Sortir de l'€uro ? pas si facile !

campaspe

Des rumeurs régulièrement démenties, et pourtant de plus en plus insistantes, font état d'une possible explosion de la zone euro.

Les populations se demandent quel crédit accorder à cette rumeur dans la mesure où ces derniers temps se sont succédées des déclarations démenties par les faits dès le lendemain : des illustrations récentes en sont la Grèce et de l'Irlande qui ont décrété n'avoir pas besoin de l'aide européenne alors qu'elles y ont eu recours dans les jours suivants. Si nous supposons possible un tel scénario – revenir à une monnaie nationale - tentons d'en imaginer les conséquences...

 

D'un point de vue pratique, un changement de monnaie nécessiterait dans tous les cas de frapper de nouvelles pièces, de prévoir les infrastructures pour les échanger et de reprogrammer d'innombrables ordinateurs et distributeurs. Mais au-delà de ces difficultés techniques, matérielles, d'autres questions compliquées se poseraient aussi, qui diffèrent suivant le type de scénario envisagé :

 

Une première hypothèse pourrait être la sortie de l'Euro d'un ou plusieurs pays endettés tels la Grèce, l'Irlande, le Portugal ou même l'Italie. Cette sortie leur permettrait de regagner de la compétitivité en dévaluant leur monnaie, diminuant ainsi le coût de leur main d'œuvre, regagnant ainsi un avantage concurrentiel : pour beaucoup de ces pays,  le passage à l'euro a en effet, entraîné des divergences importantes dans les taux d'échanges réels : les salaires, mais aussi les prix ont augmenté plus vite dans ces pays qu'en Allemagne, ce qui les a rendu de moins en moins compétitifs non seulement par rapport aux autres pays européens, mais aussi par rapport aux biens importés d'Asie (cf. Fig1 et 2).

D'un point de vue pratique, les modalités de sortie de l'Euro passeraient sans doute par le vote d'une loi – loi qui doit être adoptée, impliquant la nécessité d'un consensus - donnant le cours de change de la nouvelle monnaie en fonction de celui de l'Euro, et précisant que les dépenses dudit Etat (salaires du secteur public, bénéfices sociaux, dettes de l'Etat…) soient à présent réglées dans la nouvelle monnaie, amenant de facto le secteur privé (salaires, emprunts, actions…) à faire de même.

Afin d'obtenir l'adhésion rapide des populations à cette nouvelle monnaie, il serait sans doute nécessaire que ces pays décrètent une « prime à l'échange » qui serait plus avantageuse pour les salaires que pour les prêts, à l'exemple de ce qui a été fait en Argentine en 2002.

Bien entendu tout cela devrait se faire dans le plus grand secret pour éviter des retraits massifs d'Euros aux guichets de banques, faute de quoi ces dernières se retrouveront  exsangues et auront du mal à financer  la nouvelle économie. Ceci est d'autant plus vrai que ces pays seront sans doute tenu à l'écart de la plupart des circuits financiers pendant de nombreuses années, le temps que la confiance dans la nouvelle monnaie s'installe. Finalement, un tel pays aurait à supporter de multiples recours légaux très coûteux à la fois de la part des épargnants qui verront leurs économies dévaluées mais aussi de la part des banques étrangères et des fonds de pension.

 

La situation serait à peine moins compliquée si c'était l'Allemagne, éventuellement accompagnée de l'Autriche ou des Pays-Bas, qui faisait sécession.

S'il est compréhensible que leurs populations sont lasses de financer l'inconséquence des autres pays européens (d'autant qu'elles seront remboursés en monnaie de singe si - ou plutôt lorsque ! - la BCE sera contrainte de recourir à l'inflation) il est peu probable que les populations des pays concernés aient bien mesuré les implications d'une telle sortie.

Elles rêvent d'un retour à l'autonomie financière et à la souveraineté de la Bundesbank. Elles craignent l'inflation et aimeraient avoir la liberté de réévaluer leur monnaie pour payer moins cher leurs matières premières et diminuer leurs prix en récompense des efforts financiers fournis ces dernières années.

Mais elles oublient que la conséquence de leur sortie de l'Euro serait l'arrivée massive de fonds  provenant des pays endettés qui viendraient perturber leur économie. Elles devraient en outre faire face à la colère des industries exportatrices pour qui le marché unique est devenu indispensable et de tous les prêteurs en Euros, l'Allemagne étant le principal créancier de l'Europe. Ceux-ci verraient de facto leurs créances se déprécier. Le séisme secouerait le marché unique européen et finalement sans doute les fondements même de l'Europe. Là encore on peut s'attendre à de multiples recours légaux.

Comme on le voit l'éclatement de l'Euro poserait des problèmes complexes, mais si la zone Euro doit survivre, alors on peut dire que les dirigeants des pays participants ne prennent pas les décisions les plus appropriées : l'Europe et tout particulièrement l'Allemagne, prise par son agenda politique, a été timorée dans son aide à la Grèce puis à l'Irlande, augmentant par là même le coût de l'aide nécessaire, via la hausse des taux d'intérêts appliqués aux obligations de ces pays.

 

En fait, l'Allemagne a fait la même erreur que les Etats-Unis : en 2008, ces derniers pensaient pouvoir « donner une leçon au marché » en sacrifiant Lehman Brothers. De la même façon, les allemands ont tardé à venir au secours de la Grèce, exigeant « que le remède soit amer de façon qu'il ne vienne à aucun des pays aidés l'envie de recommencer. » selon les paroles de Bofinger , l'un des conseiller du gouvernement Merkel en matière d'économie.


On peut espérer qu' à l'avenir, le secours indispensable aux pays trop endettés  devrait être plus rapide à la fois grâce à l'amélioration des conditions économiques dont jouit l'Allemagne, mais aussi grâce aux accords signés entre gouvernements de la zone Euro :

- D'une part, les ventes au détail allemandes ont augmenté de 2.3% en octobre, et la croissance attendue de leur PIB est cette année supérieure à 3.5%.

            - D'autre part, les pays européens se sont accordéssur le fait que les dettes émises après 2013 auront des clauses permettant des négociations entre débiteurs et créanciers. L'Allemagne renâclera moins si elle sait que l'aide qu'elle aura à apporter aux autres pays est limitée dans le temps.

 

Parallèlement de nouvelles propositions voient le jour, telle celle de Jacques Delpla qui propose que la dette publique de chaque pays soit divisée en « dette bleue » et « dette rouge » : la première, correspondant  aux premiers 60% du PIB de chaque pays, serait garantie par l'Europe et servirait des taux d'intérêts bas. Le reste de la dette publique, au-delà de 60% du PIB, dite « dette rouge » ne serait pas garantie par l'Europe, correspondrait à un placement plus risqué et servirait en conséquence des taux d'intérêt plus élevés, ce qui devrait inciter les Etats à y recourir uniquement en cas d'urgence.

Signaler ce texte