Sourire forcé

hannibai

Titre : Sourire forcé

Auteur : Plume de Fer

« -Maman, je peux aller prendre un ballon ?

-Attends, mon cœur, maman parle avec ta maîtresse !

-Mais maman, vous parlez beaucoup trop ! Et le vendeur est juste là ! »

Exaspérée, la jeune mère de famille regarda distraitement la direction indiquée par son fils, avant de lui tendre un peu d'argent pour pouvoir retourner à sa discussion, sous l’œil amusée de Madame Prideaux, l'enseignante du petit garçon. Empli d'une joie comme seuls les enfants peuvent en connaître, Théo partit acheter son trophée en sautillant, le sourire au lèvres, auprès du grand clown. Sa mère continua de plus belle ses ragots

« -Je vous assure, pas plus tard qu'hier, je l'ai entendue parler de ça avec ce niais de Guerlain !

-Patrice Guerlain ? Le vieux cadre bedonnant ?

-Lui-même ! Ils sont partis du restaurant, bras dessus bras dessous, comme si de rien n'était ! Je vous jure, malgré ses inconvénients, ce boulot de serveuse me permet d'en apprendre des vertes et des pas mûres sur notre petite communauté

-Moi qui pensait qu'il était sage... Oh, regardez, le voilà ! Annonça Madame Prideaux en désignant un homme qui traversait la rue pour venir à leur rencontre.

-Bonjour mesdames ! C'est sympathique à vous d'organiser une kermesse pour les enfants, nous manquions cruellement d'animation depuis l'accident... Mais quelle chaleur, mes aïeux !

-Ne m'en parlez pas, et nous devons tenir sous ce cagnard jusqu'à dix-huit heures !

-Ah, mes pauvres dames... Mais j'y pense, vous n'avez pas amené Théo avec vous ? Ça fait un bout de temps que je n'ai pas vu ce petit bonhomme !

-Si, bien sûr que si, il s'achète un ballon juste là... Mais ? Théo ?

Et tandis que la musique de kermesse retentissait sur la place de la mairie de Langeais, couvrant les cris d'une mère inquiète, un ballon s'envolait, dernier souvenir d'un clown au sourire immense, mais aux yeux pleins de cruauté.

-Calmez-vous, Madame. Les routes ont été bouclées, il n'a pas pu sortir de la ville !.

-Mais je suis calme ! Oh, et puis non, mon enfant a disparu ! Comment voulez-vous qu'une mère puisse garder son calme dans ces moments ! Surtout après l'accident d'il y a 3 semaines !

-Je comprends, mais je vous prierai juste de nous aider pour les détails de base. Comment était habillé votre fils ? Et vous avez remarqué quoique ce soit d'anormal ? Peut être des amis à lui, il est peut être parti faire un tour avec eux.

Et tandis que le gendarme recueillait ces informations, l'officier en charge de l'enquête observait la scène de loin. L'officier de gendarmerie Clément était un grand homme, dans la force de l'âge. Ce n'était pas le premier cas de disparition d'enfants auquel il faisait face, et généralement tout ce terminait très bien, avec un bambin qui avait échappé à la surveillance de sa mère pour aller s'amuser avec quelques camarades. Mais trois semaines plus tôt, il avait été mis en charge de l'enquête concernant le fameux accident. Un soir, alors que ses parents organisaient une soirée, la petite Laura Kessler était sortie pour jouer avec un chat qui traînait devant chez elle. Quelques heures plus tard, ses parents donnaient l'alerte, constatant le lit vide de leur fille de 5 ans. La petite avait été retrouvée quelques heures plus tard, sur une route non loin, percutée par une voiture. Le chauffeur avait pris la fuite, laissant derrière lui une famille brisée. Les souvenirs hantaient encore le militaire.

-Il portait son cartable bleu... Il avait un jeans, un t-shirt orange avec un extraterrestre dessus. Il portait sa paire de Converse toute neuve et... Oh seigneur, faites qu'il ne lui soit rien arrivé, je vous en prie... »

La jeune femme éclata en sanglot. Les images, et les souvenirs de la veillée funèbre organisée en l'honneur de la petite Laura étaient encore dans tous les esprits, et n'importe quelle mère aurait fait de même.

