Tonton Archi est archi mort

Hervé Lénervé

Quand on sait que vous écrivez. On vous sollicitera sans scrupule au moindre discours à produire. On me demanda donc, d’écrire la nécro de l’oncle Archibald. Oui ! Celui-là, qui avait le cul cousu.

Si nous sommes tous heureux d'être réunis, ce jour, tous en famille réunie, c'est malheureusement pour une circonstance bien triste, hélas. Oui, hélas, car notre cher tonton Archibald a disparu. Il était là, joyeux parmi nous et hop, il n'y est plus ! Evaporé l'Archi ! Disparonez à notre barbe ! Pour l'éternité des siècles. (Ok, j'ajoute ça, monsieur le curé !)

Tonton Archi, tu resteras gravé en nos cœurs comme le joyeux luron que tu étais, que tu fus, mais que tu n'es plus, Lustucrus. Toujours là, là, là, nous nous souviendrons de toi dans tes facéties quotidiennes pour chasser la mélancolie de nos sinistres vies de labeurs et de peurs et de joies aussi. (Oui, je rajoute « joie », monsieur le curé, mais surtout pour les filles.)

Ce qui restera toujours en nos mémoires ce sont des anecdotes truculentes de tes blagues bon-enfant. Du jour, où tu avais coincé la p'tite Marie dans la grange, ce jour où l'orage se déchaînait comme un beau Diable. (Ok, je supprime « beau », monsieur le curé.) Que lui avais-tu, donc, raconté pour qu'elle sorte, nue et sans effets, sous la pluie battante, en criant : « A moi ! Au secours ! A l'aide ! »  Ah ! Sacré Archi ! Sacré plaisantin, tu faisais ! (Je changerai « sacré », ok ! Monsieur le curé) Et même, si la p'tite Marie n'a jamais plus souri depuis cet incident, je suis sûr qu'intérieurement, elle rigolerait encore de tes chatouilles, si elle n'avait pas mis prématurément fin à ses jours, quelques temps après. J'en profite, ici, pour remercier notre cher monsieur le curé, d'avoir su fermer les yeux de cette enfant et fermer les siens sur les règlements intérieurs de notre communauté, afin de l'accueillir parmi les siens, sa grande famille chrétienne.

Archi ! Oui ! Tu étais riche ! Et alors ? Parti de rien, tu avais fait fortune aux States, en créant ce système qui allait sortir des familles entières de la misère, en leur permettant, un temps, de vivre comme des nababs, d'accéder aux richesses par le crédit. Pour ces instants de joie et d'ivresse que tu leur procuras nous te louons Archi ! Même si ta générosité ne fut pas reconnue à sa juste valeur. C'est la règle, secourez les nécessiteux, ils vous couvriront de leur ingratitude. Mais l'adversité ne te découragea jamais de faire le bien autour de toi. Tu n'as pas inventé le surendettement, tu as suscité le rêve. Nous te louons Archi ! (Ok, j'arrête avec « louer », monsieur le curé ou seulement si c'est pour vous louer les services d'une cover-girl, comme la dernière fois.)

Rentré en France après tous ces procès. Revenu parmi ta famille, tu ne rechignas jamais à aider celui qui venait te demander aide et assistance. Ton cousin Bertrand, que nous regrettons aussi, fauché comme les blés, tu l'embauchas dans tes usines. Pourquoi fallut-il que la fatalité s'acharne ainsi sur lui. Un accident stupide, comme ils le sont souvent plus qu'à leur tour, le faucha, encore, comme les blés à l'âge où la jeunesse fait prendre tous les risques. Les systèmes de sécurité nuisent à la productivité, on est jeune, on s'en passe pour faire plaisir à tonton. Tu pris tous les frais des obsèques à ta charge et tu dépensas sans compter pour soulager l'affliction de ses parents en échange de quoi, trois fois rien, le silence, juste et seulement un petit silence réparateur. Ah, les ingrats sont partout et même parmi nous. Mais nous te lou… te prions Archi ! (« Prier », on a le droit, non ? Monsieur le curé ? Non plus, ok !)

Je terminerai ici, car le temps ne me serait jamais assez long et me manquerait conséquemment, pour te saluer à ta juste valeur marchande, notre ami. Toi, le bienfaiteur ! Toi, le philanthrope ! Toi, le Juste ! Toi, le Saint ! (ok, je remplace « saint » par « nain », monsieur le curé.)

Adieu Archibald ! Nous ne t'oublierons jamais, tu resteras toujours en nos cœurs comme le Sauveur. (« Sauveur », « mais si », on a droit ! ah, non, on n'a plus droit, maintenant, d'accord, monsieur le curé, je retire. Putain, ce n'est pas facile d'écrire pour la mémoire, on ne peut pas tout dire ! Il faut respecter l'honneur des morts.)

***

Le pire des salauds, une fois mort, n'est qu'un salaud comme les autres.

Signaler ce texte