Suspendu.

kelen

Il a la pupille fixe bloquée depuis huit piges sur cette rage.

L'image a sursauté. Le voilà momifié dans sa cage.

Saccagé dans son cocon aseptisé, il s'est pendu sans crier

Sans avoir écrit ce qui l'écoeure, sans même pleurer.

Et pourtant il a eu le cran de crever, lui, les yeux grands ouverts

Sans crever l'écran, même si l'écran lui a soufflé l'air,

A bout, dans la solitude de sa tanière mortifère.

Dans un accroc de colère, son corps a été poussé dans le décor

Existence en suspension, suspicion d'une vie lacunaire, sans corps à corps.

Alors quoi ? Son écho te fait froid dans le dos ?

Ca résonne dans ta cage thoracique comme un neurotoxique ?

Comme un coup de grâce qui terrasse ce réel en phase critique ?

Assommé. Mais comment assumer la mort d'un homme huit ans après ?


Cette société met en quarantaine les corps carencés d'amour

On y distille ce poison rance, dans le sillon de ces parcours

Confiné par l'absence de contact, on contracte la carotide

Jusqu'à ce qu'au plus profond du corps, on s'impacte et s'abîme.


Dis moi, toi .. tu me vois ? Ou bien tu fais juste valser ta rétine

Au gré du vent et du taux de THC dans ton urine ?

Est-ce que j'existe au delà de tes souvenirs ?

Est-ce que tu me rattraperas si j'oublie comment revenir ?

A quel degré d'importance tu estimes mon existence ?

Si je m'oublie, est ce que tu me rappelleras mon essence ?

Moi aussi je peux crever derrière une porte d'entrée

Détruite par le dehors, l'aura démantelée par leur or amassé.

Est-ce que ces corps pendus dépendent de la portée de notre vue ?

Est-ce qu'ils seraient toujours vivants si on y avait prêté attention dans la rue?

Y'a tant de tensions entre les êtres, que le suicide est une option honnête

Pour ceux qui ont le choix entre vivre servile ou crever sans chaînettes

Regarde ce climat de guerre qui te pousse à l'agoraphobie

Nos rassemblements grégaires ne sont que des ersatz d'envie

Une façon de se sentir absolument solidaires de nos folies

Une feinte dans nos ultimes stratégies de survie.


Cette société met en quarantaine les corps carencés d'amour

On y distille ce poison rance, dans le sillon de ces parcours

Confiné par l'absence de contact, on contracte la carotide

Jusqu'à ce qu'au plus profond du corps, on s'impacte et s'abîme.


Alors quoi ? Y'a plus de débat ? Plus d'émoi ?

On s'embarrasse plus de cadavres dans nos caboches

On s'cabosse dans l'indifférence générale....

Mais... c'est atroce.

On préfère se torpiller, momifiés, prêt à se scarifier l'coeur

Pour ne pas remettre en cause la colonne vertébrale sclérosée

D'un système qui sème à chaque pas la peur ?

On laisse pourrir les paroles qui s'époumonent d'horreur

Sans même penser aux répercussions et à ses douleurs...

Mais alors pourquoi ? Pourquoi toi tu me regardes pas ?

J'veux pas reculer d'un pas. J'veux pas pourrir comme ces porcs.

J'veux pouvoir te dire que je t'ai entendu et que tu as tort !

J'veux plus que ce soit lisse, propre et aseptisé.

J'veux que tu me dises quand tu as mal... quand t'es prêt à crever.

J'veux contrecarrer tes projets, projeter ta vie dans un aparté.

Je veux que tu t'époumones pour t'apercevoir que t'étais en apnée.


Cette société met en quarantaine les corps carencés d'amour

On y distille ce poison rance, dans le sillon de ces parcours

Confiné par l'absence de contact, on contracte la carotide

Jusqu'à ce qu'au plus profond du corps, on s'impacte et s'abîme.

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