« - Samuel ! Emmenez là chez Serkis, il devrait avoir de quoi l'aider à décompresser un peu. Et vous, là, commencez à ratisser la ville. On cherche un gamin de 6 ans, Théo Langevin, avec jeans, t shirt orange, et cartable bleu. Vérifiez les squares à proximité, on le trouvera d'ici ce soir.»

Et tandis que la machine se mettait en marche, un petit garçon jouait avec des Lego dans une grande pièce pleine de posters pour enfants. Derrière lui, son super-héros préféré, Batman, assommait d'un coup de poing son ennemi de toujours, le Joker. Théo s'amusait à construire un robot, sous l’œil attentif de son ami le clown

« -Et c'est vrai que vous êtes un ami de ma maman ?

-Oh, oui, répondit l'homme. Je la connais même très bien, je sais plein de secrets sur elle !

-C'est vrai ? Comme quoi ? Demanda l'enfant, avec un sourire plein d'espoir.

-Aha, mais si je te le disais, ça ne serait plus un secret !

-Oh... Déçu, l'enfant fit mine de bouder un instant, avant de retourner à son monde imaginaire.

-Mais ne t'inquiète pas, elle te retrouvera bientôt ! Je dois m'en aller un petit moment, je reviens vite ! Et si tu es sage, je te ramènerai des Legos en plus pour faire un montre encore plus fort !

-C'est pas un monstre ! Dit l'enfant, indigné. C'est Monstrozor, le plus puissant des robots !

-Ahaha, et bien, il deviendra encore plus puissant !, dit le clown, en pressant doucement une compresse contre la bouche de l'enfant. D'abord surpris, l'enfant écarquilla les yeux, avant de succomber aux effet de l’anesthésiant, plongeant doucement dans les bras de Morphée.

-Bonne nuit, petit monstre... . »

En partant, il ferma la porte a clé, avant de se diriger vers la salle de bain. Armé d'une compresse, il l'imbiba de lotion, pour effacer le maquillage qui lui couvrait le visage. Peu à peu, le joyeux drille laissa place au véritable monstre, et quand la dernière trace de blanc eut quitté sa peau lisse, quand la perruque eut rejoint le reste du déguisement sur la coiffeuse, il ne resta plus que deux yeux d'un bleu profond, plus profond que les pires abysses, et un sourire sans joie.

Le lendemain, les gendarmes et les forces de police locales n'avaient toujours pas remis la main sur le petit Théo, et malgré les médicaments du Docteur Serkis, sa mère était toujours aussi hystérique. Clément l'avait assignée à domicile, avec son numéro au cas où un détail lui reviendrait. Les recherches avaient été étendues au département, et le signalement du clown, aussi futile soit-il, avait été transmis à l'ensemble des polices du pays. « C'est quand même incroyable ! Elles organisent une kermesse, et aucune des deux ne se souvient avoir invité un clown ! Et pourtant, elle laisse son gamin aller le voir, comme ça ! » Le commissaire Fischer était hors de lui. A quelques semaines d'intervalle, deux affaires impliquant des enfants lui tombaient dessus, coup sur coup. Très mauvais pour sa réputation, et donc pour sa demande de mutation sur la Capitale. Pistonné dès son plus jeune âge, il avait réussi mystérieusement tous les examens entrepris, sans viser trop haut pour ne pas attirer l'attention. Et voilà qu'après 6 ans de bons et loyaux services ici, une affaire qui risquait de mettre en péril son avenir se dressait devant lui. Il était au téléphone depuis une heure et demi, à recouper toutes les pistes pour tenter de localiser l'enfant. Malheureusement, l'homme était intelligent, et égoïste, deux attributs qui ne faisaient jamais bon ménage. « Écoutez moi bien, inspecteur ! Il me semble évident que l'idée de chercher un clown aboutirait à un échec complet ! D'autre part, pour la mère, il faut partir sur l'idée que le gamin est vivant. Si demain, on ne l'a pas retrouvé, commencez à réduire les effectifs ! On ne peut pas se permettre de museler la sécurité du département pour un gosse qui a sûrement décidé d'aller s'amuser en forêt ! Et si vous vous faites encore du mouron, il n'a sûrement pas été écrasé, l'affaire à eu lieu en plein centre ville, il y aurait eu des témoins ! Compris ?... Bien ! Appelez-moi si vous avez du nouveau. C'est ça, au revoir ! »

