Dans la Solitude des Champs de Béton
alice-h
Enfin, tu inspires le bol d'air frais dont tu rêvais, tel un animal assoiffé, depuis 12heures, retenu en captivité.
La nuit est tombée, les doutes sont levés.
Vient cette heure où il est trop tôt pour être fatigué mais pas assez pour partir en quête de soi.
L'ennui déborde de ta tête, alors tu le portes aussi en mallette. Tu marches dans les rues rectilignes comme ces tableurs qui t'obsèdent, au milieu des buildings.
Une forêt glaçante d'immeubles transparents, dans laquelle tu te retrouves entre chiens et loups. Les uns brisés comme des esclaves, les autres déjà éméchés par les vapeurs toxiques. Selon les jours, tu fais partie d'un camp ou de l'autre. Ce soir, tu es le chien docile.
Seul et pourtant en meute.
Tu deviens trop affamé pour être féroce, animal errant, dans une exploitation d'idées semées sous serre : toutes semblables et formatées pour plaire.
Les cerveaux sont labourés sous lumière artificielle au bénéfice d'une seule culture : le profit.
De bête tu te changes en végétal. Chaque soir, tu marches, vidé, comme en jachère, dans la solitude des champs de béton, où poussent l'envie et la frustration arrosées de sueur et de larmes.
Mais aujourd'hui, ton regard si épuisé qu'il ne peut se lever, butte sur une phrase tracée à la craie- bouteille jetée dans une mer composite de sable et de gravier :
“Si vous marchez dehors à cette heure et en ce lieu, c'est que vous désirez quelque chose que vous n'avez pas."(B-M. Koltès).
Un message manuscrit parmi ces milliards de mots et de chiffres virtuels, qui te rappelle que l'Humanisme inondera tôt ou tard ces champs de béton, dans un déluge de sentiments,qu'ils ne pourront pas absorber. Parce que ton désir à toi, et à tous les autres, c'est de redevenir humain.