Théâtre, le retour.
Hervé Lénervé
Après le succès international en France métropolitaine et inattendu de ma première pièce de théâtre « Théâtre » je fus approché par des metteurs en scène de renom me demandant d'écrire une suite. Des cinéastes, même, voulurent les droits pour en faire un film. Je déclinais le cinéma, car, après renseignements pris, les réalisateurs en question ne faisaient que du porno. Mais je recréais la première troupe pour tenter de monter la suite. Allez à mes pinceaux, j'écris le texte… Finit ! C'est fait ! Montre en main, deux cent cinquante pages en deux minutes cinquante. Yes ! Record personnel battu ! Là, c'est du bâclé où je ne m'y connais pas ! Comme le disait Soljenitsyne : « Peu importe le temps qu'on y mette, l'essentiel étant d'atteindre l'excellence. » Oui ! Il en disait aussi des conneries, l'excellent Alexandre. J'avais rendez-vous le lendemain avec les acteurs et j'étais impatient comme une puce et excité comme un époux convolant en justes noces, de tous les retrouver.
Le lendemain, théâtre conventionné des Amandiers à Nanterre.
Tous m'ovationnèrent à mon arrivée, sauf la p'tite Marie qui était occupée à l'essayage de sa robe de scène avec l'habilleur à l'intérieur pour vérifier que tout allait sur mesure à toutes les coutures. Et Marcel qui cuvait sous la table, seul accessoire en scène avec la durite, mais la durite n'était plus un accessoire, elle était devenue une véritable star adulée par de nombreux jeunes admirateurs.
Je rencontrais le régisseur, c'était le fils de celui que vous connaissiez déjà, le père avait pris sa retraite dans une maison de retraite payée par l'état… un asile psychiatrique… oui, admettons… si l'on veut. Le fils était un homme charmant, quelque peu maniéré, certes. Il avait cependant une manie énervante, celle, de toucher, de triturer, de déshabiller les personnes avec qui il parlait, et d'autant plus si elles étaient côté garçon. Après cinq minutes de mise au point sur les procédures de son théâtre, j'avais réussi à ne sauver que mon tee shirt.
- Hervé, je peux te parler, une minute? C'était le numéro deux des acteurs qui garnissaient le cheval.
- Oui !
- Je n'ai pas l'habitude de critiquer les gens sur leur façon de s'habiller, nous sommes des artistes, originaux et un peu excentriques par nos fringues aussi, mais encore faut-il en porter. Là t'es à poil.
- Si je te fais des effets, va dire cela au régisseur, il a dû garder mes effets.
La p'tite Marie vint à moi et à mon secours, toute sourire.
- Pas mal, la tenue. T'as raison, y'a du temps à gagner et le temps c'est du plaisir ! Vient !
- Attend Marie, j'ai une pièce à monter.
- Bien sûr ! Tu la monteras en me montant, ça ne me gêne pas.
Avec Marie, il vaut mieux y passer tout de suite, autrement, elle est ronchonne, elle cabotine, elle ne fait plus rien de bon. Donc je sauvais son jeu en me sacrifiant. Quoi que… elle était fort gironde la p'tite Marie, mais elle préférait le terme plus moderne de « trop bandante ».
- Allez en piste, les gars c'est reparti !
- Où est encore passé Marie ?
- Il manque qui comme mec ?
- La durite ?
- C'est pas un mec, la durite.
- Ouais, ben, je n'aimerais pas comparer ma virilité avec elle et avec Marie, on n'est pas prêt de répéter.
- Marie ! Marie ! Marie !
Le problème avec Marie, couche toi là, était qu'elle se couchait un peu partout, certes, mais jamais là, où on la cherchait. Nous finîmes par la découvrir dans un casier avec effectivement la durite. Nous fîmes ceux qui n'entendaient rien quand ils abordèrent des propos de mariage. Se marier avec Marie, quelle folie ! Ce serait ouvrir sa porte à tous les vents, ouvrir aux files entrantes et sortantes de ses amants montants et descendants. Un courant d'air permanent à s'enrhumer chroniquement.
Bref, la suite de ma pièce n'était pas prête d'être jouée. Une autre fois peut être ?
- Pourquoi remettre à demain, ce qu'on peut faire à deux mains et plus si affinités érectiles.
- Oui ! Marie ! Je sais ! Je sais… je sais…
- Pas d'soucis, tu peux passer par derrière, aussi !
- Tais-toi, Marie ! on va finir par avoir des soucis avec des associations de défense du sexe faible.
- Sexe faible ? Qu'est-ce que tu veux que j'en foutre ?
- Tais-toi Marie ! tais-toi ! C'est mieux.
- Mieux, ça passe encore, du moment que c'n'est pas mou !
- Tais-toi ! Je t'en prie !
- A genoux, dans le confessionnal !
- Ah, non, pas la religion ! On avait dit, ne pas se mettre le clergé à dos !
- Si, si, les curés à crue.
- Tais-toi ! Marie !
- Mère de Dieu, que le Seigneur soit en nous !
- Stop ! Stop ! Stop ! On frise la censure et l'excommunication.
- C'est une idée, ça ! j'vais me faire confesser par l'abbé. Il ne peut pas me refuser ça !
- Vas-y ! Ça t'occupera, mais ne dit pas que tu me connais.
- J'y vais, mais je ne vois pas quels pêchés je vais bien pouvoir lui avouer ?
- Cherche dans confesse t'y verra peut-être deux sources d'inspiration.
- Anal et vaginal sont les deux mamelles des testicules.
- Tais-toi, tais-toi Marie ! Tais-toi !
- Commisération en érection,
- Tais-toi !
- Je récite mes tables de fornication.
- Tais-toi ! S'il te plait !
- Seigneur ! Pénètre-moi de ta foi, de ta fougue, de ta…
- Stop ! Stop ! Je n'écris plus tes répliques.
- BIP !
- Tu vois quand tu veux !
- BIP !
- M'en fous, on t'entend plus!
- BIP !
- Oui, c'est bien comme ça !
- BIP !
- A la bonne heure,
- BIP !
- Que du bonheur.
- BIP !
- Cool !
- Bip !
- Zen !
- BIP !
Etc. etc. et cætera.
Dring… dring…dring…
- Allo ! Hervé Lénervé… oui… bonjour !
- :(
- Pardon ! Je vous entends très mal !
- :((
- Monseigneur, comment ?
- :(((
- Du Vatican ? Aie !
- :((((
- Ce n'est pas moi, monsieur Monseigneur, C'est la p'tite Marie qui est au Pieu, que son nom soit ânonné, que son règne va et vienne, que…
Amen !
Pardon à tous les chrétiens ! J'suis désolé ! j'aurais dû censuré plus tôt.