Survivre ? On devrait dire sous-vivre.
lull
D'abord c'est le choc. La surprise. L'inattendu. Tu le redoutais. Tu savais que ça arriverait. Mais aussi tôt, aussi subitement, non. Ton monde s'écroule et tu tiens mal sur tes jambes. Mais tu souris, pour ne pas t'effondrer. Tu parle d'autre chose et tu fais comme si. T'es trop mal pour te poser mille questions. Il n'est plus là, c'est la seule chose que tu sais. Tout semble se précipiter autour de toi, tu manque d'air. Tu sais que tu ne peux rien montrer, rien dire. Tu te contente de dire, " c'est con j'ai même pas pu lui dire au revoir".
Les jours passent et tu ne veux pas entendre. Mais dans ta tête les mots résonnent. Tu ressens déjà le manque. Le vide. Tu te crée une jolie petite prison et tu avale la clef. Tu rassemble tout et n'importe quoi qui puisse te faire penser à lui. Tes illusions sont mutilées mais il te reste tes souvenirs. Et tu mise tout là dessus. La moindre photo, le moindre petit bout de papier avec son écriture, la musique que vous avez écouté ensemble. Tout est prétexte à t'enfoncer dans le passé. Tout est vide de sens, ta déchéance devient confortable. Tu te résigne. Alors quoi, tu ne méritais pas même un " je m'en vais" ? Aucune réponses à tes interrogations. Tu auras été moins que pas grand chose, pour lui.
Arrive un jour, où une personne casse les murs que tu pensais infranchissables. Et tu perds dans un flot incompréhensible de mots. Tu imagine que ça te fera du bien. Grossière erreur. Plus tu parle, plus tu y pense. Et les regards compatissants te font vomir. Ils ne comprennent pas, ils ne peuvent pas, ils ne savent pas. Pire encore, ils t'observent mourir, impuissants. Tu ne le supporte pas.
Alors ça y est. Tout le monde l'attend. Que tu la passe cette fameuse étape. Celle où on se dit qu'il faut vivre avec. C'est plus le que le moment pour toi de passer à autre chose. Mais toit tu ne sais pas, tu ne veux pas, en réalité. Tu n'es pas prête à te l'enlever de ta vie. Mais c'est ce qu'ils attendent, c'est évident d'après eux. Alors tu leur donne ce qu'ils attendent. Tu ferais tout pour ne plus voir l'expression de leurs visages quand ils te demandent si tu vas. Tu t'invente un joli sourire presque automatique. Ils n'y verront que du feu. Tu réalise que c'est plutôt facile. Tu joue à celle qui a tourner la page. On te félicite. Toi, tu reste persuadée que ça ne peut pas se finir comme ça. Tu te met à croire au destin, cette chose stupide qu'on sert aux désespérés. Tu te dis que tu aura forcément l'occasion, un jour où l'autre, de fermer la boucle. Tu y croit. Paraît que tout est possible dans la vie.
Deux ans ont passé et tu constate avec amertume que tu as quand même réussi à vivre. Ton souvenir de lui est constamment là, la douleur aussi. Même si elle est plus enfouie, il suffit d'un rien pour rouvrir les plaies. Tu ne veut plus faire les mêmes erreurs. Les regrets tu n'en veut pas plus. Alors tu chope chaque occasion pour sourire. Pour de vrai. Tu comprends que seul toi peut en décider. Tu t'armes de défenses en béton et tu essaie d'avancer. Tu espère que les autres ont raison, que tu vas enfin commencer à vivre. Tu es réaliste, il est sorti de te vie, même qu'il n'y est jamais vraiment rentré au final. Faut laisser le passé au passé. C'est bon t'as compris. Il en a fallu du temps. Tu dois oublier.
Les jours filent. Le présent n'a rien d'attrayant et tu regrette le temps où tu pouvais sans difficulté te tapir sous tes souvenirs salés. Tu as du recul, maintenant, tu es plus vieille de trois ans et c'est largement assez pour se remettre de quelque chose qui n'a sans doute jamais existé.
Ca te file la trouille, étrangement. Parce que tu as de plus en plus de mal à te rappeler. Et que tu perds son souvenir. Tu te souviens de moins en moins précisément de son rire. T'es presque nostalgique du temps où t'avais mal à en crever. Peut-être parce que finalement, tu vivais.