Taxi-maitre à bord

Jean Claude Blanc

encore un métier mal considéré, mal payé et pourtant si utile mérite bien un clin d'oeil

                                      Taxi-Maître à bord

 

Je pars en courses, surtout la nuit

Non par plaisir, ni insomnie

Les rues des villes, mes trajets dits

Ma profession, chauffeur-taxi

 

J'ai ma licence, patentée

Une grosse bagnole aménagée

Une balise pour signaler

Est éclairée, quand suis complet

 

Depuis 30 ans, seul au volant

Appris du monde, les romans

A ma retraite, j'aurai à dire

Mon quotidien reste à écrire

 

Dans ce boulot, jamais fini

On passe des heures à lambiner

La clientèle faut la guetter

Baiser les pieds des plus pénibles

 

On en voit toutes les couleurs

Des sans le sou et des seigneurs

Des impotents, et des pleureurs

Qui me confient, leurs petits malheurs

 

Confessionnal ambulant

J'écoute pas, mais fais semblant

Dès fois, je tombe sur un poivrot

Qui dégueulasse mon auto

 

Je fais station devant La Poste

Puis vais rejoindre tous mes potes

Juste le temps, tirer une clop

Déjà s'amène la cohorte

 

Devant la gare, suis à l'arrêt

Quand l'autorail arrive à quai

Se précipitent, les plus pressés

Pleins de valises qu'il faut caser

 

« Plus vite chauffeur, j'ai rendez-vous »

Griller les feux, ne suis pas fou

Sur taximètre, secondes défilent

Le tiroir-caisse, lui en empile

 

Pas sociologue, ni génie

J'ai mis les mains dans le cambouis

Tout ce trafic, c'est la vraie vie

Va prendre son fric, triviale poursuite

Pour les pourboires, pas y compter

Même qu'on tend à mégoter

Si je presse l'accélérateur

L'usager joue les monnayeurs

 

Nos proches banlieues, ne sont plus sûres

Pour s'y pointer, pas sinécure

Tu peux tomber sur une salope

Qui t'estourbit, pour ta cagnotte

 

Y'a les foldingues du samedi soir

Sorties de boites, complètement noirs

Ils te récitent leurs déboires

Mais m'en faut plus, pour m'émouvoir   

 

D'autres gugusses, par plaisir

Passent leur temps à le remplir

N'ayant aucune destination

Visites de nuit, pour horizon

 

C'est le reflet d'une société

Qui entend bien, tout profiter

Le solitaire, voudrait causer

Suis qu'un taxi, pas un curé

 

Six heures du mat. ronde achevée

Rentre au garage, courbaturé

Vais rendre comptes, à mon patron

Son oraison, faire plus de ronds 

 

On se retrouve, tous au bar

Un gros croissant, un café noir

Tous copains, unis enfin

A déballer, notre destin

 

Bientôt la trêve de voituriers

Petite retraite bien gagnée

Mais jamais plus, ne conduirai

Car désormais, simple passager

 

Mon humble hommage, à ces routards

Aux virtuoses du pilotage

Qui se coltinent les chauffards

Les inconnus, qu'ils ont en charge

 

Quelques instants, de connivence

Sans que l'on fasse connaissance

Chauffeur taxi, est pis-aller

Pour voyageurs en partance

On ne sait où, mais cœur léger

JC Blanc         septembre 2022      (hommage à ces témoins d'humanité)

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