Il jeta le téléphone sur son canapé, avant d'enfouir sa tête entre ses mains. Il était obsédé par le gosse. Il aurait pu le chercher, mettre tous les effectifs sur le coup, pour tenter de le retrouver le plus vite possible. Mais le plan de Fischer était autrement plus simple. S'il retrouvait le gamin, le mérite irait a Clément, et à ses hommes. Mais si le garçon venait à mourir, si il y avait effectivement un tueur en série qui rôdait dans les environs, il fallait le laisser faire. Pour l'instant. Le laisser faire une erreur, pour lui mettre le grappin dessus. Son statut de commissaire ferait le reste, et plus rien ne l'empêcherait d'être admis à la Capitale.

Le lendemain matin, Madame Prideaux prenait son petit déjeuner l’œil hagard. Elle n'avait pas fermé l’œil de la nuit, pour tenir compagnie à Madame Langevin. La pauvre femme avait pleuré toute la nuit, hantée par des cauchemars indicibles, où son petit ange lui était rendu, inerte. Malgré toute sa patience, et la douceur incroyable d'une professeur s'occupant avec amour d'une classe de CP, elle n'avait pu la consoler. La seule idée qu'elle eut, était de proposer au parent de la Jeune Laura de s'unir à elle pour la soutenir. Elle chassa bien vite cette ineptie de ses pensées, il ne fallait pas rouvrir la plaie de ce couple en deuil.

« - Hier matin... Je lui criais dessus... Je ne sais même plus pourquoi. Oh, Seigneur... J'espère qu'il n'a pas fugué.. Il est sûrement désespéré en ce moment... Pitié, rendez-le moi... Rendez moi mon garçon... »

Madame Langevin était nouvelle dans la ville, installée depuis moins d'un an après une rupture douloureuse avec son ex-mari. Il était resté à Lyon, et elle était venue s'installer à Langeais pour se rapprocher de sa famille, installée à quelques kilomètres de là. Depuis plusieurs heures, les appels de soutien se succédaient, l'information ayant été révélée à la presse. Son ex-mari lui-même avait appelé, la conversation fut laconique, mais elle sut qu'il était aussi bouleversé.

«- Tiens le coup, Flo. Il a besoin de toi, il aura besoin de toi quand tu le retrouveras. Si tu veux, je peut monter vous voir...

-Non... Non. C'est gentil, mais ça va aller. J'ai juste besoin... D'un peu de calme. Il faut que je te laisse, maman doit m'appeler. Bisou

-Courage, Florence. Bisou... »

Elle n'avait pas raccroché tout de suite, s'en était suivi un long silence sans qu'aucun des deux n'ose mettre fin à la conversation. Elle tenta un timide « Il faut qu'on parle... », puis se ravisa en appuyant sur Raccrocher. Elle pressa le combiné contre ses lèvres, posa son regard embué de larme sur l'enseignante à ses cotés, puis se leva doucement pour aller se coucher, et essayer de dormir.

Le message arriva à la gendarmerie sur le coup de midi. Laissé dans une enveloppe sans ordre, une simple cassette. Pour la quatrième fois d'affilé, toute l'équipe de recherche l'écoutait sans un bruit. La même voix lancinante, cruelle, emplit l'air, laissant ses mots de poison envahir la pièce.

