TITANOR, le robot sapiens

Pascal Coquet

Préface


Une poignée de chercheurs spécialisés dans le domaine de la physique quantique et à ses multiples applications se réunirent au sein du LHC. Leur but consiste purement et simplement à isoler et reproduire artificiellement, c’est-à-dire par synthèse, la particule primordiale, celle qui est la quintessence du tout, celle qui allie les 4 forces de l’univers, dû moins si elle existe. Avec cette particule ils pourraient créer un humanoïde…

CERN, allocution du Pr.Badkopf


Tout commença au CERN à Genève, dans le gigantesque accélérateur de particules, ce cyclotron monumental, le rêve du Professeur Charpak.

Nos chercheurs se réunirent dans le hall SM18 où les milliers d’aimants supraconducteurs du LHC furent assemblés dans leur cryostats, ces récipients thermiques, puis testés. En utilisant ce must de la technologie il leur sera possible de tout savoir ou presque,  sur la physique quantique bien-sur mais aussi sur la technologie des aimants, la radiofréquence, la cryogénie … Ainsi ils se livrèrent à moult expériences.

Prenant un ton respectueux, comme s’il était dans une église, le Pr.Badkopf prit la parole :

«Rappelez-vous ici, à Genève, le 20 novembre 2009 les faisceaux de particules circulaient dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’accélérateur de particules le plus puissant du monde, le Grand collisionneur de hadrons du CERN. Cela constituait en une étape d’importance majeure dans la perspective des premiers résultats de physique attendus dans les années suivantes.

Depuis lors des étapes successives ont régulièrement été franchies. Le LHC a atteint sa température de fonctionnement.

Et l’on en arrive à ce qui nous intéresse, les collisions.

En effet la prochaine étape importante, les collisions à basse énergie. Elles donnèrent leurs premières informations ce qui a permis de mener à bien un travail d’étalonnage important. Cette étape fut marquante, car, jusqu’à présent, toutes les données enregistrées par les détecteurs venaient des rayons cosmiques. Il s’agissait ensuite de faire monter en énergie les faisceaux, en préparation de collisions jusqu’à la valeur insensée de… Et même plus !

La physique des particules est une entreprise mondiale, et le CERN a bénéficié de l’appui d’instituts du monde entier. C’est maintenant à nous d’en utiliser pleinement le potentiel, sagement, avec toutes les réserves qui s’imposent.»

Ainsi se termine le discours du Pr.Badkopf.

Nous connaissons toute l'affaire car celle-ci a été révélée par un journaliste zélé autant qu'opportuniste à l'affut du scoop qui le propulserait sans coup férir sur les rails d'une carrière sans ombres. (Il faut reconnaitre que sans lui nous ne saurions rien, toutefois la prise de risque fut mal évaluée car inutile de dire qu'un démenti fut immédiatement publié et que le jeune journaliste fut définitivement radié de la profession ...)

Le but de ces savants consistait purement et simplement à isoler et reproduire artificiellement, c'est-à-dire par synthèse, la particule primordiale, celle qui est la quintessence du tout, celle qui allie les 4 forces de l'univers, Dû moins si elle existe. Voilà bien là de quoi attiser la curiosité de notre journaliste !

Mais trouver la particule primordiale ne consistait qu’en la première étape d'un projet ambitieux classé ultra secret, mené dans le plus grand silence par des experts physiciens, mathématiciens, chimistes, biologistes, philologues, concepteurs informaticiens, et que sais-je encore, le tout sous la tutelle de la défense nationale.

Dans le gigantesque accélérateur sous-terrain les électrons et autres particules prennent de la vitesse puis finissent leur course en une déflagration incommensurable.

C'est le temps T, l'instant I, la minute M, la nanoseconde N...etc.

Les physiciens, regards figés sur les divers écrans de contrôle et autres oscillateurs, guettent le miracle, l'élément que tant de chercheurs ont espéré trouver, à commencer par Einstein qui y consacra sa vie.

