Spirale - Roman policier

juliesma

Un enfant a disparu. L'enquête se déroule à quatre yeux. Ceux de sa mère désespérée mais mystérieuse, Alicia Keller, et ceux du commissaire James Howard, déterminé et empathique.

Introduction

Cette année, le mois d'octobre avait été particulièrement doux. Puis l'hiver s'était doucement installé. Puis, après Noël, de merveilleuses chutes de neige épaisses avaient comblé les joyeuses bandes d'enfants. Le froid était glacial mais la beauté de ce paysage blanc réchauffait les cœurs. Dans la petite ville de Campson, la vie s'écoulait paisiblement, loin du stress connu des métropoles. À Campson, on prenait soin de sa famille mais aussi de ses voisins et de ses amis. À Campson, on allait travailler à vélo en plaignant les pauvres citadins collés les uns contre les autres dans les transports en commun. Et on accueillait chaque nouvel habitant d'un sourire salvateur pour les féliciter d'avoir choisi le bien-être ensoleillé de la campagne provençale à la pollution des agglomérations. Cet environnement était idéal pour les familles qui s'y sentaient en sécurité pour élever leurs enfants. Jusqu'à ce matin de janvier….

 

Chapitre 1

16 Janvier 2018 : Le commissaire James Howard avait été réveillé à cinq heures du matin par la sonnerie de son portable. Le sursaut provoqué par ce réveil brutal avait failli le faire tomber de son lit. L'écran affichait le nom du lieutenant Manny Stevens. « J'espère qu'il a une bonne raison d'appeler à cette heure, grommela James avant de décrocher. A côté de lui, sa femme était bien éveillée. Elle guettait la réaction de son mari à cet appel matinal. Margaret était férue de polar et à l'affut du moindre fait divers annoncé par la presse nationale. Les émissions sur les meurtres élucidés avaient sa préférence car elle aimait connaître comment l'histoire s'était terminée et savoir que le coupable avait été arrêté. Elle écoutait avec attention les témoignages et suivait le cheminement depuis la découverte du corps jusqu'à l'issue heureuse ou dramatique. C'était d'ailleurs cette étrange passion qui lui avait permis de rencontrer James lors de leurs années d'étude à Nice. Cela n'avait pas été un coup de foudre physique mais plutôt une question de personnalité. James était de taille moyenne, un tête ronde joviale et un ventre de buveur de bière. Lui, son truc c'était les bd de super-héros. Ce ne fut que lorsqu'il évoqua préparer le concours de police que Margaret, belle femme coquette et gracieuse étudiante institutrice, s'était intéressée à lui. Au fil de leur conversation elle avait découvert un homme plein de qualité. Plus James avançait dans ses études et plus il s'affinait, ses muscles se dessinant petit à petit. En épousant un flic, Margaret s'attendait à assouvir sa curiosité morbide mais la monotonie du quotidien de la police de Campson ne lui offrait rien de sanglant. Jeunes mariés, ils avaient eu envie d'avoir des enfants mais, après plusieurs examens, le verdict était tombé : Margaret était infertile. Leur peine fut immense et ils furent à deux doigts du divorce. En tant qu'institutrice, chaque jour passé auprès des enfants de se classe lui rappelait qu'elle n'en aurait pas. Elle déferlait sa frustration sur le pauvre James en l'inondant de reproches.