« Bonjour... Vous n'avez plus à vous en faire, le petit Théo n'a pas subi le sort de la petite Laura, ahaha... Vous n'aurez pas à décoller ses morceaux épars du pare-choc d'une voiture... Il est endormi, pour le moment... Il est si mignon... Il vous sera rendu dans deux jours... La seule personne qui pourra choisir de son état à ce moment, est madame Langevin... Dites lui qu'il est temps d'avouer nos petits secrets... De sortir les cadavres du placard. Faites lui écouter ce message... »

-C'est un malade... Si ça se trouve, c'est lui le meurtrier de la petite ! On peut pas le laisser recommencer ! Lança un des hommes de Clément. Il faut relancer les recherches ! Mettre tous les effectifs ! Il faut...

-J'ai une empreinte ! On à une empreinte complète sur l'enveloppe !

-Il n'est pas si méticuleux, ce con...

L'équipe scientifique de la Gendarmerie d'Angoulême avait été dépêchée sur place pour l'occasion, établissant son Q.G dans une annexe désaffectée. Ils avaient pu installer les rudiments de matériel pour les identifications biologiques par le sang et les empreintes digitales et dentaires. Le reste, pour les identifications ADN, arriverait dans la journée.

« -On a repéré des traces de textile, sans doute le la laine, collées sur l'enveloppe. Le mec a du utiliser des gants, mais il les a enlevés pour refermer la missive ! On a une super empreinte de pouce, si c'est quelqu'un de fiché, il est foutu ! »

Sitôt passée au scanner, la base de donnée des polices européennes commença son investigation, comparant avec l'ensemble des fiches répertoriées. Au bout de quelques secondes de silence absolues, un message s'afficha a l'écran. Une correspondance avait été trouvée. La plupart des policiers détournèrent la tête, l'inspecteur Clément se contenta de crisper la mâchoire. Le nom qui clignotait à l'écran le hantait chaque nuit. Laura Kessler.

« Mais c'est pas possible ! Elle est morte, inspecteur !

-Je sais. J'étais à l'enterrement. Mais il faut qu'on aille vérifier quelque chose. A quelle heure ferme le cimetière de Langeais ?

-Mais arrêtez, un peu. J'y crois pas, à vos histoires de revenant !

-Réponds !

-... Il est déjà fermé. Mais il doit y avoir un gardien.

-Alors on y va. J'en aurai le cœur net »

La nuit tombait quand il atteignirent le cimetière. En plein mois de Juin, malgré la chaleur, l'ambiance sembla se figer quand ils passèrent les portes de fer forgé. Tout autour d'eux, des messages d'adieu, des anges, des fleurs. Le gardien avait accepté de leur ouvrir avec réticence, il avait fallu sortir les plaques pour le convaincre.

«-Je vous préviens, vous touchez à rien ! Faut les laisser se reposer, ces pauvres gens...

-Il faut juste qu'on vérifie la tombe de la petite Laura Kessler. On a peut être laissé des indices

-Pauvre gosse... Partir si jeune. C'est ici ! »

Le mausolée était flambant neuf, une plaque de marbre couvrant la dernière demeure de l'enfant. Ils allaient demander de l'aide, quand l'officier Degraves remarqua une fissure sur le coté de la plaque.

-Ah, je comprends pas, je l'ai scellée y'a pas dix jours !

Avec l'aide du gardien, les hommes poussèrent la stèle pour révéler le cercueil.

-Nom de Dieu... Tu vois, c'est pas un revenant. C'est un malade

-Oh la vache...

Au fond du trou, le cercueil éventré laissait voir le cadavre de la jeune enfant. Pas une goutte de sang n'avait coulé quand le meurtrier s'était penché pour lui couper le pouce. A la place, dans le poing serré de l'enfant, un mot avait été griffonné à la hâte. « Pardonne-moi ».

« La blessure est nette, elle a été pratiquée post-mortem. D'après les résidus qui entouraient la plaie, ça a été fait il y a moins de 2 jours, avec un instrument tranchant, style cisaille. Ça doit être une sorte de signature, ça m'étonnerait pas qu'un gosse disparaisse d'ici peu, et que le prochain message porte l'emprunte du petit Théo » Le légiste avait annoncé ça sur un ton monocorde, faisant fi de la bienséance que l'on voue normalement aux affaires impliquant des enfants. « A part ça, aucun autre résidu corporel, pas de cheveux ou de salive. Il devait porter des gants, et un bonnet, ou n'importe quelle protection du genre .

