Sur le fil - Boxeur

Nadja Anane

Ce texte est la première version d'une voix-off que j'ai écrite pour un film court que j'ai réalisé. http://www.dailymotion.com/video/xz9ipt

10.Tu vois cet instant où la vague gronde et se retire, où la vague rassemble ses forces avant de te foncer dessus ? Bah moi jsuis piégé dans cet instant là. Dans cette tension. Mon sang bourdonne. Ça fait comme un crescendo, là juste sous ma peau. Tu sens cette rage, cette énergie ?  Je sers les poings. Je veux sortir de moi.94ème combat…

9. Bam. Je suis enfermé dans un corps trop petit, et je bouillonne.Jsuis dans l’Avant. Il me manque quelque chose. Quelque chose que j’irai chercher à coups de dents. Quelque chose que j’attendrai à force d’envies.Donnez-moi les armes.J’veux grandir, à coup de poings vers le haut. Jveux que mon bras donne l’impulsion, et le reste suivra.Il me faut des gants.

 8.Pour l’instant y’a que mon miroir qui voit ma rage. Rage d’exister.C’est mon reflet que je veux combattre, le reste j’m’en fous. J’m’en fous mais ça m’entoure. Je tape sur du cuir, et cette odeur devient mon quotidien. J’inspire et j’expire l’odeur de la salle d’entrainement, l’odeur du cuir. Cuir mouillé, pourri par tant de combats. Cuir abimé, réceptacle de toute la rage de l’humanité. Et de tous les espoirs, aussi. 

7.Et puis jsuis plus tout seul. Y’a des cris, qui m’entourent et me rehaussent. Des cris qui m’accompagnent, qui font que jme lève, que je combats, que jfais semblant de pas avoir peur. C’est toujours la même voix, un peu rauque, qui s’accompagne de tapes sur l’épaule. Merci, coach. C’est marrant, quand j’combats, y’a beau avoir une foule, j’entends que toi

.6. J’veux laisser mon corps penser à ma place. Droite-gauche-esquive, putin c’que ça va vite. J’suis dans un long couloir et je cours. Et je frappe. Et je cours. Et j’esquive. Et j’écoute ta voix, coach. J’cours comme pour échapper à un truc. T’sais  comme quand t’es petit et que t’es dans l’noir et qu’il y a un frisson de frayeur qui te chope le dos et s’accroche à ton corps. Ce truc qui te monte… ouffhhh… putain… la flippe.

 5. J’ai voulu laisser mon corps s’exprimer, et maintenant il me parle. Il me fait froid. Il tremble et il respire. Il se contracte et me bloque. Putain de lui, putain de moi. Alors le combat commence. Mon corps, jveux qu’il soit à moi. Avec moi. Pas contre moi. J’appelle mon coach, et à deux on le dompte. On l’enlace et on l’étire, et l’enferme et on le renforce, on lui met des limites sous formes de bandelettes. On l’échauffe, et cette fois c’est moi qui respire. Nous ne sommes qu’un, et je suis fort. 

4.On ne peut pas se battre contre le temps. On voudrait que le combat n’arrive jamais, et en même temps qu’il arrive tout de suite.Merde, c’est long / Merde, donnez-moi plus de temps. J’suis là, mais pas vraiment. J’peux vous répondre, mais jsuis ailleurs. Je fixe un point dans le vide.  Tout le reste me paraît flou. J’suis dans le vestiaire… et jsuis dans une autre dimension. 

3.Le coach me dit « Gauche/ Droite », et moi je me rappelle que quand j’étais petit je voulais faire autre chose… être autre chose. « Droite. Ta jambe en avant ». J’voulais me sentir capable. Différent. « Encore une fois… Gauche / droite… Jambe.. OK.. souffle » J’existe. 

2. J’ai peur. 

1. Combattre. Contre moi-même. Et promis, je rendrais tous les coups que je recevrais. 95ème combat…

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