Mais revenons au présent, à Genève, et à se qui se trame. Ce fut le professeur Badkopf qui, grâce à la "grille" du célèbre Pr. Charpak réussit l’incroyable : isoler la fameuse particule tant convoitée. En l'honneur de son découvreur on la  nomma "Badkofon". Une singulière particularité de cet élément atomique : l'électron gravite autour de son propre noyau à la  vitesse phénoménale de 45 Millions de Km/s, soit environ 150 fois la vitesse de la lumière. (Qui est comme chacun sait de 299 792 458 m/s)

On verra une application de cette étonnante propriété dans quelques paragraphes ...

ESA


Pour l'équipement du futur cyborg, car il s’agit bien de la conception entièrement novatrice d’un androïde, cette poignée de savants choisit un site qui a fait ses preuves, l'ESA à Toulouse.

Nous voici maintenant dans ces locaux légendaires où furent jadis assemblés entre autres prouesses technologiques, divers éléments d'Ariane, le lanceur européen.

C'est ici que Titanor, du moins sa partie physico-bio-mécanique verra le jour selon le même principe communautaire utilisé il y a quelques siècles. En effet, des pièces détachées issus des dernières recherches scientifiques et technologiques viennent du fin fond de l'Europe et sont acheminés par voie aérienne, par voie de mer et enfin par voie de terre.

Durant ce temps, ailleurs, une autre opération essentielle se prépare. Nous verrons ainsi comment la science moderne s'allie à la quête et au savoir ancestral de l'alchimie.

USINOR

Pour ce projet ambitieux, des savants non réfractaires à toutes les idées (tout existe !) ont décidé de marier la science et les préceptes alchimiques.

De vieux manuscrits nous apprennent que la manipulation alchimique vise à singer la naissance du monde…

Ne visons pas si haut et contentons nous de prendre Titanor, notre futur cyborg, comme  sujet d'expérimentation. Ainsi tel que nous le verrons, et tel que nous l'enseigne le passé, 6 opérations sont nécessaires, se déroulant en 4 phases.

Nous devons donc quitter Toulouse car la première étape est celle de la calcination où l'on crée un alliage de métaux : c'est la phase de cuisson, l'œuvre au noir. Donnons-nous rendez-vous dans le Nord sur un site désaffecté depuis fort longtemps, j'ai nommé Usinor, les fonderies ont été réhabilitées pour la cause. C'est en effet en ce lieu mythique que sera réalisé l'alliage, le titane, qui consistera en l'exosquelette de notre futur cyborg. C’est la phase 1 de notre alchimie.

Dans le Nord on le sait, dû moins on l'a su, il y eut des fuites ça c'est sûr : Usinor a  repris de l'activité. Il parait selon des sources plus ou moins fiables qu'il s'agirait d'un projet spécial, top secret, mettant en œuvre la fine fleur de la haute technologie et toutes les dernières innovations en matière de biomécanique pour le compte du gouvernement.

En tous cas, à la grande satisfaction de tous, les cheminées des hauts fourneaux colorent le ciel de leur sombre vapeur, les particules d'anthracite tapissent joyeusement les fameux pavés, jalonnent les sentiers et scintillent en voletant allègrement dans la lumière blafarde de ce nouveau jour.

Dans la région, les gueules redeviennent noires.

A l'intérieur même de l'usine c'est l'enfer ; certes nous ne sommes pas dans le royaume d'Adès mais dans les forges d'Héphaïstos ! D'énormes fours autorisent la fusion d'un mélange d'acier à des températures dépassant les 3000°.

Ici se déroule l’étape 1 de l'alchimie : la calcination, la phase de cuisson, l'œuvre au noir. Des becquets gigantesques sont prévus à cet effet.

Institut Pasteur

Cette phase de cuisson peut fort bien se dérouler sans nous, pour la 2èm étape, faisons un détour par l’institut Pasteur. Les premiers éléments montés de Titanor ont été chargés sur un convoi spécial, et en route ! (par contre, garer le camion dans Paris n’a pas été simple…)

Nous sommes dans cette institut pour réaliser la deuxieme étape : biologie moléculaire et biologie chimique : c'est l'instant du tri sélectif, ou la synthèse. On garde l'utile, on jette le reste d'où la putréfaction. C'est ce peut appeler l'œuvre au blanc, la phase d'évaporation.

