Sous l'arbre jaune

david-b

C’est un jour comme un autre. La douce herbe verte se laisse valser par le vent, cette brise qui glisse le long des feuilles et des fleurs aux senteurs toutes issues du printemps s’avenant. J’aime le printemps. Aux premières couleurs roses jaillies des profondeurs de l’hiver, je viens, chaque année, me recueillir sous l’arbre jaune, l’arbre sous lequel je suis mort il y a bien longtemps. J’aime cet endroit. Je le trouve si paisible. Il y a toujours ici comme un parfum de renouveau, quelque chose de fini, parti, et la jouissance d’un ailleurs, d’une inspiration grande, imminente, inconcevable, intouchable, les ailes de l’éther, l’autre côté du rideau blanc porté par le vent. C’est ici que j’ai trouvé l’intemporel. C’est ici que j’ai commencé à suivre le parcours depuis longtemps entamé du temps et du monde depuis toujours… J’aime l’intemporel. Il est le sensationnel. Il est ce pourquoi j’ai vécu. Il est ce pourquoi je suis ici. Ce pourquoi j’attends, à présent, sous l’arbre jaune. Le vent souffle, les ombres se déplacent au gré des nuages qui se meuvent dans le ciel, pénombre, éclaircie, éclaircie, et je vois quelqu’un s’approcher au loin vers l’arbre. Je crois connaître cette personne, et cela faisait longtemps que je ne l’avais pas vue. C’est moi. J’ai l’air jeune. Mais je suis jeune. Le ciel plonge dans mes yeux, mon regard innocent des jours ici et là, et je ne suis pas seul, je veux dire cette personne qui vient, je suis accompagné d’une jolie fille, une blonde aux yeux fantaisistes teintée d’une aura verte délicieuse, je suis heureux et touche l’arbre, touche l’arbre la demoiselle au bout du bras et je me penche vers elle, l’embrasse en un élan de tendresse infinie, une plongée dans l’amour qui lui laisse un sourire indéfinissable, elle lâche un petit cri, j’en suis plus heureux, elle est heureuse, et je commence à laisser ma main s’emparer d’elle lorsque d’un éclair un soupir ? elle fait jaillir d’elle un couteau dont la lame transpercera mon cœur l’amour transpercé et soudain sombre chute mon corps tandis qu’elle demeurée silencieuse de son pas si gracieux prend la fuite fuit vers ses horizons à elle, et je me meurs, je meurs, et pars me rejoindre, moi ici sous l’arbre, qui attend encore et toujours, et je me vois, c’est assez incroyable, je me vois sous le jour de l’intemporel, comme je parais beau sous l’effet de cette lumière indescriptible tant elle est irréelle, mais c’est bien moi, un moi de moi que je ne connais pas, inaccessible, et j’ai beau tendre le bras il n’en paraît que plus fantastique et dans les couleurs du jour commence à disparaître, et je lui implore de revenir, de me parler, de tout me dire, s’il te plait dis-moi tout mais déjà d’un éclat le soleil réapparu j’ai disparu tandis que je continue d’attendre sous l’arbre le bonheur le bonheur qui est là en ce sentiment que je suis heureux en ce sentiment cette sensation que tout est partout et que dans cette légèreté éternelle rien n’importe car tout est là toujours là sous l’arbre et la mort dans le cœur j’agonise au pied de l’arbre j’agonise dans les bras de ma dulcinée la tendre vie.

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