à ce Sonisphère 2012 devant un public conquis. Une conquête qui a eu du mal à se dessiner, la faute à un soleil de plomb et à une patience non clostrophobe à qui aime se taper quarante minutes de queue pour l’oasis de tout festivité de métal qui se respecte: la bière. De plus, tout caser sur une seule journée est difficile, quoique la hiérarchie du succès est là pour nous aider, mais quand même: t’as beau faire du bruit, jouer à 3h de l’après-midi ça le fait pas. Eluveitie s’en souviendra, d’ailleurs, de ce 30 Mai, car certains avaient à peine oublié leur nom imprononçable que Gojira fit son (injuste) apparition à l’heure du goûter. Le groupe de Jo Duplantier a sa carrière en main depuis pas mal d’années et beaucoup dans l’assistance n’ont pas hésité un seul instant à braver les frontières suisses pour venir applaudir à Yverdon le groupe français ayant le plus de succès à l’étranger. Dommage, il ne manquait plus que la nuit noire pour accompagner l’enfant sauvage du heavy-métal. Le destin se vengera en pourrissant le set de Mastodon, à moins que ce ne soit la puissance du combo américain qui eut raison de la technique, avec pas moins d’une vingtaine de coupures sonores agaçantes. Chapeau les gars, vous ne vous êtes pas dégonflé: le métal n’est pas un monde de divas.
Finalement, la seule averse qu’on ait eu hier soir nous est venu de Slayer, semi-gros évènement logiquement assombri par l’appât « black album ». En une heure, le déluge des californiens s’est fait de rage et d’hémoglobine. Quiconque s’intéresse au trash-métal sait que les plus belles années du groupe ont plus de vingt ans – de 86 à 89 – mais même amputé de son guitariste Jeff Hanneman (sur le bord de la touche à cause d’une piqure d’araignée ayant entraîné une infection cannibale), Slayer fait partie des piliers, à voir une fois dans sa vie. Sans mauvais esprit, la petite bête ne mangera pas la grosse. Pas toute entière en tout cas. Viennent ensuite les légendaires Motörhead. Moins d’un an après une prestation exemplaire au Rock’oz Arènes, la bande à Lemmy a paru fatiguée; à moins que l’on considère sa musique comme du Rock’n'roll joué un poil plus fort – il n’a jamais caché son incompréhension à le cataloguer « métal » – le leader accuse le poids des ans, mais fuck! Il a le droit. Normalement alcoolisé, il est tout de même bien conservé. L’admiration générale se portera sur son batteur pas avare en efforts ni en jets de baguette: balance tout Mikkey, on bouffera avec les doigts. Energie, générosité et courtoisie pâteuse, ponctuées par un »we are Motörhead » d’habitude introductif. A l’envers le Lemmy?
Pour Metallica « plays Black Album », la surprise était d’autant plus belle. Pas une pancarte lamentatrice « play classics » à l’horizon, on était prévenu. Pourtant, surpris par un chauffeur de "sale" crado comme un Tuco (et l'"ecstasy of gold" rassembleur d'Ennio Moricone), et après une arrivée tonitruante, tranchante, on devinait qu’il faudrait d’abord une entrée en matière trash et des tubes aussi fringants que « Master of puppets » ou « Orion » en leur temps, avant l’apothéose FM Black sus-mentionnée. Vingt minutes de nostalgie jouées à la perfection puis une pause, « The » entracte. Les protagonistes quittent la scène, une vidéo orne les écrans géants et distribue une bouffée vintage aux 35 000 impatients. Défilent alors des images du bon vieux temps: les tournées 80′s, les bandes analogiques, Lars Ulrich avec des cheveux… La suite durera le temps d’un album que l’on connait tous et que chacun d’entre nous a un jour siffloté, fredonné, craché ou gerbé. And nothing else matters.
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