Tigre tigre

skydoubt

Cette jungle est intense. J'ai aperçu ce magnifique spécimen il y a quelques temps. On avait passé de bons moments ensemble, comme si les lois de la nature n'avaient plus de sens. Depuis ce jour,je rêve de le revoir. Je marche,saute, cours, nage, le tout sans pouvoir laisser filer son image de ma tête. Je l'imagine partout et j'ai envie de le voir ici. Soudain il apparut. Ce tigre majestueux, unique. Son pelage châtain clair, teinté de reflet rougeâtre au contact des rayons du soleil me rappelle combien il est spécial. Pas seulement de par son existence exceptionnelle, mais ce tigre l'est tout particulièrement à mes yeux. À son contact, lors de nos échanges de regards, plus rien n'a d'importance. La jungle environnante disparaît. Mes angoisses et peur s'évaporent. C'est lui et moi, à cet instant précis de nos vies. Il a bien grandit depuis ce jour ou je l'ai recueilli. Ce rappelle-t-il encore de moi ? Je ne m'approche pas directement à son contact… Moi ? Je n'ai aucunement peur. C'est lui que je ne veux pas effrayer. Il me fixe quelques instants, de ses yeux verts perçants, avant de détourner le regard. Je l'intrigue, le fascine, mais il n'est pas rassuré. Il a du vivre tant de choses. Son attitude inspire la royauté, sa prestance me force a l'admirer, sans pouvoir détacher mes yeux de lui. Faisant de mon mieux pour laisser transparaître, à travers mon regard, les moments passé ensemble quand il n'était encore que bébé, dans l'espoir qu'il se souvienne de moi. Ses coups d'œils en ma direction montre qu'il se rappelle de moi, c'est sûr, mais son passé l'a heurté au plus au point. Je remarque,sur son flanc, une cicatrise dont vous ne pouvez vous imaginer la taille et la profondeur. Ce sont les braconniers. Ces êtres ne pensant qu'à leur personne élevée dans une société puante, directrice, autoritaire, sentant la poudre à canon, le métal, l'avidité, l'argent, la réussite personnelle. Cette société qui gratifie celui qui a fait comme les autres mais un peu mieux, et réprimande celui qui accomplis des actes qu'ils ne remarqueront pas, des actes d'une incroyable beauté œuvrant pour le bien commun. Seulement ce chevalier des temps modernes a réalisé son rêve trop tôt, à une époque pas assez tolérante. En fait, cette société régresse et ne seras plus jamais prête a accepter ce changement. Je suis toujours planté la à quelques mètres de lui. Son attitude est une suite d'action qui se répète. Me regarde de haut en bas, puis tourne la tête avec une rapidité dantesque en direction du moindre craquement, par peur de revivre ce qui lui est arrivé, de les voir débarquer, peur que ça lui arrive une nouvelle fois, puis reviens doucement poser son regard sur moi. Tout cela à intervalles irréguliers. Impossible de vous dire combien de temps cette scène a duré. Le temps n'était plus, il s'est courbé, défiant les lois de la relativité pour finir par ne former qu'une boucle. Chaque instant avec lui a toujours été ainsi, faussant la réalité, comme si tout ne devenait que rêverie. Tout perd son sens pour ne laisser place qu'au bonheur de l'instant présent, puis, quand il n'est pas la, c'est la que vous subissez de plein fouet le contraste entre la beauté de la vie quand elle vous est permise de la voir a travers ses yeux et la monotonie d'un quotidien quand il est au sein de sa jungle, sur son trône. Cette monotonie vous poussant a rêvasser, à penser a lui, aux moments vécus et à ceux que vous aimeriez vivre. J'ai besoin de lui, de son contact. Irrésistiblement, j'ai envie de tenter une approche. À pas de fourmi. Espérant que chaque avancée en sa direction lui rappelle qui je suis, ce qu'on a vécu quand il était encore qu'un petit félin. Les paumes de la main en évidence, lui montrant pattes blanches, je fais mon possible pour le rassurer, lui faire comprendre que ces braconniers font partis du passé, que je ne suis pas comme eux, Que je ne suis comme personne. Mon sang bouillonne, mon cœur tremble à chaque centimètre me rapprochant de lui. Il semble m'accepter. Jusqu'au moment où, de sa gueule grande ouverte, il lâcha un rugissement faisant trembler le sol, s'écrouler le béton, stopper la pluie à l'autre bout de la Terre. C'est un cri comme pour me remettre en place. Pour remettre en place tout ce qui l'entoure. Un hurlement pour retrouver SA place. Il doute de moi mais sait qui je suis au fond. C'est un paradoxe rendu possible par le monde que créer sa présence. Comme si son âme ne l'enveloppait pas mais s'étendait sur une dizaine de mètres autour de lui. Se rapprocher de cet astre magnifique reviens à entrer dans son monde, a s'enveloppait de son être, vous faisant entre dans son univers, vous donnant une place privilégiée pour l'admirer, vous poussant toujours plus chaque instant a la fascination, à l'admiration. Je désire passer ma vie a côtoyer cette âme, a l'entendre me parler, l'écouter attentivement, me délectant de chacun de ces mots, de chacune de ses vibrations. M'émerveiller devant son éclat. Ce n'est pas simplement ce tigre qui m'intéresse, mais ce qu'il est, ce qu'il a vécu, ce qu'il dégage, ce qu'il peut bien penser au fond de lui. Son rugissement me demandant de m'éloigner, je m'exécute, recule d'un pas, et comprend qu'il est trop tôt. Mais je n'ai eu de cesse de penser à lui tout ce temps, de rêver de lui pour partir maintenant sans rien dire. Il se couche, paisiblement, la tête posée sur ses pattes. Il sait que je suis la à coté, et pourtant se sent bien et ose s'aventurer dans un sommeil profond. Je m'assois sur un tronc, et attends patiemment son réveil dans l'espoir qu'il veuille bien me refaire confiance, acceptant mon approche. Le temps ne m'importe pas, seul le résultat compte. Je le contemple, sans qu'il ne le remarque.

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