T’as pas lu Olive Kitteridge ? Non mais allô quoi !
Clémentine Garnier
La brillante mini-série de HBO du même nom sortie cet hiver est adaptée livre rare à découvrir ou relire de toute urgence.
Olive Kitteridge a remporté le prix Pullitzer fiction en 2009. Cette brillante fresque orchestre raconte le quotidien d'une ville côtière du Maine pendant trente ans, au travers d'une dizaine de courts récits. Au détour de chaque chapitre, on croise et recroise Olive Kitteridge, revêche professeur de mathématiques, voisine bougonne, castratrice avec son fils, brutale avec ses élèves et pourtant si attachante.
Lorsque vous l'aurez entre les mains, admirez la délicate construction du récit. La narration change de perspective à chaque histoire et ouvre ainsi des perspectives inattendues dans le portrait de femme brossé au fil des pages. Tantôt Olive est au centre de l'histoire, belle-mère en colère, mère tyrannique, professeur encourageante, tantôt on ne fait que l'apercevoir dans la salle de concert qui sert de toile de fond à la dispute feutrée d'un couple de voisins.
Olive est odieuse, Olive est râleuse, Olive est grincheuse, et Olive est merveilleuse. Au début, on se demande ce qu'on fait là, coincé entre cette grosse femme acariâtre et son gentil pharmacien de mari ; au fil des pages, par une mystérieuse et fine alchimie, ses émotions et colères deviennent nôtres, on apprend à la connaître et à l'aimer avec le même dévouement que son époux. Chaque histoire nous dévoile un nouvel épisode de sa vie comme on découvre un panorama splendide après une ascension ingrate. L'intelligence de l'auteur réussit à nous faire aimer un personnage qui fait tout pour se rendre détestable, avoir la gorge serrée pour tous les mots d'amour qu'elle ne réussit pas à dire, et baisser le front face à sa courageuse franchise.
La nature, omniprésente, accompagne le récit tout en discrétion : la floraison d'un parterre, la couleur des feuilles, le bruit des vagues… par petites touches délicates, l'auteur nous plonge dans l'air iodé et réussit presque à rendre poisseux de sel nos cheveux.
Le style est épuré, les phrases courtes, les émotions vibrantes, les histoires banales. Pas d'emphase, le ton est quotidien voire anodin, et pourtant, l'ensemble est exceptionnel. Une magistrale leçon de psychologie des personnages, et surtout une apologie de la simplicité pour dévoiler avec retenue les tréfonds des âmes.
Pour respecter les principes narratifs que j'ai tant admirés dans Olive Kitteridge, je n'en rajouterai pas, et ne peux qu'espérer que la (re)découverte de ce roman vous inspirera de beaux textes simples.