Terrain Vague

noirvermeil

Il m'arrive souvent d'aller au terrain vague qui se situe derrière chez moi. Les vagues y sont toujours douces et lancinantes. C'est toujours pour moi le même rituel, je m'avance jusqu'au bord, là où les vagues viennent caresser le sol en s'écrasant. Je remonte mon pantalon jusqu'au genoux, plus pour sentir l'eau sur mes chevilles que pour éviter de le mouiller. Ensuite je sors de ma poche un bateau gonflable jaune et je m'élance sur le terrain. J'ai une petite pagaie jaune, gonflable elle aussi, mais elle n'est pas très efficace, je me déplace donc avec les mains. Une fois que je suis assez loin du rivage je me laisse porter par les eaux ; je m'allonge et j'écoute le chant des vagues. Au dessus de moi il y a plein de gros élans qui volent dans les airs, sûrement les mêmes que ceux du Père Noël. Ah non, il me semble que le Père Noël emploie des rennes et non des élans, mes excuses. Bref, c'est sur ce terrain vague que viennent mourir les nuages épuisés par un long voyage. Ils plongent le lieux dans une brume mystérieuse et. Qu'entend je ? Un brouhaha ? Un déglutit de connerie ?! Oh malheur, c'est une de ces baleines qui vient promener son petit chien, étranglé et traîné par la laisse de sa maîtresse. Elle hurle à sa copine qui est à des kilomètres ! Et moi qui aime le calme je devrais le supporter ?! Non !! Sûrement pas !! Je dégaine ma ceinture et fouette le mammifère avec le fer sur les fesses. Elle me crie :

« C'est assez, c'est assez ! Et je répond.

- Oh oui pour sûr tu en es un beau de cétacé toi ! » et schlack ! Un autre coup dans l'croupion. Là elle se cache à l'eau. Je suppose qu'elle s'enfuit en pleurant, suppose parce qu'il est difficile de percevoir les larmes dans l'eau. Ses cris s'éloignent avec elle qui nage au loin, je remarque que malgré sa corpulence elle coure vite et dans sa course est entraîné le petit chien dont l'emprise de la laisse fait gonfler les yeux et bleuir le teint. Enfin elle disparaît, enfin le calme est revenu. La brume mystérieuse voile l'horizon, il y a quelques saules noirs qui s'élèvent au dessus des eaux. Au loin je distingue la cime de conifères gris. Mon bateau qui erre sur la mer heurte quelque chose. C'est une moule ! De deux mètres en plus ! Sacré moule ! J'ai, à présent, pour but de l'ouvrir, espérant y trouver à l'intérieur la raison qui me pousse à errer dans ce terrain vague si souvent. D'abords j'essayais d'en forcer l'ouverture avec mes doigts, mais elle ne s'ouvrit pas, même pas un peu. Alors je la chatouillais, cela la fit rigoler, ainsi elle ouvrait et refermait son clapet à chaque rire. Elle l'ouvrait mais pas assez longtemps pour que je vois à l'intérieur. Désespéré j'attendais. Puis elle s'entrouvrit d'elle même, une branche d'arbre avec des feuilles bien vertes en dépassa. Elle s'agitait et du ciel tomba un gros élan ! Il voulait manger les feuilles. Il atterrit la tête la première dans le clapet de la moule et cette dernière voyant qu'elle avait une prise se mit à claquer le bec comme des castagnettes. Claclaclaclaclacla ! Elle brisa les os et les bois de l'animal et finit même par le couper en deux, une moitié tombant dans le bec de la moule et l'autre dans l'eau. Du sang avait giclé de partout. C'était un peu surprenant. Et embêtant aussi puisque j'étais tout taché. Mais j'avais une idée ! J'attendis qu'un gros élan vole assez bas pour que je puisse l'attraper. L'un d'eux vola à portée de saut ! Je m'élançai pour l'attraper. Je faillis le manquer car mes mains, un peu moite à cause du stress, glissèrent sur son cou mais j'usai de mes doigts comme de deux pinces qui pincèrent la peau du gros élans. L'emprise était faible mais suffisante pour faire tomber l'animal dans mon petit bateau jaune et, avant qu'il s'envole, je réajustais mon emprise en empoignant bien son cou. Une fois attrapé, j'étranglais l'animal ; il se débattit vaillamment et réussit même à me donner quelques coups de sabot, ma foi bien placés, je dis bien placés parce qu'une fois qu'il m'eut frapper il se mit à m'insulter en espagnol, ces insultes sont, j'en suis sûr, sûrement lié aux nausées et vertiges qui ont suivis les coups de sabots ! Je tombai presque dans les pommes. On peut dire qu'il faillit... saboter mon plan ! Haha ! Bref. Une fois qu'il fut mort les yeux en croix et la langue sortie, je le pris dans ma main droite et le suspendis au dessus de la moule. Son bec s'ouvrit pour attraper l'animal mort, sans attendre je bloquais l'orifice à l'aide de ma pagaie jaune ! Ha ! La voilà prise au piège, forcée de me révéler ses secrets ! Là, enfin, je pus voir et trouver la réponse à ces errances maritimes. Dans la moule il y avait un chérubin qui rongeait un os de gros élans. À ma vue il cria et c'est là que je compris. Comme lui qui s'enfermait dans sa coquille, je cherchais la tranquillité.

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