The Damien Nivelet Bored Experience
Paul Robert De La Fauvellerie
Ça aurait pu débuter de très belle manière, mais j'ai choisi une autre voie : celle du crado, du dégueulis, de l'infâme de ma vie... Vous en voulez encore?? Lisez la suite alors...
Voici l'histoire :La journée se finissait. Assis à la terrasse d'un café, avec mon vieux Camarade Charlie, nous avions entamé une longue et funeste conversation à propos de la joie de vivre. Sujet à risque; haut risque même! Surtout dans notre chère cité grise, dont le rayonnement culturel ne devait pas dépasser une vingtaine de mètres aux alentours.
- "Qu'ont-ils donc à rigoler, à être joyeux?" Que j'fais en observant des passants rigolards.
- "Ils vivent, ils sont heureux" que me réponds l'autre.
-"Le Bonheur, Pfft! Laisses-moi rire! C'est quoi, le Bonheur? Y sont heureux de compter les mouches, ces veaux? Le Bonheur en plein néant, quelle non- existence magnifique... J'en bande!"
- "Tu ne peux pas faire autre chose que critiquer tes semblables?" Qu'il m'expédie.
- "J'aimerais bien, figure-toi! Mais, être content au milieu des Moutons, non merci! J'ai ma dignité ma particularité, j'les garde , moi!" Que j'lui balance avec fierté dans la tronche.
- "Ne lis-tu point la Presse; ce journal décrit bien la Joie de vivre ici, tu ferais bien de t'en inspirer" Qu'il finit par nous insulter, platement, moi et mon Intelligence.
- "De qui te moques-tu? Il n'y a absolument rien à espérer en cet endroit, à part crever le plus rapidement possible. Si je croyais en Dieu, je prierais pour moi et pour tous les autres alcoolos. Mais, heureusement, j'ai lu trop de bons livres pour croire en ces conneries. La Presse, c'est le Missel des abrutis du coin; ' peuvent se persuader qu'ils sont heureux à bouffer de la viande avariée, à respirer de l'air pollué, à trimer pour chercher à s'faire exploiter par un quelconque patron. Une illusion reste une illusion: quand on s'emmerde, eh bien, on s'emmerde, vieux! Regardes, même les greluches sont polluées..." Lui réponds-je, éponge, dans un grand monologue, bourré de mépris.
- "T'es vraiment sinistre. T'es sans espoir. Et en plus, t'es misogyne. Qu'est-ce- qu'elles ont bien pu te faire, les nanas, pour que tu en parles comme ça?" Qu'il se met à me sermonner.
- "S'il n'y avait que ça, la vie serait une promenade... De plus, tu sais bien que je suis un grand plaisantin."
Le pauvre ne savait sur quel pied danser; si c'était de l'Art ou du Cochon. Moi, je dirais, prétentieux et vaniteux assumé, que c'était de l'Art Cochon, tout simplement.
En fait, ce jour-là, le pauvre bougre et moi n'étions d'accord que sur très très peu de choses, à part le fait que nous étions là, vivants malgré tout, à boire un coup dans un rade plus que minable.
AH, SI!!! Nous étions d'accord sur UNE chose: nous aimions la musique. Et là, un crooner de bas étage nous bassinait, via je ne sais quelle radio, avec sa nullissime reprise du "Poinçonneur". Manque de classe avéré! Nous aurions rétabli la peine de mort, rien que pour ce malappris, afin de venger l'auteur qui ne méritait pas un tel affront. Je plaisante (à peine). On ne peut déconnecter la littérature & la musique de la vie...L'existence est peut-être un roman de gare, avec un scénario bâclé, mais rien n'empêche de rattraper le dernier wagon, direction l'inconnu & l'improbable...Écrire ou chanter est prendre un wagon pour l'incertitude, tous les chemins sont possibles. Les seules limites sont le manque d'imagination, & de style...
Après, nous nous quittâmes, point fâchés. Ce genre de discussion était une habitude que nous avions, c'était même le seul style de conversation que nous avions.
Ce doit être ça, L'Ennui... (À suivre)