The Yardbirds - Roger the Engineer (1966)

Philippe Cuxac

60's totem

Pierre angulaire de la discographie des Yardbirds, totem du rock anglais des années 60, ce disque, à la pochette étonnante, à l'instar du line-up du groupe est un véritable, sinon le seul, travail collectif de la bande à McCarthy.

Cette fois, pas de reprises, que des titres originaux crédités collégialement. Paul Samwell-Smith est à la console, aidé en cela par le VRP multicartes du rock, j'ai nommé Mr. Simon Napier-Bell. Même la pochette, étrange, est signée Chris Dreja, Jim Mc Carthy, le littéraire de la bande, se chargeant des « sleeves notes ».

Voilà pour l'ambiance … Les Yardbirds qui viennent de se faire lâcher par Clapton pour crime de blues majesté, s'en remettent à un certain Jeff Beck, sessionman perfectionniste recommandé par Jimmy Page, pourtant premier choix du groupe.

Les sessions de l'album démarrent au printemps 66 au studio Advision à Londres. Le disque sera fait dans l'urgence et sortira en Angleterre le 15 juillet, sans titre tandis que les Etats-Unis le baptiseront quelques semaines plus tard Over under sideways down. L'usage futur voudra qu'on dénomme l'album Roger the engineer.

Comme c'est souvent le cas à l'époque le tracklisting est différent entres les versions européennes et US, et la version mono différente en minutage de la version stéréo, mais qu'importe… ne nous attardons pas sur ces détails.

Ce disque est marqué d'une nouvelle empreinte indélébile. Le quintet, même avec un guitariste fraîchement arrivé, signe ici ses compositions les plus organiques, les plus cohérentes et le combo joue serré. Clapton reprochait au groupe de ne pas faire assez de blues et d'être trop commercial ? Tant pis pour Eric et bon vent, Jeff Beck emmène ses acolytes vers des rivages expérimentaux et psychédéliques qu'ils n'avaient jamais encore abordés.

Malgré un potentiel incroyable et des tentatives réussies pour sortir du carcan blues rock, ce nouvel LP des Yard's ne sera pas un très grand succès commercial. La vague psychédélique en plein essor aux USA accueillera avec bienveillance les fulgurances de Lost woman ou Hot house of Omagararshid  mais le peuple rock du vieux continent restera longtemps sourd aux pépites incroyables contenues dans ce disque révolutionnaire et formidablement interprété. Ce disque peut-être considéré comme une œuvre majeure et un précurseur dont s'inspireront plus tard bien des « garagistes ». 

Le tracklisting anglais : 

Face A 

Lost Women : basse et batterie sautillante, harmonica survolté, guitare tendue et nerveuse, ce titre fait preuve d'une tension extrème malgré son beat anglais typique des 60's et de son faux-air dansant. 

Over, under, sidewayw, down : où comment une ritournelle rock'n'roll à priori inoffensive peut devenir un hymne beat psyché dans lequel Beck la joue sec et nerveux. 

The nazz are blue : retour à un blues rock que n'aurait pas renié Clapton, la rythmique est bien lourde et Jim qui pleure I'm seachin' for my baby avant que Jeff ne mette le feu par deux fois … juste comme ça, allez Eric, sans rancune. A noter que Beck tient le micro sur ce titre, sans être plus convaincant que cela (Clapton aurait fait mille fois mieux). 

I can't make your way : probablement composé au retour du pub, ce titre avec ces choeurs ignobles répète la même structure tout au long de 2'26 de supplice. Ratage … 

Rack my mind : voix de canard navigant sur les eaux boueuses du Mississippi, ce titre est boosté par les cordes de Jeff en apesanteur.

Farewell : piano, chant presque parlé, choeurs énormes pour un titre court que les Zombies ont du probablement écouter en boucle. 

Face B 

Hot house of Omagarashid : total délire en jouissives transes psychédéliques malgré un gimmick de chœurs assez pathétiques qui aurait pu (du) être zappé lors du mix final. 

Jeff's boogie : let's boogie Jeff, instrumental écoeurant de virtuosité qui restera à jamais un des grands classiques du guitariste pour les décennies à venir. 

He's always there : ambiance enqûete policière pour ce titre qui ne décolle pourtant jamais vraiment malgré la fin toute en guitare fuzz. 

Turn into earth : chant précieux et choeurs quasi mystiques pour ce tittre sombre tout juste rythmé par une basse métronomique. 

What do you want :  trêves de plaisanterie, retour au pur rock'n'roll avec son armada de hargne, la rythmique sauvage et inspirée soutient Jeff qui sort tout l'arsenal pour terminer le titre dans en feu d'artifice. 

Ever since the world began : dérapage contrôlé pour ce dernier titre qui passé de la déclamation inquiétante à un doo-wop sautillant et surprenant.

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