Ceci fait, départ pour la banlieue parisienne : le centre de Saclay où il sera question de robotique.

Centre de Saclay

C’est en effet ici que se déroule la 3ème étape de ce projet dément :

A la première équipe viennent s’adjoindre des spécialistes issus de l’Europe entière. Le gouvernement ne les a pas vraiment éclairés sur les enjeux. Ils savent uniquement ce qu’ils doivent savoir, qu’il s’agit de robotique, point final.

Et de toute façon ce sont des chercheurs, le reste ne les intéresse pas.

Donc étape 3 : microbiologie et nanoélectronique : c'est l’œuvre au rouge, la phase de mélange avec la biologie humaine, l'amélioration du vivant.

Où l'on dote Titanor de tout un panel d'électro-capteurs et autres senseurs insensés quoique bien pensés à l'intérieur de sa boite crânienne.

Le moule, phase 4

Nous pouvons maintenant passer à la phase 4. Un camion spécialement affrété remporte Titanor vers la fonderie d'Usinor :

Le métal en furie est fin prêt, c’est le moment pour les hommes vêtus de blanc, ils peuvent entrer en action,

Pianotant sur un pupitre de commande au demeurant fort complexe, ils commandent et dirigent des chaines, des poulies, des vérins hydrauliques et font basculer le becquet avec son précieux contenu vers des godets, lesquels sont à leur tour acheminés à l'aide de rails vers leur destination finale, le moule, où est délicatement placé le corps inerte de Titanor.

L'alliage, le titane, se déverse alors dans le moule ce qui constituera en sa future enveloppe, son exosquelette.

Afin que le mélange soit absolument parfait, on réitère l'opération. On tente en effet d’appliquer les principes ésotériques de l'alchimie pour cette réalisation pour le moins étrange.

CEA, Saclay, étapes 5 et 6

Faisons un bref détour par le Commissariat à l’Energie Atomique car c’est ici que le Badkofon découvert au CERN a été recréé artificiellement.

Dans le cas qui intéresse la création d'un cyborg très évolué, les neurones ainsi que les connexions synaptiques électro-biochimiques existantes seront remplacés par les atomes de Badkofon. (Rappelons que son électron gravite autour de son noyau à plus de 150 fois la vitesse de la lumière). Sur ces milliards de cyber-synapses s'adaptera un tissage de fibres optiques assurant une liaison ultra-rapide entre chaque particule de Badkofon.

L’opération est finalisée au centre de Saclay où d’autres savants, techniciens, électroniciens,  programeurs, informaticiens, roboticicien, équipementiers…Etc. sont venus se joindre à l’équipe préalablement constituée.

Le cortex de Titanor accueille désormais de puissants calculateurs sous la forme de circuits logiques, une plage mémoire supplémentaire lui est allouée.

On a également particulièrement soigné les facultés sensitives de ce futur androïde, il pourrait théoriquement analyser des situations et réagir comme un humain, c'est-à-dire avec sa sensibilité.

On y a finalement peaufiné un programme d’intelligence artificielle, ceci consiste en la dernière étape de la conception de Titanor.

Logée dans son crâne, cette intelligence sera sans cesse améliorée par un programme élaboré d'auto apprentissage et enrichi à l’aide d'une base de données au savoir encyclopédique quasi-infini périodiquement actualisée.

C'est, en langage alchimique, ce qu'il est convenu d'appeler l'étape de Sublimation. Une fine poudre d'or parsème Titanor et le rend, suivant les préceptes suivis,  idéal autant que parfait.

L'on assiste alors au mélange de l'or et du titane, du cyborg et de l'humain.. Encore un bref instant et Titanor ouvre les yeux.

Lors le monde, c'est certain, ne sera plus jamais le même... Car le robot Sapiens est né. 