-Donc ? Aucun moyen de l'identifier ?

-Non... On a rappelé le gardien, il a rien vu, il devait être en train de faire sa ronde. Non, le seul détail qui m'intrigue, c'est l'outil utilisé pour couper le pouce. C'était super précis, juste sur la jointure. Vérifiez au cimetière, il l'a peut être laissé là-bas. »

En bordure du village, le Clown venait de terminer son œuvre. Si tout se passait bien, il aurait fini son travail avant la fin de la semaine, ce qui lui laissait 3 jours. Il sortit son vieux coupe-cigare de sa poche, et s'autorisa un petit plaisir avant de retourner à ses occupations. Il descendit ensuite à la cave pour retrouver le petit Théo, qui dormait encore du sommeil du juste. Autour de son lit, étaient éparpillés des affaires qui appartenaient à Laura. C'était principalement des jouets pour filles, mais il avait pu trouver son bonheur dans les jeux de construction. Sans dire un mot, l'homme contempla l'enfant, et une larme perla sur sa joue. Craignant qu'il ne se réveille, il fit demi-tour, sortit, et murmura quelques mots en verrouillant le cadenas qui maintenait la lourde porte.

« Ne t'inquiète pas, mon amour. Je te vengerai, tu pourras trouver la paix. »

Il remonta au rez de chaussée, pris une douche, avant de sortir son costume de la machine à laver. Il avait toujours adoré ce costume, jusqu'à la mort de Laura. Il jouait le rôle du Clown lors des anniversaires, avec son nez rouge, son pantalon jaune bouffant, et sa perruque rouge criarde. Beaucoup d'enfants avaient peur des clowns, mais pas de lui. Il savait les faire rire, les surprendre, avec les petits tours de passe passe dont ils raffolent. Thomas Kessler avait toujours été un père de famille exemplaire, aimé de tous. Mais la mort de sa petite princesse l'avait brisé. Essuyant ses larmes, il mit son déguisement dans un sac de sport, avec le reste de l'attirail, avant de mettre le tout dans sa voiture, pour retourner vers le centre-ville, et vers sa vengeance.

«-C'est quand même dingue ! Une kermesse avec une centaine de personnes, et pas un seul indice ! On a pas le début d'une piste, rien ! Dit Clément, la tête entre les mains. On a la pression des médias, et déjà 2 familles qui ont préféré retirer leurs enfants de l'école municipale pour déménager ailleurs. Et l'autre abruti de Madache ! Tu as vu le titre de son dernier article ? « Le tueur d'enfant sévit à Langeais ». Merci la publicité pour la ville...

-Je sais, reprit Fischer. Ça me bouleverse autant que vous, mais il faut essayer de tourner la page. On doit enterrer cette affaire au plus vite, pour le bien de tous. Ça ne ferait que rouvrir les plaies de l'affaire Kessler ! Et ça nuit à l'image de..

-Avec tout le respect que je vous doit, commissaire, allez vous faire foutre ! Coupa Clément. Pas la peine de faire l'ENA pour comprendre vos magouilles pourries, et que vous le vouliez ou non, on cherchera le gosse en priorité, avant de chercher son agresseur. Si on a la moindre chance de le récupérer vivant, je veux bien sacrifier ma carrière pour. A vous de voir si vous voulez vous joindre à nous, mais n'oubliez pas que mon rapport sur cette affaire sera extrêmement détaillé, et je n'oublierai pas d'y mentionner les aides -ou les obstacles- éventuels.

-Vous..

Tous les regards étaient tournés vers les deux hommes, le ton de Clément ayant augmenté au fil de sa tirade. Blême, Fischer se contenta de hocher la tête, en bafouillant un timide « Très bien ... » avant de quitter la salle précipitamment.

