tennis parme

Hervé Pizon

Les hauts-parleurs ressassent les consignes de sécurité aux oreilles distraites des rares voyageurs en gare. Les gros radiateurs en fonte réchauffent comme ils peuvent la salle traversée de courants d'air et d'adolescents. Le distributeur de boissons est encore en panne.
Assise sur le banc, la dame attend le train express régional. Son regard bleu se pose sur le carrelage en damier. Le visage ridé forme un ovale allongé s'étirant du front plissé jusqu'au menton, sec. Les cheveux ont l'air fraîchement permanentés et elle a dû aussi faire une couleur.
Elle porte un gilet gris sur sa blouse à fleurs.
Avec ses nombreux sacs et cabas, où va-t-elle ? Est-elle attendue chez ses enfants ou petits-enfants ?

Elle fait tourner son alliance avec le pouce et l'index ; les ongles, bien que coupés ras, sont sales et ses longues mains aux tâches brunâtres sont posées sur des genoux cagneux, amaigris.
Les jambes, croisées, se terminent par de jolies tennis neuves de couleur parme, choisies sans doute pour leur confort.
Ce sont cinq ou six paires qui piétinent d'impatience bruyamment sur le sol du banc voisin. Jeans taille basse, voix à tue-têtes, les conversations vont bon train sauf entre deux baisers... tu embrasses avec la langue !

A l'annonce du départ, les moineaux ont ravalé leur salive, rangé pour l'heure leurs amours naissantes et se sont posés dans les compartiments surchauffés sous la chandelle des passagers.
La vieille dame s'est endormie, en souriant, le corps penché en avant. L'échine est quelque peu voûtée. Quelque peu : c'est-à-dire on se prend à imaginer que le poids de l'âge l'aurait affaissé plus encore ce dos, si les souvenirs heureux ne lui avaient tenu tête.

hervé pizon

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