Conséquences

Pourquoi le monde change ? Il y a plusieurs raisons à cela, divers stades évolutifs :

Tout d'abord du point de vue déontologique ou plus précisément le positionnement de l'homme eu égard à la théologie est perçu différemment.

Pour la 1ere fois dans l'histoire de l'humanité nous avons créé de nos mains une entité certes mi-homme mi-robot mais sensé être notre égal, voire même supérieur à nous.

Cet aspect déontologique avait été abordé lors du clonage de la brebis Dolly par l'écossais  Campbell dans les années 1980. Cela avait fait beaucoup de bruit à l'époque puis les esprits s'étaient calmés et depuis nombre d'animaux avaient été reproduits par sa méthode, le plus souvent dans l'indifférence générale, le clonage étant désormais un concept acquis et assimilé.

Mais là il s'agit de bien plus encore. L'homme a créé une « chose » à son image et les consciences s'en trouvent fortement troublées, voire choquées. Certaines personnes sont offusquées car elles voient là sans conteste un aspect dérangeant allant à l’encontre de leur croyance.

Nul doute que pour certaines âmes il s’agit d’un bouleversement de l'ordre établi.

Il va sans dire que l'église et autres paroisses regardent tout ceci d'un mauvais œil. En ce qui concerne la chrétienté, un comité d'éthique a été instauré au sein du Vatican.

Des émissaires parcourent le monde fustigeant les scientistes et prêchant la "bonne parole."

On ne peut s'empêcher de penser à l'inquisition car l’église, exacerbée par ce péché d’orgueil, par l’intermédiaire de ses messagers se montre de plus en plus pressante, voire même tyrannique.

La conférence TEKLA

Partant d’une bonne idée à la base, le programme de conférences TEKLA  est peu à peu devenu une espèce de gros hyper show auquel il est de bon ton de participer pour se faire une place d’expert autoproclamé dans le Who’s Who des nouvelles technologies.

Dans une scénographie et une réalisation dignes de Jean-Christoffe Averty, quantité de visionnaires y présentent ainsi les formidables révolutions qui feront notre futur, à grand renfort d’anaphores convenues et de petits mots d’humour pour faire marrer l’auditoire.

Avec surprise, car on le sait casanier, c’est au sein de ce fameux programme que l’incontournable Pr. Badkopf est venu présenter un projet bien plus pointu que n’importe quel morceau de Genesis.

On le sent tendu, il s’éclaircit la voix en toussant et mettant son poing en rond devant sa bouche, jette un crachat dans un énorme mouchoir, desserre sa cravate, règle le micro et, finalement, entame son allocution :

«Que se passerait-il, demanda-t-il en remettant son mouchoir dans la poche d’un pantalon tellement défraichi qu’il a dû connaître l’exode, que se passerait-il disais-je si nous pouvions découvrir de nouvelles interfaces qui permettraient de … Non, je vais tenter de m’expliquer plus clairement :

Voilà donc brièvement mon idée : Mon initiative vise  simplement à donner la possibilité aux cyborgs de se connecter à Internet, à leur permettre de rejoindre le réseau des hommes, parce qu’ils auraient alors accès à une source de données inimaginable propre à enrichir leur connaissances et ainsi à les faire évoluer « mentalement » grâce à leur cerveau positronique et à leur mémoire de masse.

D’ailleurs, au sujet de cette mémoire, je voudrais juste dire un mot ; je suis obligé d’être un peu technique, veuillez m’en excuser je serais bref :

Il est parfois nécessaire de supprimer toutes les pages ou segments d'un processus de la mémoire centrale. En ce cas toutes les données du cyborg sont stockées en mémoire de masse.

Alors que le système d’exploitation CIBO 2.04 de l’androïde a besoin d'allouer de la mémoire aux processus actifs, les segments de code sont tout simplement réassignés, c'est-à-dire déplacés.

Pour cette raison, le système d'exploitation interdit l'accès en écriture à un fichier exécutable en cours d'utilisation ; globalement, il est impossible de lancer l'exécution d'un fichier tant qu'il est ouvert par un autre processus.