-Bon, et j'espère que c'est clair pour tout le monde ! On a perdu une part de nous dans l'affaire Kessler, et j'ai pas envie de revivre ce drame. Tout le monde s'y met, je dois aller vérifier des infos auprès de la mère.

Kessler arriva chez Mme Langevin en début d'après-midi. Le soleil était encore haut, pourtant, tous les rideaux étaient fermés, comme pour un jour de deuil. Lentement, il revêtit son costume, appliqua le maquillage, avant de quitter la voiture pour entrer rapidement dans la petite cours pavée. Malgré la proximité avec le centre-ville, la rue était peu fréquentée, et personne n'aurait pu le voir sur un laps de temps aussi court. La porte n'était pas verrouillée, il entra donc sans souci, une compresse de chloroforme dans une main, un cutter dans l'autre. Immédiatement dans l'entrée, de dos, il vit Madame Prideaux, assoupie dans un fauteuil. Sans un bruit, il se glissa derrière elle, appliquant le chloroforme contre ses voies respiratoire. La vieille dame se débattit en vain pendant quelques secondes, avant de s'endormir pour de bon. Il se figea, pour vérifier que personne ne l'avait entendu, avant de commencer à explorer le reste de la maison. Dans une chambre, au fond du couloir, il trouva sa proie, assoupie. Silencieusement, il prit une chaise, l'installa au pied du lit, avant de s'asseoir, attendant qu'elle se réveille.

« -Il m'intrigue, ce Clown. On a tous les recoupements des témoins, et l'équipe technique à pu faire un dessin de l'individu. Je suis sur de l'avoir déjà vu, mais impossible de me rappeler où.

-Essaie de faire fonctionner ta mémoire ! Si tu l'as déjà vu, ça veut peut-être dire qu'il vit dans le coin, ça serait pas mal pour réduire le cercle des recherches.

L'inspecteur Wojiek, celui là même qui se disait captivé par le Clown, avait remarqué que les 2 enfants disparus étaient inscrits à la même école. Pas vraiment un indice, puisqu'il n'y avait qu'une seule école dans le village, mais il les avait déjà vus ensemble ailleurs, avec son propre fils, Michaël.

« -Oui, ça me revient ! C'était à l'anniversaire de la môme ! Il était déjà là, il prépare ses coups !

-Chez les Kessler ?

-Affirmatif ! Il faisait des tours de Magie pour les enfants, je l'ai vu en allant chercher Michaël. Faut appeler chez eux, ils ont peut être des infos sur lui ! »

Après trois essais infructueux, Degrave et Wojiek décidèrent de se rendre au domicile des Kessler. La route était dégagée, ils mirent moins de dix minutes pour y arriver. Personne ne répondit lorsqu'ils toquèrent à la porte, les deux gendarmes firent le tour pour chercher un autre accès. Soudain, l'un deux remarqua, à travers une fenêtre, des ballons gonflés d'hélium. Les mêmes ballons décrit par les enfants à la Kermesse.

-Oh nom de... Appelle Clément, dis lui qu'on a un truc ! »

En se réveillant, Madame Langevin voulu hurler, mais un bâillon lui maintenait la bouche fermée. Devant elle, un clown était tranquillement assis, faisant tourner un cutter entre ses doigts. Il se concentre dessus un instant, avant de détourner son regard sur elle.

« -Bonjour, très chère... Je suppose que malgré le maquillage, vous voyez qui je suis .

La jeune femme ne put que sangloter, hochant piteusement la tête, tandis que ses larmes humectaient son bâillon.

-Bien... Vous n'avez pas jugé utile de tenir compte de mon message, à ce que je vois. Sinon, vous ne seriez pas ici, dans votre lit douillet. Je me trompe.

Négation cette fois-ci, toujours entrecoupée de sanglots.

