Torment : Introduction

syon-raydam

« Il ne me reste plus que la petite touche finale… »

                Concentré comme jamais, je traçais mon ultime trait tout en restant le plus précis possible, la langue posée sur mes lèvres, je prenais le soin d’éviter tout tremblement qui viendrait compromettre la qualité de l’œuvre. Tout en posant le crayon après m’être convenablement étiré, je pris cinq minutes pour contempler mon travail. Avant de souffler un grand coup pour évacuer tout ce stress qui durait depuis deux ans, je pris le soin de ranger toutes les pages de la bande dessinée. Les seuls mots qui purent par la suite sortir ont été :

                « Ma chérie, viens voir ! »

                Claire se précipita sur la porte de la chambre et l’ouvrit à la hâte. Elle portait une mini-jupe noire accompagnée d’un débardeur blanc. Toujours souriante, ses yeux bleus étaient plongés dans les miens. Ne comprenant la raison pour laquelle je l’ai appelée, elle fit un petit mouvement de la tête pour m’inciter à parler. Retrouvant de plus belle mon enthousiasme, je m’exclamais avec la plus grande joie :

                « Ça y est, enfin, j’ai terminé !

                - Ta bande dessinée ?  me demanda-t-elle, un plus grand sourire se dessinant sur ses lèvres.

                - Oui ! »

                Elle s’avança doucement, affectée par ma réussite car empathique, elle était plus qu’heureuse pour moi. Tandis que je me levais pour lui laisser la place, ma compagne vint se réfugier dans mes bras pour me faire un câlin, suite à quoi nos regards s’entrecroisèrent pour finir sur un tendre baiser.

                Il n’était pas nouveau de la voir s’extasier pour mes créations, en effet, depuis toujours, elle était en admiration devant mes petites créatures, mais chaque fois, c’est un véritable moment de bonheur qui me rappelle combien j’ai de la chance que son cœur m’appartienne. Tandis que ses yeux parcouraient la page, un sourire béat aux lèvres, je repensais à cette histoire qui nous a unis, si peu commune, mais si belle.

                Lorsque ses doigts parcoururent l’épais tas de feuilles, elle me regarda tout en prenant le projet avec précaution, puis me dit doucement :

                « Si tu veux bien, je vais lire ça au salon, sur un bon fauteuil.

                - Oui bien sûr. »

                Alors qu’elle s’éloignait, je ne pus m’empêcher de commencer :

                « Heu… »

                Mais avant même que je ne puisse parler, elle me coupa pour répondre :

                « Ne t’inquiète pas, je te dirais ce que j’en pense. Mais à mon avis, tu n’as pas à t’en faire. »

                Le scénario me revînt soudainement en tête, je le trouvais peu poussé, pas assez exploité, c’est pourquoi je pris le temps de me replonger dedans après avoir observé ma compagne s’en aller. Songeant de ce fait à la surprise que je lui préparais. Crayon en bouche et les mains soutenant le poids de ma tête, je relisais la trame scénaristique de l’histoire à venir. Mais il fallait avant toute chose que ce projet soit accepté et ce n’était pas encore gagné.

                Il était seize heures lorsque ma femme revînt me voir, les yeux rivés sur une des planches de la bande dessinée.

                « Ca, dit-elle en appuyant son index sur le dossier, c’est ton chef d’œuvre. Personne ne pourra refuser autant de soin et d’attention porté à ces pages. D’abord, parlons des dessins qui sont, comme toujours, magnifique et très réalistes, quand ce ne sont pas des monstres évidemment. Les paysages sont également admirables. Les dialogues quant à eux sont nets, compréhensibles et se rapprochent de très près à ce que dirait une véritable personne ! »

                Elle fit une pause pour me laisser le temps d’assimiler puis reprit avec le sourire :

                « Le scénario, qui, lui est moins développé reste bien. J’attends la suite évidemment pour pouvoir juger, mais je pense que pour un premier tome de bande dessiné, tu aurais dû faire ça plus claquant. 

                - J’y ai pensé justement, et je réfléchissais à comment l’améliorer. Mais après avoir autant travaillé sur les personnages, les décors et les monstres, je ne pouvais que gâcher la partie histoire. Sinon c’était dix ans, et non deux pour avoir un tome de cette bande dessiné !

                - Oui c’est sûr, mais en tout cas, c’est juste super, bravo ! Je suis fier de toi mon ange ! »

                Comme à mon habitude, je ne savais pas quoi lui répondre.

                Le projet était fin prêt, cette bande dessinée était l’œuvre que j’attendais depuis toujours de faire. Heureux et en phase avec moi-même, j’étais comblé, l’amour inconsidérable que me donnait ma Claire accentuait ce sentiment pour le rendre encore plus beau.

                Je n’étais peut-être qu’un amateur, il ne changeait rien au fait que je ne me voyais pas faire autre chose. Heureusement pour moi, Claire couvrait nos deux vies avec son emploi d’infirmière. Sa détermination à me voir réussir la poussait à me laisser m’épanouir pleinement dans mon domaine. À raison de quoi… je devais tout faire dans la maison… Et c’était bien la chose la plus embêtante dans mon « métier » !

Signaler ce texte