Tant que la valse se fera entendre

annyah

Je regarde la ville illuminée par la magie de Noël défiler derrière la vitre glacée.
J'entends des bribes de conversation. Tout résonne mais tout semble loin. Le tramway ralentit puis s'arrête. Les portes s'ouvrent alors qu'une voix douce annonce l'arrêt. Des gens descendent; d'autres montent. Un vieil homme avec un accordéon monte.
Les conversations se font de plus en plus fortes. Puis, doucement, la musique s'élève. Elle a d'abord du mal à se faire entendre mais, bientôt, on se tait et on écoute. Je reconnais une valse... Je fredonne et voyage.
Je vois les endroits où je rêvais d'aller... J'en vois d'autres que je n'imaginais pas... Je regarde toujours la ville défiler mais, avec cette douce musique, je rêve... Je vois l'Angleterre, l'Ecosse, l'Espagne et l'Irlande... Puis, je me perds dans un vieux Paris, toujours emmenée par la valse. La musique s'accélère et je traverse l'Atlantique. Je m'égare dans les rues New-Yorkaise où chacun est anonyme. Je m'égare; j'ignore où je vais mais je suis la musique... La musique change à nouveau et je m'envole vers la Chine et puis, vers le Japon...
Je respire.
Soudain, ma vue se brouille.
J'entends le tramway ralentir encore une fois alors que je voudrais simplement qu'il continue sa route sans s'arrêter, tant qu'il y aura une valse... Les conversations reprennent le dessus sur la musique et ça me donne envie de pleurer. Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je veux juste continuer à entendre cette musique et à voyager... Je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Je veux suivre la musique et oublier d'avoir peur.
Pourtant, le tram s'arrête et la musique a disparue.
Des gens descendent; d'autres montent. Je descends; le froid me rattrappe, ainsi que ma peur, ainsi que mes larmes... Je ne pars pas de suite et regarde le tramway s'éloigner dans la nuit. Peut-être la musique a-t-elle repris, dans le wagon chaud ? Entendrais-je à nouveau cette valse ?
Je l'espère... Quand je l'entends, je ne pense pas à cet avenir effrayant. Quand je l'entends, je pense à être heureuse...
Je repousse au fond de moi l'envie et le besoin de tenter de rattrapper le tramway pour ré-entendre une valse... Juste une dernière valse... Et je rentre dans ma prison ouverte, la tête pleine de valse...

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