-Vous saviez que ça arriverait. Il faut toujours faire face aux conséquences, un jour ou l'autre. Vous m'avez volé ma fille, mon trésor. Je l'ai su grâce à Michaël, un de ses camarades. Nous étions presque voisins, vous devriez le savoir ». Il se leva, fit quelques pas jusqu'à la fenêtre, avant de tirer les rideaux. « Un soir, alors que sa mère et moi avions organisé une petite soirée, elle est sortie pour aller chez lui, jouer avec son chat. Mais il y a deux routes à traverser, pour aller jusque là. Qui aurait pu prédire que la vie de Laura s'achèverait sur une de ces routes ? Mais il y a eu un témoin... Le petit Michaël, qui l'attendait non loin de là. Il est venu me voir après l'enterrement, il n'en avait parlé à personne, et il a reconnu la voiture avec laquelle vous les emmeniez au foot tous les Mercredis. Les enfants m'adorent, alors j'ai fait comme si c'était un jeu, un secret, et il m'a promis de ne le répéter à personne d'autre. Et nous voilà au dénouement, aujourd'hui. Vous avez pris ma fille, et j'ai pris votre enfant. Équitable, non ?

En face de la maison, la voiture de l'officier Clément venait de s'arrêter. Il resta un long moment sans bouger, se contenant de regarder la porte, pensif. Puis il décrocha sa ceinture, ouvrir la portière, et se dirigea d'un pas résolu vers sa Vérité.

-Je ne suis pas un vrai tueur, reprit le Clown. Je l'ai su avec Théo, je n'aurai pas pu lui faire du mal. Il me faisait confiance, comme Laura vous faisait confiance. Mais il faut une justice. On ne peut plus me rendre ma Laura, et je ne peux me résoudre à blesser un enfant. Alors vous partirez à sa place.

Et en disant cela, il se leva, pour s'approcher du lit, le cutter à la main.

«- Clément réponds pas ! Merde, qu'est ce qu'on fait ?

-On y va ! Si ça se trouve, le gosse est la dedans. Fouille le rez de chaussée, je vais à l'étage !

Dix minutes plus tard, il trouvèrent l'accès à la cave, et la fameuse porte en acier. Plaquant son oreille, Wojiek tenta de distinguer un bruit. Sortant son arme, il mit en jour le cadenas, tandis que Degraves se préparait à tirer sur un éventuel agresseur

-A mon signal, un deux... ! »

Le coup de feu retentit, pulvérisant le cadenas. La porte s'ouvrit sans un bruit, révélant l'enfant apeuré, au milieu de ses amis imaginaires. Voyant qu'il n'y avait plus rien à craindre, les deux hommes rangèrent leurs armes, avant de se pencher sur le garçon.

« -Hé bonhomme ! Ça te dit un bon goûter chez ta maman ? »

Il n'en fallut pas plus pour convaincre le gamin affamé, qui monta sans rechigner avec eux pour rentrer.

Du sang maculait le papier peint et les draps. Madame Langevin était figée, les yeux encore grand ouverts. Sur le lit, étendu de tout son long, se trouvait Thomas Kessler, serrant toujours son arme. Derrière lui, Clément observait la scène, le canon de son arme fumant toujours. Il restèrent un long moment, sans bouger, puis il laissa son arme tomber sur le sol avant de dégager le cadavre du lit

« -Tout... Tous va bien ? Il ne t'a pas touchée ?

-Non... Non, je ne crois pas. Oh mon Dieu, Clément, qu'est ce que tu fais là ?

-Je devais te parler de l'accident... Tu sais. Il fallait qu'on.. »

Il fut interrompu par la sonnerie du téléphone de la maison. Elle décrocha, et des larmes de joie commencèrent à couler le long de ses joues.

« Ils ont retrouvé Théo... Il est sain et sauf. D'après eux, c'était Kessler tout du long, même pour l'accident.

-Mais... Il faudrait leur révéler la vérité, un jour. Sur nous deux, sur cette soirée. On était tous les deux dans la voiture !

-Non... Je pense que c'était un signe, le coupable idéal a été trouvé. Et je ne veux plus être séparé de mon ange.

-...Tu pourras vivre avec ce fardeau ?

-Je pourrai... J'ai enduré le pire, aujourd'hui », dit-elle avec un sourire forcé.

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