Pour sauver leur mariage, il avait proposé une thérapie de couple qui s'était révélée très efficace. Le spécialiste leur avait proposé de lister les raisons principales pour lesquelles ils étaient tombés amoureux. Pour James, c'était son élégance et sa détermination qu'il avait admirée. Lorsque le service n'était pas à la hauteur de ses attentes, elle obtenait toujours un geste commercial. Margaret avait noté la galanterie et le courage de James. Il insistait toujours pour payer l'addition et n'hésitait pas à s'impliquer dans des querelles pour défendre les innocents. Leur couple était devenu plus fort et plus solide que jamais même si Margaret gardait la crainte que James la quitte pour une autre femme capable de donner la vie. Elle voyait son regard envieux lorsqu'ils croisaient un enfant lors de leurs promenades. Mais il était resté à ses côtés et lui montrait régulièrement son affection en lui offrant des fleurs ou des friandises. Elle lui rendait sa gentillesse en l'ayant encouragé à gravir les échelons de la police et à atteindre le grade convoité de commissaire. Elle lui avait appris la discipline et l'organisation en lui faisant réviser ses concours. Elle adorait particulièrement les cas pratiques. L'école de police fournissait à ses élèves un dossier complet avec les indices relevés, les dépositions de témoins et le profil de la victime. Margaret s'appliquait à les décortiquer et à les résoudre. Cet exercice était resté à l'état de théorique lorsqu'il fut affecté à Campson.

Mais ce matin de janvier, en observant le visage soucieux de son mari, Margaret compris que quelque chose de grave s'était passé. James était concentré sur la voix de Manny qui lui expliquait brièvement les faits. Lors de sa formation, le commissaire avait insisté sur l'importance de pouvoir résumer en une phrase l'événement rapporté. « Commissaire, on a trouvé des vêtements appartenant à un enfant, route de la Grande Dame. Il y a du sang. Venez vite. » « J'arrive ». James raccrocha et se tourna vers sa femme, l'air livide.

« Que se passe-t-il James ? Dis-moi !

-  Je dois y aller immédiatement. Cela concerne un enfant. »

À ces mots, Margaret se sentit honteuse du double sentiment qui l'animait. A la fois horrifiée de cette nouvelle, elle ressentait une excitation incontrôlable de pouvoir suivre une enquête dans la vraie vie. Elle aurait aimé être une petite souris pour se faufiler au commissariat et suivre de près les investigations.

James enfila les vêtements de la veille et marcha rapidement jusqu'à sa voiture. En plaçant sa clé pour la faire démarrer, il remarqua que sa main tremblait légèrement. Manny avait fait allusion à un enfant. Que s'était-il passé ? Il inspira profondément et appuya sur l'accélérateur. Il traversa le village éclairé par les lampadaires, passa devant des maisons aux hôtes encore endormis, et tourna à droite vers la route de la Grande Dame. Au loin, il aperçut les lumières des voitures de police déjà sur place. Il gara sa voiture devant la barrière de sécurité encadrant la zone, enjamba la bannière indiquant « Ne pas entrer » et rejoignit Manny qui se tenait près d'un arbre. « Bonjour Commissaire. » le salua-t-il. Muet, James observait les vêtements qui jonchaient au pied de l'arbre. Un pyjama composé d'un t-shirt avec un dessin de dinosaures et d'un pantalon noir maculés de tâches de sang. Il avala sa salive, luttant contre un mauvais pressentiment qui l'envahissait.

« Bonjour Manny, alors on en est où ?

- Les vêtements appartiennent à un garçon de 6 ans, on a lancé la recherche d'empreintes. Il y a des traces de sang, les relevés sont en cours.

- Qui a fait la découverte ?

– Un homme, Adam Trevor. Il est dans l'ambulance, choqué. 

- Allons l'interroger » décida James.

 

