Soûle, Eve ment

absolu

Voilà, c’est fait.. il est venu, il a vu, il est retourné vers sa vie, je me suis tue…

Le temps nous a épargné d’en savoir plus, de découvrir plus que ce qu’on savait déjà…

C’était beau, c’était immense, si court, si intense, plein de tendresse, insensé, deux jours entre parenthèses, synthèse du bonheur parfait, dont la durée n’excède pas 72 heures. Après son départ, l’euphorie, le cœur engourdi, la douleur présente, mais pas encore ressentie, lèvres encore scellées de tant de baisers, témoins d’une torture à frôler l’extase sans pouvoir la toucher, à ne pouvoir finir la phrase sans commettre une erreur de syntaxe, à ne pouvoir conclure autrement que par l’absence annoncée depuis si longtemps. Ne pas pouvoir franchir les limites de l’interdit, de peur de je ne sais quoi, d’une décision à prendre au risque de tout perdre. Le risque de se découvrir, tel qu’on est, de se mettre à nu, devoir faire fi d’une pudeur, qu’on se complaisait à confondre avec une carapace contre les agressions extérieures, contre les blessures qu’on s’inflige tout seul.

Le corps assouvi de caresses apaisantes, qui ne prenait vie qu’à côté de l’autre, qui ne trouvait sa raison d’être comme il est qu’à côté du sien, pas besoin de plus, pour savoir, besoin de moins, pour se souvenir.

Corps qui ne pouvaient rester éloignés plus d’une seconde dans la même pièce, peur du vide, angoisse de l’absence déjà programmée, tout est prétexte à se toucher, les mots deviennent futiles, face à l’émotion partagée, se sentent inutiles et se font discrets… deviennent palpables, il faut les attraper, les écrire dans une matière moins périssable que le papier, quoi d’autre alors de mieux que sa peau comme support…

Plongée en apnée dans des yeux pourtant déjà occupés, j’y ai trouvé une place suffisante pour y rester, j’y respirais ses mains, son cœur, je devenais ses mains, son cœur, pour quelques moments, pour quelques heures.

On s’est cognés à ce qui allait arriver, on s’est fait mal pour ne pas l’oublier, n’importe quoi pour garder trace, que rien ne s’efface…

C’est à nous, à nous seuls, ces instants résonnent maintenant dans la solitude trop vite retrouvée, je tends la main mais y a plus rien, je tends mon cœur mais il est trop loin, j’entends moins bien, je reste sur ma faim, la fin m’a ôté le pain de la bouche, sa main qui me touche.

Et pourtant, ça devait pas se passer comme ça, ça devait pas aller jusque là. Ce qui devait s’apparenter à une bonne soirée entre potes a pris la tournure d’une découverte, réelle. Découverte au-delà de ce que j’ai pu lui donner de moi, dans nombre d’instantanés, qu’ils soient photographiques ou bien dactylographiés.

Ses yeux… je n’oublierai jamais ce que j’ai lu dans ses yeux. Il est loin, maintenant, et pour un certain temps. Il a sa vie, là-bas, et pourtant mon cœur s’emplit de joie quand je revois ses yeux, quand je repense à ce qu’ils m’ont dit, tout bas, à ce qu’ils ont pensé, tout haut. Il pouvait faire froid, ou même très chaud… il pouvait faire nuit, le jour pouvait se lever, c’était sans nous. L’air qui nous entourait ne nous était plus d’aucune utilité, nous respirions la même émotion. Pourquoi perdre du temps à boire de l’eau, nous buvions les paroles l’un de l’autre, et même les silences, emplis de caresses, de tendres étreintes. Qu’importe qu’il y ait eu de la lumière ou que règna l’obscurité la plus complète, nous nous voyions à travers nos mains qui dévisageaient l’autre, sans le déshabiller. Pourquoi manger, pourquoi gâcher ce temps précieux à se remplir l’estomac, nous nous rassasiions de la présence de l’autre. Pas besoin de rêver à de grands voyages, nous avions déjà lâché les amarres. Si loin de tout, si près l’un de l’autre, un centimètre nous séparait c’était la mer à boire, et nous n’avions pas le courage de ramer…

Il y avait bien longtemps que je n’avais pas tourné tant de pages dans un battement de cils…

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