En d’autre termes, pour l’instant l’androïde  est  limité dans ses actes, non par un manque d’équipement au niveau du hardware ni de ses composants, mais par l’assignation des fichiers car le système d'exploitation a besoin d'allouer de la mémoire aux processus actifs au détriment d’autres fichiers qui sont par ailleurs nécessaires à l’ensemble de ses fonctions.

Pour résumer, le cyborg ne peut, pour l’instant, utiliser tout son potentiel.

Mais ceci sera bientôt résolu, j’en suis persuadé et ainsi les cyborgs auront un contrôle total de leur environnement.

Et j’en arrive donc à mon deuxième projet : je suis persuadé qu’il est possible que les cyborgs, grâce à leurs grandes capacités d’intégration et à leur vitesse d’analyse phénoménale, soient en mesure à court terme de rentrer en contact avec les espèces les plus évoluées de notre planète.

Il serait ainsi curieux de voir ce que Titanor, par exemple, aurait à dire à un bonobo sur Skype ou Facebook après s’être flashés sur Meetic…} »

C’est sur cette touche humoristique que se termine le discours du professeur.

Bien sur les différents prestataires de services ont immédiatement réagi de manière positive car assurément, la chose ouvre de bien belles perspectives financières aux fournisseurs d’accès Internet ou encore à Facebook qui, en ouvrant des comptes pour chaque cyber-individu du globe pourrait très probablement passer le trilliard de membres.

Mais il y a tout de même derrière ce projet réjouissant un arrière gout de m… Une certaine inquiétude quant au devenir de l’humain. Il règne en ce monde un drôle de parfum qu’on n’avait plus senti avec autant de vigueur depuis des décennies, un monstrueux mélange d’impérialisme, de colonialisme avec des pointes d’eugénisme...

L’homme pense dominer sa créature androïde, il croit qu’il pourra l’asservir. Le robot accepterait-il de suivre la voie tracée par les chiens savants ou ces animaux qu’on déguise en homme pour distraire les enfants ! Peu probable.

Mais ceci n’est rien : Comme si, non content d’être son propre prédateur, l’homme devait absolument se mettre à humaniser le cyborg pour le faire à son image. Comme si l’avenir du cyborg était dans l’homme, dans la civilisation de l’homme, dans sa culture et son réseau social et que c’était une belle chose de le ramener dans le petit monde humain, de le plier à notre petit anthropomorphisme égocentrique, sans se douter des conséquences… Dans quel but cette folie ?

Car les cyborgs, dans un premier temps et dans un avenir très proche à n’en pas douter, seront certes fabriqués en série par les hommes. On leur confiera des taches domestiques, d’assistance, d’accompagnement …etc.

Puis la robotisation atteindra rapidement un seuil, un seuil de non-retour, le robot n’est-il pas conçu pour remplacer les taches de l’homme ? On a oublié qu’il est équipé d’une formidable intelligence, artificielle peut-être, mais évolutive.

Alors un jour il se fera sa propre opinion au sujet de la société dans laquelle il vit, il fera son propre jugement, il prendra son propre contrôle ainsi que le contrôle des usines de fabrication des androïdes…

Et ce sera notre fin car le robot Sapiens est né.

 

La rébellion

Quelques mois passent. Les usines de construction des cyborgs poussent comme des champignons. Leur prolifération devient inquiétante car chaque individu possède désormais son androïde, mais il y a plus inquiétant que cela :

Chez certains cyborgs humanoïdes la capacité du cerveau positronique dépasse celle de l'humain. Dotés de leur puissante intelligence artificielle évolutive, ils sont à même de prendre des décisions et ne s'en privent d'ailleurs pas. Ils rejettent l'autorité de l'homme et certains vont même jusqu'à se rassembler en clans afin d'organiser une prise de pouvoir et un contrôle total imminent, c'est à dire l’éradication de l'homme.