Chapitre 2

Décembre 2017 : La période des fêtes de fin d'année était la préférée d'Alicia. Durant quelques semaines, les illuminations venaient chauffer son cœur de tendres moments. Si en semaine elle ne voyait ses enfants que le soir en rentrant du travail, elle savourait chaque week-end passé avec eux. Dès qu'ils rentraient de l'école, elle préparait leur goûter d'hiver : une grande tasse de chocolat chaud avec un marshmallow et des tartines beurre-chocolat. C'était un instant délicieux, suspendu, savoureux. Contrairement à la saison estivale où les enfants jouaient seuls dans le jardin, l'hiver permettait à Alicia de partager leurs jeux de société en intérieur. Pendant que mère et fille jouaient au Monopoly ou la Bonne Paye, le petit dernier, Victor, lisait dans un coin du salon. Sa fille, Mélina, était mauvaise perdante et Alicia prenait plaisir à annoncer « J'ai gagné » pour la taquiner. L'écart d'âge entre le frère et la sœur de huit ans était important et même si Alicia avait un lien fusionnel avec sa fille, elle organisait des sorties tous les trois pour que Victor ne se sente pas exclu. Elle profitait largement des offres proposées par le comité d'entreprise de la banque Lemanski où elle travaillait : séances de cinéma, piscine, zoo. Attirant de plus en plus de clients au gros capital, la banque était de plus en plus généreuse avec ses employés et distribuait des chèques vacances qui permettait à Alicia et ses enfants de profiter de vacances d'été au bord de la mer. La mère de famille se désolait de devoir refuser de payer les loisirs nautiques que ses enfants réclamaient chaque année.

Ses difficultés financières étaient liées au coût de l'emprunt fait pour la maison. Alicia était devenue experte pour repérer les bons plans parmi les soldes et les ventes privées. Elle concentrait ses dépenses « extra » pour Noël en offrant plusieurs cadeaux à ses deux enfants. Elle leur faisait autant plaisir qu'à elle. Voir Mélina s'émerveiller devant un jeu de société ou Victor rire de joie en découvrant ses nouveaux jouets dinosaures la rendait heureuse. Cette année encore, leur père ne s'était pas manifesté pour les voir. Depuis leur séparation peu après la naissance de Victor, il s'était construit une nouvelle vie. Normalement, il devait leur verser chaque mois une pension alimentaire mais lorsqu'au bout de six mois les virements cessèrent, il fit le mort en ne décrochant pas son téléphone malgré les appels d'Alicia à répétition. Son salaire de réceptionniste à la banque lui permettait de payer le remboursement de la maison et de subvenir aux besoins de ses enfants, les pâtes étant devenu l'aliment de base pour la plupart de leurs repas. Elle ne manquait pas de créativité pour les agrémenter de sauces pour satisfaire le besoin de diversité de ces enfants : carbonara, sauce aux tomates fraîches, pesto… elle avait dressé une liste des produits essentiels et faisait exception uniquement pour les anniversaires et pour Noël. Ses enfants choisissaient alors le menu de fête qui alternait entre la pizza et les hamburgers, les goûts n'évoluant pas avec les années qui passaient. Alicia s'achetait des huitres pour son petit plaisir à elle. Fervente défenseuse des animaux, Mélina ne supportait pas la vue de ces fruits de mer. Cette année, à la rentrée scolaire, elle avait même déclaré à sa mère vouloir devenir végétarienne. Elle montra à sa mère des vidéos qui montraient le mauvais traitement des animaux. Pour Alicia, les regarder lui était insupportable mais Mélina lui assurait qu'il était nécessaire que toute la terre se rende compte de la cruauté des humains. Alicia s'était pliée à sa volonté en adoptant elle-même également ce régime. Seul Victor, en pleine croissance, n'était pas privé de consommer de la viande tant que sa grande sœur n'assistait pas à son repas. À 14 ans, Mélina avait grandi bien plus vite que ses camarades. Elle était compétitive, recevait toujours la meilleure note dans toutes les matières et connaissait la valeur de l'argent. Cette année, elle avait reçu pour son anniversaire une enceinte nouvelle génération de sa mère. Elle savait que son prix était élevé et se demandait comment sa mère avait pu lui offrir un tel cadeau. Désireuse de comprendre, elle avait fouillé dans ses tiroirs et son sac à main, sans résultat. Un soir, alors qu'elle était allée boire à la cuisine, elle avait surpris sa mère vêtue d'une nuisette légère. Elle l'avait observée depuis l'entrée du salon et l'avait vu se déhancher devant son ordinateur. Mais le canapé lui cachait la vue de l'écran, ne lui permettant pas de savoir exactement de quoi il s'agissait.

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