The Gaslight Anthem, profession du père: Bruce Springsteen
Gyslain Lancement
Après Bruce Springsteen au mois de Mars, c’est au tour de ses héritiers de faire le boulot. Même port d’attache: le New-Jersey, même langage: le Rock dur. Mais le New-Jersey n’est pas forcément l’endroit rêvé des aoutiens. On peut même dire que ça craint. Pourtant, on doit beaucoup à cette région du monde, que l’on peut résumer en deux trésors majeurs: la meilleure série de tous les temps (les Sopranos), et Bruce Springsteen. Mais la question que l’on se pose dans le cas présent tient à la véracité du pedigree. Et si les Gaslight Anthem venaient simplement d’Hawaï ou du Kentucky, en parlerait-on aujourd’hui? Cette interrogation méfiante est due à la pollution des dernières années du Rock made in USA, vous savez, la passive, celle que l’on subit et qui se nomme au mieux Blink 182 et au pire Green Day. Il semblerait qu’en 2012 (et au pays de l’oncle Sam), on a deux définitions du succès. Celui, tout d’abord, d’apparaître en fond sonore « amerockana » sur une bonne majorité de séries pour ados où on les voit s’embrasser sans la langue, et ensuite, celui d’être reconnu par ses pairs. Et le père en question, ici, c’est Sprinsgteen. La filiation grossière d’un « Darkness on the edge of town » (1978) ne parlera pas aux jeunes d’aujourd’hui, mais ne perdons pas espoir. Explications.
On lit ça et là que les Gaslight Anthem n’existeraient pas sans Bruce Springsteen. Et alors? Les amis du Boss sont nos amis. C’est Universal qui a flairé le bon coup. Un peu tard? Qu’est ce que peut encore apporter une major à un groupe qui s’est imposé en indépendant aux Etats-unis… Ils l’aiment tellement leur Amérique, au point d’en revendiquer les qualités grossières ou les défauts gênants. La Boss attitude! (« Too much blood »). Ça suffit pour faire des Gaslight Anthem une valeur sûre(xploitée) outre-Atlantique, et bientôt au Japon que ça ne m’étonnerait pas – tant pis pour les secousses sismiques – pour un jour, peut-être, venir s’échouer sur nos plages européennes au risque d’y laisser l’équivalent d’un cuirassé? Être agressif sans forcément vouloir déclarer une guerre, c’est finalement l’impression que nous donne ce « Handwritten« . Malgré une batterie trop souvent surexposée, histoire de montrer aux ainés qui fait le plus de bruit, l’étonnant et peu souriant Brian Fallon déroule du sentiment (« 45″, « Desire »), sentant bien que le meilleur moyen de l’exorciser, c’est de le gueuler (« Here comes my man »), à presque verser dans le grunge (« Silver »). Un peu à la manière d’une boisson énergisante, la bande à Fallon surprend à la première gorgée, puis laisse place à une certaine lassitude, jusqu’à ce que l’on pense rapidement à y rajouter un additif couillu. Seulement, sans un « Born to Run » (Bruce Springsteen) ou un « Green River » (Creedence Clearwater Revival) sous la main, l’effet reste un peu limite. Ce qui, entre nous, ne retire aucune valeur à quelques hits de très haute qualité et bien calibrés (« Mae », la sublime « Mulholland Drive ») qui aident le groupe à reprendre petit à petit le flambeau que Springsteen ne soufflera qu’une fois mort. A défaut d’aliéner les oreilles du vieux continent à plusieurs tubes potentiels, et ce depuis trois albums, les Gaslight Anthem peuvent être quasiment sûrs que leur musique vieillira mieux que celle de Tom Petty. Qui vivra verra.