• La Chute •
Sandra Von Keller
En cette infâme fragilité inguérissable qui me colle à la peau, je veux retirer de ma chair toutes les épines qui y sont plantées.
Je ne peux atténuer ce qui me transperce mais, je veux dévorer la vie, pourvu qu'elle soit encore fraîche. La rage de Vaincre, Magistrale et Majestueuse, je ne veux plus m'arracher l'épiderme pour des Princes d'une Nuit. Cette Mascarade de tyrans avides de plaies internes.
Une véritable Machinerie.
Je veux repeindre mes souvenirs avec des couleurs un peu frivoles. Je ne veux plus endurer. Je veux en rire. Pas en pleurer. Je veux vénérer la Souffrance. En faire une Extase ignoble. Un plaisir morbide. Saisir ces larmes misérables et en faire de l'encre sur papier.
Je ne veux pas émouvoir.
Je ne veux pas faire sourire.
Je ne veux pas faire de Mal.
Je ne veux pas faire de Bien.
Je veux juste faire de ma Dame Mélancolie une pureté sans nom où la douleur en sera délicieuse. Presque Exquise. Faire de mes laideurs une beauté sans pareille sous un voile de Cruauté.
Les mépriser avec amour. Les taquiner avec délicatesse... Peu importe d'être Écorchée à Vif. Je ne suis pas comme tous ces petits monstres égoïstes. Dans mon Chaudron marécageux, ce funeste Trésor bourdonnant de splendides sarcasmes, il n'y a pas de place pour les charmantes épopées spleeniques.
Je n'aime pas votre poésie puant l'Amour aux vers boiteux.
Je ne songerai jamais à vos mièvreries à en faire chialer les Violons. Je préfère gémir dans ma démence, ce Feu dévorant, c'est ma manière d'Aimer.
Pseudo Romance. Spectatrice d'une immonde Cadence.
Tu m'enlaces et je me lasse...
Je t'encrasse comme un Infirme Amant.
De mon cœur balafré, de mes poumons comprimés, je serre les poings, je serre les dents. Les prunelles enflammées face à ces émotions disproportionnées, cette multitude de dualités où je
recherche la Paix. Damné soit mes Amants.
J'aimais avec grande Ironie, leur caresses rugueuses, leur sourire d'hypocrite, ce qui faisait d'eux, une lâcheté aussi âpre que possible.
Courbée comme une enfant, les paupières décapées par une tristesse épuisante, je taisais l'écœurement au creux de ces draps qui n'étaient pas d'or. Rêvant de leur jeter mes Angoisses en pleine figure...
Alors, Oui... Désormais, je veux dévorer avec grande gourmandise la Vie, pourvu qu'elle n'ai plus cet arrière-goût d'Amertume... Je ne veux plus être ivre de souvenirs ni que tout s'arrête autour de moi. Je veux aspirer à grande goulée ce qui reste encore de bon au fond de cette bouteille où mes infimes gorgées ne furent qu'un Vice Poison. Je veux oublier ces rues grisâtres. Ces visages dissimulés. Cette saveur sanglante...
Me voilà, pauvre Idiote, à oser espérer en un Homme qui aurait, lui aussi, cette rage de vivre et cet âme d'Enfant.
Je ne veux plus me sentir seule avec mes envies insatiables, mes désirs ardents d'un cœur qui veut battre.
Je ne veux plus faire en sorte d'être blindée comme un blockhaus. Armée jusqu'aux dents de peur de ne plus connaître cette Faille et me perdre dans les méandres de ce Rêve inconquis. Le temps passe, l'Espoir s'efface. L'Ange s'éloigne.
Le démon demeure. Libérez moi de ces griffes...
Ne crachez plus vos belles paroles. Gardez votre venin. Je ne veux plus patauger dans cet Enfer... Et dans toute cette ambiguïté qui pèse très lourd dans mon cœur, je prierai presque pour que tu m'Aimes au delà de toute cette virtualité.
Au delà de la noirceur, mon cœur demeure tout de même d'une pureté à faire fondre. Prisonnière et pétrifiée dans ma petite Prison de Verre, je conserve cette effroyable crainte de n'être en mesure que d'assouvir et non de conquérir...
Le plus douloureux est d'étouffer mes Espérances. Je ne cesse d'Alimenter cette probabilité et je m'efforce de ne pas m'emporter, mais je perds de plus en plus le contrôle de mes Sentiments...
Si la Chute est éventuelle, elle sera Brutale.
(Et elle le fût...)