Le genre de truc qui te fait croire qu'après avoir sauté, tu pourras voler sans ailes. Que ceux qui sont partis ne sont pas très loin et que personne ne les oublie. Que la douleur ne te mettra pas à terre. Que rien ne pourra rester dans l'ombre très longtemps. Que la danse ne finira pas tant que je bougerais. Accroché sur ton vélo, cette image. Le Yin et le Yang. Tu m'as expliqué ce que c'était, ce que ça impliquait. Le noir et le blanc. Il faut dire que je n'ai pas tout compris. Que je me concentrais pour bien pédaler, pour ne pas tomber. Je ne suis une bonne cycliste. Alors je t'ai laissé parler de toutes ces choses que tu connaissais mieux que moi. Que tu connais encore mieux que moi. À vrai dire, je n'en sais rien mais tu semblais si sûre de toi. Comme si tu le savais au fond de toi. C'est rassurant de te voir parler comme ça. On dirait que tu parles de tous les gens, pour tous les gens qui sont là. Pas pour moi, ni pour toi. Tu le fais aussi avant de t'endormir. Je le sais. Je t'ai entendue, cachée sous mes paupières. Je n'ai pas compris à qui tu parlais mais c'était à toi. Je suis sûre que tu trouves ça rassurant aussi de tout connaître. Alors, je t'ai écouté et j'ai laissé le vent et le paysage passer dans nos cheveux. Bientôt viendrait la pluie. Bientôt les cris. Je me suis rendu compte que je marmonnais et puis que j'avais soif. Encore. C'est sûrement ça qui fait que ni aujourd'hui, ni demain, je ne plongerais entièrement. Même si l'envie ne m'en manque pas. Ça qui me permet de me lever le matin et de m'endormir le soir, sans avoir trop peur du lendemain. J'aurais laissé les rides s'accumuler sur ma peau, les ombres envahir mes nuits, la peur couvrir mes yeux. Les chaînes se seraient resserrées un peu plus, m'étranglant. Contre le blocos, le soleil dans le dos. Je ne parlais pas. Je n'osais pas. Mes doigts cherchaient distraitement des brins d'herbes à arracher. Doucement, douloureusement, je laissais passer les minutes en me maudissant. Je me haïssais plus que jamais. J'ai de nouveau entendu tes explications. Le Bien et le Mal. Ta main droite lâchant le guidon pour faire un geste censé me convaincre, tu ne savais pas que je l'étais déjà. Depuis que tu avais parlé, que j'avais laissé ta voix me porter dans le vent. Les couleurs sont douces ce soir. Rose et bleu se mélangent habilement. Quelques coquelicots se balancent près de nous. Les oiseaux chantent la venue de la Lune. Leurs rouges est comme une tâche du sang dans l'herbe.