Taille zéro
ysiscriten
Les femmes d'aujourd'hui ont pour première ambition de maigrir, pour deuxième, d'entrer dans leur jean slim ou encore dans celui de leur fille de quinze ans.
Pourquoi un tel dérisoire et pourtant si obsédant désir les pousse à se faire du mal quand elles pensent au contraire se faire le plus grand bien ? La maigreur est-elle belle, attrayante, séduisante ? Rend-elle plus forte, plus indépendante, plus entreprenante ? Le poids qui s'affiche sur la balance va-t-il nous aider à gagner des galons, grimper les échelons ? A ces quatre questions, certaines répondront que oui, et malheureusement je tends à croire qu'il y a du vrai dans leurs affirmations.
Pourquoi la maigreur est-elle si valorisée ? Je ne sais pas vraiment. Pour les stars et autres vedettes, être maigre leur offre le plus narcissique des trophées : porter une création de grands couturiers lors de soirées de récompenses et autres galas, se pavaner sur le tapis rouge devant les objectifs enserrées dans un fourreau taille 32, et faire la couverture des magazines en arborant un large sourire d'autosatisfaction.
La maigreur attire toujours plus de femmes puisqu’elle est imposée de manière insidieuse. Le monde de la mode à sa part de responsabilité. Les créateurs, les photographes et surtout les magazines féminins qui tantôt s'insurgent du diktat de la minceur – jamais ils n'oseront dire maigreur – et qui paradoxalement se plaisent à louer la silhouette devenue filiforme d'anciennes voluptueuses ! Cette attitude est tendancieuse et hypocrite. La mode est coupable avec ses vêtements à formes étriquées, moulantes et courtes qui requièrent un corps fin, gracile voire rachitique.
Que faire et que dire pour que femmes et jeunes filles cessent de s'affamer et de contrôler la moindre calorie ingurgitée quand, à travers tous les médias, on substitue l'adjectif mince à celui de maigre ? Quand est systématiquement soulignée la rondeur d'actrices ne répondant guère au canon de la maigreur ? Quand enfin, une journaliste constitue son entretien auprès d'une jeune actrice alors à l'affiche, essentiellement sur la question de son poids et du rapport à son corps ?
C'est agaçant et navrant car à cette heure-ci, rien n'est fait pour combattre cette peste qui contamine sournoisement et un peu plus chaque jour. Il y a deux ans , deux mannequins sont morts, des décisions ont été à prises mais ont-elles tenu sur la durée, une fois l’émotion passée ?
Comment ne pas s’insurger lorsque l’on entend une créatrice de mode déclarer d’un ton frôlant l’indifférence que « les jeunes filles ne doivent pas se fier aux photos des magazines puisque celles-ci sont toutes retouchées et allongées pour affiner davantage la silhouette déjà filiforme des mannequins réels » !? Se rend-elle compte de ce qu’elle est en train d’avouer ? La folie de la maigreur atteignant son paroxysme. Perchés dans leur tout d’ivoire, les créateurs de mode pensent ne faire que de l’art, mais refusent obstinément de voir que cet art fait peut faire mal.
Comment ne pas relever l’absurdité d’une telle conception de la beauté lorsque l’on entend à vingt minutes d’intervalle qu’en Occident des mannequins et des jeunes filles refusent de s’alimenter pour répondre au canon de la maigreur érigée en beauté tandis qu’à Madagascar, des enfants malnutris, ne trouvant que des cactus pour apaiser leur faim, se retrouvent à l’hôpital en danger de mort ? Quel tragique !
Mais l’essentiel est que la maigreur est devenue glamour et chic.