The Break Up.

scarlett-montag

Ne pas pleurer. Ne pas lui donner satisfaction, ne pas croire qu’il est en train de gagner. J’essaie de me concentrer le gazon, dont j’enlève les brins d’herbe un par un. Ou de me focaliser sur le paysage juste derrière lui, les gens qui promènent leurs chiens par ce bel après-midi de printemps, les enfants qui jouent, insouciants de la tragédie que je vis juste en face d’eux.

« Avant de parler de ma semaine avec mes parents, j’aimerais qu’on discute d’un truc. ».

Je me crispe déjà, mon cœur joue au tambour, mes mains deviennent moites, mais tout ce à quoi je pense, c’est juste de sauver la face. La mienne en l’occurrence.

D’un air désinvolte de la fille qui ne pense à rien et qui s’en fout déjà :

« Vas-y. »

« Je pense pas être capable de continuer cette relation. Je me suis précipité et j’ai envie de me recentrer sur moi-même, ça peut paraître égoïste de ma part. »

Alors là, on a beau s’y préparer, s’y attendre, cela n’empêche qu’on se retrouve toujours sur le cul, sans rien à dire, ne sachant quelle attitude  adopter dans ces moments-là. Moi, l’herbe est devenue à ce moment là ma meilleure amie. Je m’appliquai à en arracher chaque brin sous ses yeux dégoulinants de compassion, en mode « mon Dieu, je l’ai vraiment heurtée, la pauvre s’en relèvera t-elle ? ».

Au bout d’un moment, il a bien fallu que je lève la tête et que j’affronte ces yeux bleus lagon, qui m’ont tellement regardé, ces yeux que pour la première fois je ne voulais pas croiser.

« Quand as-tu décidé ça, ou plutôt quand t’en es-tu rendu compte ? »

« Jeudi, j’ai commencé à douter. »

Rapide calcul mental. Nous sommes mardi, ça ne fait même pas une semaine donc. A quoi joue t-il ? On ne se décide pas en cinq jours qu’on n’est pas prêt à être avec quelqu’un, surtout pas en continuant à envoyer des sms du style « j’ai envie qu’on dorme ensemble » le… dimanche !

Ça bouillonne en moi, de déception, de colère, de dégoût, et bizarrement tous ces sentiments arrivent presque à endiguer la souffrance.

« Tu n’as jamais rien éprouvé au fait, je veux dire tu me dis que tu n’es pas prêt pour une relation. Mais si tu éprouvais quelque chose, tu ne te poserais pas de questions. ». Pourquoi diable ais-je dis ça ? La réponse ne se fait pas attendre.

« Je n’éprouve rien ».

La gifle. Mes larmes peinent à être refoulées. J’ai envie d’être seule, dans ce parc, que tout disparaisse, qu’ils se cassent tous, moi j’veux pas bouger, je suis comme anesthésiée, je n’en croyais pas mes oreilles. Lui, était toujours là, attendait je ne sais quoi, ou pire, voulait jouer le mec qui assume tout jusqu’au bout, celui qui a « trop de respect » pour me laisser en galère après m’être pris un raz –de- marée pareil dans le ventre. Moi, je voulais m’enfuir, voire m’enfouir sous terre, échapper aux regards de ces personnes qui croyaient que nous avions un rendez-vous amoureux. Une pensée me vint, aussi saugrenue soit-elle, elle vint comme ça. Combien de couples ai-je croisé, pensant qu’ils étaient chanceux d’être si heureux, amoureux, deux ? Finalement, peut-être certains d’eux sont en phase de rupture, peut-être certains sont en train de rompre au moment où je les croise ?

Car une rupture ne se déroule pas forcément dans la colère, les éclats de voix, les  larmes. Une rupture peut être silencieuse, sournoise, latente. Mais c’est là qu’elle est la plus douloureuse, la plus agonisante, là où on sauve les apparences, on fait « comme si ».

Je n’ai pas insisté, je n’ai fait aucune résistance, j’ai juste essayé de faire « comme si », comme si ça allait, comme si je ne me sentais pas idiote, comme si je n’avais pas l’impression d’être le dindon de la farce, comme si je n’avais pas honte, comme si je ne me sentais pas plus bas que terre.

Je l’ai laissé partir, je suis partie de mon côté, les larmes étaient toujours au seuil de mes yeux, mais je n’en ai pas versé une seule. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment j’ai pu réussir ce tour de force, mais je l’ai vu partir, et avec lui tous les souvenirs s’en sont allés également, ceux qui me promettaient un avenir radieux, finalement réduits en poussière.

Et moi j’ai pensé à une chose, encore hors du cadre pour le coup, mais je me suis dit : que ce serait-il passé si je n’étais pas venue à ce rendez-vous ?

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