La prise de conscience

Une fois de plus le Pr.Badkopf sort de sa tanière, emmitouflé dans son vieux cardigan élimé et se jette dans un taxi qui passait par là, direction l’Institut des sciences humaines. Ici se trouve l’équipe de la première heure, l’objectif de Badkopf : endiguer le raz de marée cybernétique.

A cet effet il réunit ses collègues dans un amphithéâtre, s’empare d’un micro, tape dessus pour voir si le son passe et s’adresse  à eux en ces termes :

« Test, test, Paris, Bordeaux, Le Mans... Bon. Comme vous le constatez journellement, les cyborgs tentent de prendre le pouvoir. Ce n’est absolument pas dans ce but que nous avions créé le premier androïde plus que parfait, Titanor.

J’aimerais vous rappeler cette phrase de ce pionnier français de la cybernétique : «La cybernétique est l’art de rendre l’action efficace.» Cette définition de Couffignal est celle qui se rapproche le plus de la conception de Platon : « Le bon pilote est celui dont l’action est efficace dans la tempête. » En effet Platon utilisait le mot grec kubernêtikê pour désigner le pilotage d’un navire.

Il s’est souvent servi de cette métaphore pour présenter l’art véritable de gouverner, celui qui repose sur la sagesse, sur la connaissance du bien. Kubernêtikê donna le mot cybernétique.

Il me semble que nous nous sommes bien trop éloignés de cette idée.

C’est pourquoi devant l’afflux plus ou moins contrôlé du cyborg dans notre vie de chaque jour, je propose, à l’épicentre de ce phénomène, que nous nous rendions dans trois jours au laboratoire Genetek de St Jonc la Bretelle pour prendre notre pouls et notre température, en bref pour essayer d’entrevoir le futur de notre humanité.

Nous ? C’est a priori une petite cinquantaine de membres, d’ingénieurs et d’assistants qui ont contribué à l’élaboration de Titanor. Il va sans dire que tous les chercheurs, ingénieurs, concepteurs, programmeurs, philosophes et autres volontaires sont les bienvenus.

J’aimerais bien vous dire d’aller traîner dans je ne sais quel bar à bière et à saucisses pour y refaire le monde et aborder des questions existentielles qui agitent l’esprit de tout un chacun mais ce n’est pas le cas.

Car entendons nous bien, le problème est très grave, jamais l’humanité n’a connu un tel danger. Nous nous enfermerons dans les locaux de la Genetek le temps qu’il faudra pour trouver une solution à ce péril que l’on n’a pas su prévoir.

Dites-vous bien que nous sommes d’ores et déjà en cellule de crise. A l’ordre du jour, du moins au début de la session, il y aura 3 thèmes.

Nous traiterons de l’intelligence artificielle. Il s’agira de décider de sa réelle opportunité et de son degré d’intégration dans le cyborg.

L’éthique, un sérieux problème que nous avons trop négligé, la déontologie, l’aspect du cyborg, ses traits, ses sens son intelligence, sa façon d’aborder un problème …etc. Tout ceci est-il trop proche de l’humain ?

De plus il me vient une idée : l’obsolescence programmée. En effet l’obsolescence programmée, qu’elle soit technologique, psychologique ou technique, est un stratagème industriel visant à réduire sciemment la durée de vie d’un produit dès sa conception. Dans notre cas il suffirait de programmer nos futurs Cyborgs pour une durée de vie très courte. Evidemment face à leur degré de cognition, il faudrait que cela se fasse à leur insu. Je vous demande donc d’y réfléchir.

Et puis bien sûr de vieilles et rémanentes questions resurgiront : MPC ou Machine ? Hardware ou software ? Positronique ou non ? Ios ou Androïde ? Etc, et cetera.

Toute proposition, idée, ébauches de solution seront à envisager, rien ne sera écarté. Histoire d’astiquer vos armes pour ce long débat, chacun pourra déjà se renseigner et glaner ça et là des tonnes de documents, revues scientifiques, articles et mêmes des archives jugées obsolètes ».

PC débuté le 01/02/13 remanié le 26/03/13

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